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    Une bien curieuse histoire...

    Le prieuré Saint-Blaise de la ''Haye'' à Saint-Christophe-du-Bois.

     

      Dans les années 1980, j'avais rencontré un autodidacte intarissable sur les guerres de Vendée . Notre passion commune avait entraîné à l'époque, des visites régulières à son domicile, au prieuré Saint-Blaise de ''la Haye'' ; visites qui se sont étalées sur sept années. Je veux parler de Monsieur Joseph Manceau, maire de Saint-Christophe-du-Bois, grand blessé de guerre, titulaire de la croix de guerre 1939-1945 ; il s'en est fallu de peu qu'il ne perde sa jambe d'une rafale de mitrailleuse....... une balle lui était restée dans le corps. Je me souviens qu'avant d'effectuer nos recherches, je testais mon détecteur de métaux à l'endroit où le projectile était enkysté. Il me reste de cette époque une grande complicité avec ce Monsieur, beaucoup d'amitié et de pudeur.

      Bref, nous en avons parcouru des hectares à la recherche de souvenirs Vendéens, il voulait même m'offrir un boulet de canon découvert par son père dans un talus, objet qu'il a recherché vainement dans sa cour, celui ci ayant disparu mystérieusement, ce qui l'avait beaucoup contrarié....

      Un mot sur le prieuré, une bulle datée du 30 mars 1219 au Latran, le Pape Honorius III mettait sous la protection du Saint Siège l'abbaye Notre Dame de La Réau et confirmait toutes les possessions et libertés à elles accordées par Henri II roi d'Angleterre et ses fils. Au nombre des prieurés nommés parmi ses possessions se trouve ''Sainte Marie de la HAAE''. C'est la première fois que le prieuré de la Haye est cité dans un texte dont il reste la copie. Mais alors pourquoi Saint-Blaise ? Parce que le prieuré de la Haye possédait depuis sa fondation une chapelle (aujourd'hui détruite) sous le vocable de Saint-Blaise.

    Le prieuré de la Haye....

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     La Révolution : Le 13 septembre 1790, Urbain Testreau l'aîné, membre du Directoire du district de Cholet se présente à Mortagne au domicile de Madame Marie Soulard, veuve Boutillier, fermière du temporel de ladite ''abbaye'' afin de procéder à l'inventaire des titres et du mobilier du prieuré Saint-Blaise de la Haye. A ces fins, il était assisté de Mr Chouteau, substitut du procureur syndic et de Duval, secrétaire greffier. La municipalité de Saint-Christophe-du-Bois avait désigné deux des siens : Clair Griffon et Louis Delahaye, officiers municipaux. Madame Boutillier communiqua aux représentants du District et de la municipalité des documents constatant que le mobilier du prieuré se réduisait aux meubles de la chapelle. On le trouve composé de nappes d'autel (deux), trois chasubles avec leurs étoles, deux aubes, un calice, une patène et un missel avec une petite armoire et une clochette. Les Commissaires l'évaluèrent à 180 livres.

    Le prieuré de la Haye....

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Le prieuré de la Haye....

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     La bataille du 15 octobre 1793 : « Le quinze octobre, après que Tiffauges eût été incendié par ordre des Représentants, Kléber se mit en marche, sur les sept heures du matin. Savary, qui connaissait parfaitement le pays, lui proposa de ne pas prendre le plus court chemin qui pour se rafraîchir longeait le cours de la Sèvre, parce qu'il était impraticable pour l'artillerie, mais de suivre le grande route de Cholet jusqu'à la Romagne. Arrivé près de ce bourg, Kléber aperçut un poste ennemi que quelques coups de fusils mirent en fuite et qu'il poursuivit vers Cholet sans pouvoir l'atteindre. Après avoir fouillé le bois du Longeron et poussé des reconnaissances vers Roussay et Montigné, il continua sa marche, laissant à droite le bois du Longeron, à gauche le bourg de Saint-Christophe-du-Bois et vint camper dans la lande de l'abbaye de la ''Haye'' qui domine Mortagne »......  Il était environ midi ; Kléber avec quelques officiers de l'état major, n'apercevant aucune disposition de défense, va aussitôt reconnaître cette ville où il ne trouve que quelques affûts brisés, un reste de matières propres à la fabrication de la poudre et des femmes tremblantes, qui lui apprennent que les Royalistes s'étaient retirés la veille, à Cholet où ils attendaient l'armée républicaine. L'armée de Kléber fit une halte de deux heures pour se rafraîchir, mais on ne lui permit pas d'entrer dans la ville. Des nuages de poussière et de fumée que les Mayençais virent s'élever au loin, sur la rive gauche de la Sèvre, leur annoncèrent l'arrivée de la colonne de Luçon.

      Bard, qui la commandait, avait reçu de Léchelle l'ordre de se porter, le 15, devant Mortagne et de marcher sur Cholet. Il traverse Mortagne sans s'arrêter, défend le pillage sous peine de mort, et charge Marceau de faire exécuter cette défense. A peine Bard a-t-il dépassé cette ville que Beaupuy reçoit de Léchelle, sur les deux heures, l'ordre de se mettre en mouvement avec son avant garde, pour suivre la même direction ».

      La Grande Armée Vendéenne qui se trouvait à Cholet fait mouvement vers Mortagne le 15 octobre, elle suit la route de Mortagne et s'arrête à la ''Tremblaye'', c'est en ce lieu que Lescure est très grièvement blessé.... à quelques kilomètres du prieuré de la ''Haye''...

     

    Le prieuré de la Haye....

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Le prieuré de la Haye....

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Le prieuré de la Haye....

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     Année 1795... « Le trois avril, Canclaux, qui avait envoyé des émissaires à Stofflet, pour lui offrir la paix reçut de ce général une réponse pour lui faire connaître qu'il acceptait l'entrevue qu'on désirait avoir avec lui.

      « Nous lui avons fait répondre, dit Lofficial, que nous nous rendions le 16 Germinal (5 avril) à la maison de ''la Haye'' près de Mortagne, à midi précis » Mais sur la demande de Stofflet, l'entrevue fut différée au 6 avril. Le 6 avril, « les représentants du peuple nous attendaient. Le Conseil entra dans la maison et notre troupe resta au milieu du camp républicain »...

      Maintenant voici la ''petite histoire'' de la Haye racontée par Monsieur Manceau... « Pendant la bataille de Cholet, dite de Saint-Christophe-du-Bois ou de la ''Tremblaye'', le prieuré de la Haye était le poste de commandement Républicain, en ce 15 septembre 1793 »..

     D'autre part, sa grand mère, née en 1836, lui a raconté que sa mère était née dans un champ de genêts au lieu-dit ''La Choltière'' à environ quatre kilomètres de la Haye. Un prêtre réfractaire y était également caché.

      Une histoire beaucoup plus surprenante... «Vers le début du dix neuvième siècle, bien après les guerres de Vendée, plusieurs personnes, des cavaliers accompagnés d'une voiture, sont venus à ''la Haye''. C'était un Dimanche matin alors que toute la famille était à la messe, seule une domestique a observé discrètement la scène sans intervenir. Des hommes équipés de pelles, de pioches et d'un plan ont creusé le long des granges (aujourd'hui détruites) et ont mis à jour un coffre de bois qui a été aussitôt chargé et emmené. On n'a jamais su ce qu'il y avait dans cette caisse. Il semble que ces gens n'étaient pas de la région »... d'après le témoignage de l'arrière grand-mère de Monsieur Manceau.

      A l'instar du trésor Vendéen du ''Bois des Granges'', s'agit-il d'un trésor de guerre républicain provenant de pillages ? Ou d'un trésor royaliste ?

     

      Après recherches sur les lieux mêmes de l'enfouissement, endroit très précis désigné par Monsieur Manceau, le détecteur est resté muet. Aucun coffre supplémentaire n'a été oublié... l'énigme reste entière.

     Sur le cadastre de 1810, vous remarquerez la parcelle n°2 appelée le ''Chiron'', celle-ci était recouverte de genêts au moment des guerres de Vendée, en ce lieu plusieurs embuscades Vendéennes ont été mises en place contre les Bleus.

     

    Sources: Archives Nationales chartrier de Thouars 1AP 1235 à 1237. Abbé Deniau -''Histoire de la Guerre de la Vendée'' TOME III page 5 Tome V page 127. Cadastre de 1810 commune de Saint-Christophe-du-Bois- Témoignage de Mr Manceau recueillis par l'auteur et photos de l'auteur année 1984.

     

    Xavier Paquereau pour Chemins secrets

                                                              


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  • Chambretaud…

     

    François Buttereau, domestique, fut exécuté au Mans le 9 janvier 1794.

    Source : Henri Bourgeois, « Calendrier Martyrologe de la Vendée Militaire », 1906, p. 141.

     

    RL

    Août 2016

     

    Chambretaud...

     

     

     


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         Mouilleron-en-Pareds en l'an 7 de la République...

     

            

      Voici le portrait d'un exalté de la République.... Jean-Denis Payrard*, Président de l'administration municipale de Mouilleron-en-Pareds. Rien de nouveau sous le soleil, aujourd'hui encore, les Français ont affaire avec ces petits bourgeois nantis, ces vendus à toutes les idées nouvelles au service du capital et aux ennemis de la France, qui leur empoisonnent la vie.

      Les ruines et les cendres du bocage à peine refroidies et les cadavres de trois à quatre cent mille victimes et martyrs Vendéens à peine décomposés, un fanatique de la République très scrupuleux fait la fête à Mouilleron-en-Pareds...

      Jean-Denis Payrard, un nouveau venu dans le paysage Vendéen, un propriétaire acheteur de biens nationaux, Il est né à Bayonne, le 3 octobre 1768, dans une famille de bourgeois. Son père , Claude-Jacques Payrard est négociant, époux de Magdelaine Birandats. Jean-Denis se marie le premier nivôse de l'an 6 ( 21.12.1797) à Chavagnes-les-Redoux avec Marie-Marguerite, Olympie Majou, âgée de vingt cinq ans, originaire de Fontenay-le-Comte, également propriétaire, fille de René-Augustin Majou, propriétaire et de Marie-Marguerite Rodier.

      Pour ce ''bigot' de la République, tout va bien à Mouilleron-en-Pareds en ce Décadi, trente vendémiaire de l'an 7 (21 octobre 1798 ancien style). « On a donné connaissance aux citoyens des actes de l'état civil dont la notice nous a été adressée par les Agents des communes de notre canton ; l'assemblée quoique très nombreuse s'est passée avec le plus grand calme, la sérénité était peinte sur tous les fronts, la joie brilloit sur tous les visages et la douce satisfaction d'être instruit des lois sages et de la sollicitude paternelle du Gouvernement à rendre la grande nation heureuse inspiroient l'entousiasme et assuroit leur fidélité et leur attachement ».....

      Vocabulaire attristant et grotesque où l'on reconnaît le franc-maçon local..... toute sa correspondance révèle l'endoctrinement sectaire du républicain.

      «  Décadi, 30 ventôse de l'an 7 (20 mars 1799) », C'est la Fête de la Souveraineté du Peuple...

      «  Décadi, 10 Germinal de l'an 7  (30 mars 1799)», c'est la fête de la Jeunesse... avec chants patriotiques « Fête intéressante animée par l'amour de la Patrie » et bien sûr « le sentiment de Fraternité ».

      « Décadi, 10 Floréal de l'an 7 (29 avril 1799) de la République Une et Indivisible ». C'est la ''Fête des époux'' … « Présence d'un grand nombre de Citoyens des deux sexes »..... Passons sur le reste !

      « Décadi, 10 prairial de l'an 7 (29 mai 1799) à dix heures du matin, célébration de la fête de la Reconnaissance des Victoires, chants et hymne de la Patrie et chants civiques »....

      « Décadi, 20 prairial de l'an 7 (8 juin 1799) de la République Une et Indivisible », c'est la Fête Funéraire.....

      La cerise sur le gâteau, c'est encore la fête, la Fête de la HAINE DES ROIS :

      « Aujourd'hui vingt trois thermidor l'an sept ( 10 août 1799) de la République Française, une et Indivisible à huit heures du matin ; nous administrateurs Municipaux et Fonctionnaires Publics de la commune de Mouilleron, canton de Mouilleron département de la Vendée soussignés, conformément à la loi du 10 Thermidor de l'an 4 qui ordonne la célébration de la fête du 10 août (vieux style) et à l'arrêté du Directoire exécutif du 18 du même mois qui détermine la manière dont sera célébrée la dite fête – Nous sommes suivant l'art 2 du-dit arrêté réunis sur la place publique de Mouilleron ; arrivés au pied de l'arbre de la Liberté ; le Président a rappelé aux Citoyens assemblés en grand nombre sur l'invitation qui leur a été faite l'histoire abrégée du 10 août, et a ensuite suspendu à l'arbre de la Liberté l'inscription désignée dans l'art 3 de l'arrêté susnommé ; s'est ensuite présenté l'Instituteur public de la dite commune qui s'est engagé à haute voix à n'inspirer à ses élèves que des sentiments républicains, du respect pour les vertus, les valeurs de courage et la reconnaissance pour les fondateurs de la République ; plusieurs hymnes et chants patriotiques ont été exécutés à la suite de cet engagement solennel. Rien n'a été négligé dans cette journée mémorable pour ranimer l'esprit public et la haine contre les  Rois ; Enfin la fête terminée nous avons invité les Citoyens à se livrer à la joie ».

      

    Fait à Mouilleron, les jour mois et an ci-dessus.

    Signatures des Administrateurs Municipaux.

    Un républicain à Mouilleron-en-Pareds....

     

     « Décadi, 26 Messidor de l'an 7 (14 juillet 1799) ». C'est la fête du 14 juillet et du 10 août....

      « Décadi, dix thermidor de l'an 7 (28 juillet 1799) » C'est la fête de la Liberté avec très nombreux chants patriotiques et l'hymne à la Patrie etc......

     

       Bien, nous allons arrêter là ces fadaises afin de conclure sur un texte de Ferdinand Buisson, article ''Laïcité'', dans le dictionnaire de pédagogie et d'Instruction primaire de 1887.

      « Le premier devoir de la République est de faire des républicains.

      Pour faire un républicain, il faut prendre l'être humain si petit et si humble qu'il soit, un enfant, un adolescent, une jeune fille ; il faut prendre l'homme le plus inculte, le travailleur le plus accablé par l'excès de travail ; et lui donner l'idée qu'il faut penser par lui même, qu'il ne doit ni foi, ni obéissance à personne que c'est à lui de chercher la vérité, et non pas la recevoir toute faîte d'un maître, d'un directeur, d'un chef, quel qu'il soit, temporel ou spirituel ».

     

      Aujourd'hui, nous pouvons mesurer le résultat d'une telle doctrine totalitaire.

     

      *Jean-Denis Payrard est décédé le 6 février 1827 à Chavagnes-les Redoux en Vendée.

     

    Sources: Archives Départementales de la Vendée tous droits réservés. Délibérations, arrêtés et correspondances de Mouilleron en Pareds – Vendémiaire an VII – Vendémiaire an VIII -  Archives de Chavagnes-les-Redoux- décès 1827. Gravure    : Loup Bicentenaire de la Révolution Française/1989 Nouvelles images S.A éditeurs /45700 Lombreuil, France.

      

    Xavier Paquereau pour Chemins secrets

     

    Un républicain à Mouilleron-en-Pareds....


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  • Le combat de la Vivantière…

     

    On connait les liens entre le massacre des Lucs et le combat de la Vivantière.

    Après avoir quitté les Landes de Bois-Jarry, la colonne de Cordelier se divise en deux à l’approche des Lucs, une aile aux ordres de Cordelier lui-même et l’autre de Martincourt. La première passe la Boulogne au moulin de l’Audrenière (non loin de Saint-Christophe-la-Chartreuse mais sur la paroisse de Mormaison) tandis que la seconde se dirige vers le Petit-Luc par la rive droite.

    Le moulin de l’Audrenière :

    Le combat de la Vivantière....

     

    Une première série de massacres s’en suit le 28 février 1794. Les bleus ont forcé un paysan à leur servir de guide vers les troupes de Charette stationnées à la Vivantière. Celui-ci parvient à s’échapper peu avant le hameau et court à toutes jambes jusqu’à Charette en lui criant : « Voilà les bleus monsieur Charette, voilà les bleus ! »

    La colonne de Cordelier arrive en effet par le moulin des Landes (désolé pour les fils électriques sur le cliché mais difficile de faire autrement. Avec un peu d’imagination, on peut apercevoir le toit du moulin de la Judice en arrière-plan).

    Le combat de la Vivantière....

    Le combat de la Vivantière....

     

    Les Vendéens sont en infériorité numérique et commencent à se démoraliser. Comme on le sait, l’arrivée inopinée de Guérin par le chemin de Beaufou et de cinq à six cents hommes de Ripault de La Cathelinière, cherchant à se mettre sous les ordres de Charette  va changer la donne et les 1 200 vendéens parviendront à chasser 4 500 républicains. Lucas de la Championnière raconte qu’un soldat républicain tente d’ajuster Guérin un genou au sol. Celui-ci lui lance : « tu me manqueras ! ». Le coup part sans toucher Guérin. Bien entendu, le républicain n’est pas loupé…

    La troupe commandée par Martincourt fait sa retraite sur Montaigu sans être poursuivie. C’est là que se déroule le grand massacre de l’église du Petit-Luc. Le reste tente de remonter vers Legé mais se trouve assez mal embarqué dans les chemins de la Perraudière, de la Devinière et du Retail (ces fermes et hameaux appartiendront à la commune des Lucs-sur-Boulogne jusqu’à la loi du 12 juin 1861, date de leur attribution à la commune de Legé).

     

    Le combat de la Vivantière....

    Le combat de la Vivantière....

    Le combat de la Vivantière....

    Le combat de la Vivantière....

    Le combat de la Vivantière....

    Le combat de la Vivantière....

    Le combat de la Vivantière....

     

     Là, les massacreurs se font à leur tour écharper. Malheur au bleu égaré ! Guérin aurait voulu les poursuivre jusque dans Legé mais Charette s’y opposa, jugeant plus prudent de se retirer au Poiré-sur-Vie. Au soir de la victoire, les troupes vendéennes camperont au château du Pont-de-Vie.

    RL

    Août 2016

     


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  • Une « messe de minuit » en 1794…

     

     

    De quoi donner à réfléchir...

     

     

    L'histoire d'une messe de minuit que nous allons raconter s'est passée dans les moments les plus affreux de la Grande-Guerre, alors que le monde se croyait rendu à sa fin. La terre tremblait, les éléments étaient confondus, les nations éperdues se tordaient dans l'épouvante et la consternation, les démons déchaînés entraient dans le coeur des hommes pervers, les chefs s'habillaient de peaux d'hommes, s'abreuvaient de sang et se repaissaient de chair humaine. Ces monstruosités ont été commises, ces horreurs ont été vues, ici dans cette contrée, sur cette terre qui nous porte.

     

    Dans ces jours d'exécrable mémoire, la paroisse de Beaufou fut tout spécialement mise à feu et à sang. Elle devait cette haine des méchants à sa grande fidélité à la religion. Elle était la seule dans tout le pays où tout le monde, sans exception, était bon chrétien ; on n'y trouvait pas un seul ennemi du bon Dieu, pas l'ombre d'un traître.

     

    Une des bandes infernales venait de brûler une première fois l'église, le bourg, et de commettre des atrocités dans plusieurs villages. M. le curé Jousbert était persécuté par des espions des communes voisines qui voulaient le surprendre dans ses cachettes et le dénoncer aux Bleus. Un nommé Pichaud, surnommé la Navette, du Grand-Luc, venait fréquemment dans le bourg pour faire jaser ; on s'en défiait. Mais ces perfidies rendaient très périlleuse la célébration des sacrements. Il était bien difficile de tenir en grand secret le lieu où, le dimanche, se disait la sainte messe. M. le Curé pouvait plus commodément baptiser, confesser, voir les malades ; mais pour la sainte messe, il fallait bien désigner un endroit et le faire savoir au monde pour qu'on pût s'y assembler. Aussi, bon nombre de personnes se voyaient tristement privées d'y assister.

     

    A l'approche de la grande fête de Noël, la crainte de ne pouvoir la célébrer s'empara de l'esprit de plusieurs et fit couler des pleurs. Hélas ! disaient en se lamentant ces bonnes gens, que faisons-nous donc sur la terre ? Plus rien, plus de maisons, plus de biens, plus de joie, plus de repos, plus de religion, on nous enlève le Bon Dieu ... Alors ils versaient des larmes amères ..., puis, prenant leur chapelet à la main et le levant vers le ciel : "Sainte bonne Vierge, venez à notre aide ..."

     

    Il est à croire que la bonne Vierge Marie, si ardemment invoquée, entendit leur prière, car il descendit du ciel dans l'âme du curé une pieuse pensée. Pendant une longue et pénible insomnie, il pensait à ses bons paroissiens, ce bon prêtre. - Le diable est bien fort, se dit-il tout d'un coup, mais la sainte Vierge Marie est bien plus forte encore. Eh bien ! je veux donner une messe de minuit à mes paroissiens ; mais une messe de minuit solennelle, une messe de minuit comme on n'en a jamais vue. Puis il se rendormit tranquillement sur cette pensée. C'était la nuit de la fête de l'Immaculée Conception de la sainte Vierge Marie. Il était couché dans une cachette sous terre, dans un buisson du bois de la Grève, près le village de la Canterie. C'était son logis du moment.

     

    A son réveil, il se rappela sa pensée et se décida à la mettre immédiatement à exécution. Il avait quinze jours devant lui ; pendant cette quinzaine, il dut visiter, sans interrompre ses autres fatigues, toutes les maisons, leur confiant tout bas son dessein et confessant toutes les personnes en âge de recevoir la sainte communion.

     

    Pas besoin n'était de demander si on voulait se confesser, ni de faire des préambules pour décider le monde. C'est le contraire qui eût étonné. Jamais visite de M. le Curé n'avait paru aussi agréable. L'annonce d'une messe de minuit fut accueillie avec une grande reconnaissance et apporta au milieu des tribulations qui torturaient les âmes un moment de joie et de consolation sensibles. Tout le monde s'y prépara par la prière, surtout par la récitation fervente du chapelet, prière favorite, et par des invocations réitérées au Sacré-Coeur de Jésus. M. le Curé annonçait que la cérémonie de la nuit et du jour de la fête se ferait dans le Bois des Rivières, non loin du village de Limonière (l’Imonière). Le secret de la messe et du lieu fut si bien gardé qu'aucun des espions qui sillonnaient les villages n'en connut rien si ce n'est après la fête. Tout allait donc pour le mieux et au gré de tous ; la fête s'annonçait comme devant être bien belle, surtout de dévotion. On en parlait déjà comme d'un jour du Paradis échappé sur la terre, quand l'enfer faillit faire évanouir toutes ces consolantes espérances. Hélas ! avec des âmes moins fortes et moins chrétiennes, avec des coeurs aussi lâche, qu'il y en a tant aujourd'hui, c'en était bien fait de la messe de minuit et de toute la sainte fête.

     

    Pendant tous ces pieux préparatifs, voilà qu'une nuit, une partie d'une colonne de Bleus, campée à la Roche-sur-Yon, passant par le Poiré, vint s'abattre sur les villages de la Chanussière (la Chamussière) et de la Morelière (la Morlière) et les mettre à feu et à sang. C'était dix jours avant la fête.

     

    En même temps, la nouvelle vint qu'une autre colonne de Bleus partait de Montaigu pour aller renforcer ceux qui étaient campés à la Roche. Heureusement, cette bande fut arrêtée et battue à plate-couture au Quatre-Chemins de l'Oie. Sans cette défaite, tous les hommes armés de la paroisse auraient été appelés immédiatement aux armes et la messe de minuit fût devenue impossible pour les femmes et les enfants abandonnés à eux-mêmes. Un autre contre-temps menaçait encore de tout troubler. Une pluie, une pluie glaciale tombait tous les jours, et pour peu qu'elle continuât elle rendrait les chemins impraticables et la cérémonie impossible dans un bois. Tout autre que M. le Curé Jousbert eût probablement perdu courage. Il y avait de quoi, et assurément il n'en faudrait pas autant aujourd'hui pour dégoûter tout le monde. Avec de belles routes qui permettent de marcher les yeux fermés, avec une église où l'on trouve un solide abri, et toutes les aises, avec toutes les facilités possibles de recevoir les sacrements, combien qui reculent, qui ne daignent même pas bouger ? Combien qui profaneront cette sainte fête, par une criminelle absence ! Il est vrai que les chrétiens d'autrefois étaient de solides chrétiens et que la plupart des chrétiens de ce jour, ayant changé de couleur, regardent du côté des impies et n'appartiennent point au Bon Dieu.

     

    Les paroissiens de Beaufou imitèrent leur curé ; ils ne perdirent point confiance. La sainte Vierge Marie récompensa leur piété en leur permettant de goûter tous les délices de la messe de minuit qui leur avait été promise. Les hommes du bourg et des environs repoussèrent les bleus de la Morelière. La bande des autres ayant été vaincue aux Quatre-Chemins, les hommes de la paroisse ne furent point appelés aux armes et quatre jours avant la fête, le vent, sautant au nord, chassa la pluie ; un froid sec sécha la terre, il gela très fort et un temps tout à fait clair vint embellir la fête. D'ailleurs, tout était prêt pour la circonstance, les coeurs bien disposés et une église bâtie, voici comment :

     

    Plusieurs jeunes gens des environs, toujours prêts quand il s'agissait de faire une bonne chose, eurent bien vite construit cette petite église improvisée pour un jour, juste au beau milieu du Bois des Rivières. Un espace convenable pour contenir les assistants fut déblayé. Le bois était vieux. D'un arbre à l'autre on suspendit nombre de longues perches recouvertes de genêts et de bruyères. On massa de grandes branches sur les côtés pour arrêter le vent. Des bruyères hachées formaient le carrelage ; un tout petit autel fut dressé à l'extrémité, du côté du soleil levant. Une journée suffit pour élever ce petit temple dans lequel on pouvait encore attendre une bonne pluie et ne pas trop s'apercevoir du froid, mais surtout prier en tranquillité.

     

    Le plus difficile était d'arriver là. M. le Curé avait décidé que les deux tiers des grandes personnes assisteraient à la messe de minuit ; les autres, restant à garder les villages, viendraient à la messe du jour, étant remplacés à leur tour par une partie des assistants de la nuit ; pour éviter tout soupçons, il fallait éviter de marcher par bandes et de prendre les mêmes chemins. Les plus éloignés partirent la veille, au matin. Beaucoup firent semblant d'avoir des affaires ailleurs ; puis, quand on arrivait assez près du bois, on le contournait de façon à dérouter les traîtres, s'il y en avait eu sur le passage.

     

    Par une attention toute pleine d'une sage prudence, M. le Curé avait désigné une quinzaine d'hommes, postés à une certaine distance autour du bois, qui devaient avertir en cas de danger et en donner le signal en tirant des coups de fusil. Les premiers venus préparèrent des cachettes dans le bois et les buissons des champs voisins pour les personnes qui voudraient prendre un peu de repos. A dix heures, tout le monde était arrivé et l petite église entièrement remplie. Le plus grand silence régnait cependant au milieu de cette foule, ou, si l'on parlait, on le faisait discrètement et à voix basse. Il y avait tant de précautions à prendre, et l'on n'oubliait pas qu'on était à cette même heure au plus fort des orgies sanguinaires de la Révolution : que de malheurs un seul cri échappé pouvait attirer sur cette assemblée ! ...

     

    Les étoiles scintillaient au ciel ; un petit vent froid et sec, venant du Nord, soufflait dans les branches et jetait dans les airs un murmure sonore qui portait au recueillement ; deux bouts de cierges éclairaient le petit autel et de distance en distance, au milieu de la foule, des torches de bois résineux, plantées en terre en guise d'illuminations, prêtaient leur vacillante lumière aux personnes qui lisaient des prières.

     

    Quel touchant spectacle offrait cette petite assemblée aux regards du ciel et de la terre ! On dit que les anges descendirent du paradis pour les contempler. C'était en effet le seul endroit en France, où pendant cette nuit sainte s'offrait l'adorable sacrifice de la messe de minuit ; le seul lieu où il était possible à des hommes d'adorer ensemble le Dieu rédempteur du monde.

     

    Alors que l'Europe entière était en feu, que le sol de la France bouleversé par la plus horrible tempête tremblait sous les pas, que les églises étaient brûlées, la religion proscrite, le nom du Bon Dieu profané ; alors que la prière était un crime et que de toutes parts la guillotine abattait les têtes des chrétiens, dans cette humble paroisse du Bocage, en pleine nuit, sous la rigueur d'un froid glacial, au milieu d'un bois, tout un petit peuple bravant la fusillade et les canons, à genoux devant un autel champêtre, en adoration devant son Dieu, affirmant sa foi, fortifiant ses espérances et offrant à son Sauveur des coeurs du plus fidèle amour !!! Spectacle sans précédent dans l'histoire.

     

    M. le Curé commença la cérémonie par la sainte prière aimée de tous, le chapelet, suivi d'invocations au Coeur de Jésus. Puis avec une vive émotion, il souhaita la bienvenue à ses bien-aimés paroissiens accourus si ponctuellement à sa voix ; ensuite il leur parla du grand mystère qui s'était accompli en pareille nuit, bien des siècles auparavant, dans l'étable de Béthléem.

     

    La Sainte Vierge Marie et saint Joseph rebutés du monde, repoussés des hommes, obligés de fuir et d'errer de porte en porte, ne trouvèrent enfin pour s'abriter qu'un pauvre réduit, une méchante étable ouverte à tous les vents. Le bon Dieu permit qu'il en fût ainsi. Joseph et Marie s'y soumirent sans murmurer. Le ciel les en récompensa en leur donnant le saint Enfant Jésus : "Vous aussi, mes chers enfants, s'écrie M. le Curé avec un élan sublime, vous êtes chassés du monde, les hommes vous rebutent, vous poursuivent. Vous errez dans les bois et les déserts. Voici que maintenant cette humble grotte vous abrite ; comme Joseph et Marie, vous n'avez pas d'autre refuge ; le bon Dieu permet qu'il en soit ainsi ; comme Joseph et Marie, acceptez avec amour les saintes dispositions de la divine Providence, et comme eux vous recevrez la même récompense : le saint Enfant Jésus vous sera donné dans cette pauvre étable ; vous allez recevoir votre Dieu."

     

    On ne saurait se faire une idée de l'impression que fit sur tous les esprits ce sermon si approprié aux circonstances. Il se produisit un mouvement d'émotion tel, que M. le Curé interrompit la cérémonie pour laisser un libre cours aux élans de piété et de dévotion qu'on avait besoin de se communiquer les uns aux autres. On parlait, mais c'était pour dire ses sentiments d'amour pour le bon Dieu ; on pleurait, mais c'était des larmes de joie ; on tressaillait, mais c'était de contentement et de bonheur : pas un seul en ce moment qui eût consenti à échanger sa place pour une autre. "Oui, répétaient et répétaient toutes ces bonnes gens, malgré le monde, malgré l'enfer, vive Dieu ! Nous serons chrétiens quand même !".

     

    M. le Curé chanta la messe, mais à demi-voix.

     

    Que de ferventes prières s'élevèrent cette nuit-là de ce petit bois vers le ciel ! Seuls, pourraient nous le dire les Anges gardiens qui les présentèrent au Seigneur au pied de son trône éternel.

     

    Tous les assistants, les enfants exceptés, s'approchaient de la Table sainte. Qui eût osé se trouver là sans recevoir le Bon Dieu ? Elle fut sainte cette communion ! Ils étaient purs ces coeurs d'hommes, ces coeurs de femmes, tous les coeurs de cette jeunesse accourue au pied de cet autel au prix de tant de sacrifices !

     

    L'histoire nous apprend que la sainte Vierge Marie, aussitôt la naissance de son divin enfant, après l'avoir pressé sur son coeur, le remit entre les bras de saint Joseph, et tandis que saint Joseph, dans les élans d'un inexprimable amour, le pressait aussi sur sa poitrine, l'adorable petit enfant passa ses petits bras autour du cou du saint patriarche et le pressa affectueusement sur son adorable petit coeur.

     

    Nul doute, assurément, qu'une semblable faveur n'ait été accordée en ce moment à ces généreux chrétiens. Ils en étaient dignes. Qu'il était beau de voir ces rudes visages, ces valeureux combattants se relevant de la Table sainte en laissant tomber de leurs yeux des larmes brûlantes d'amour qui descendaient s'égarer dans leur longue barbe touffue et agreste ! Que d'actes d'amour dans cette sainte et petite assemblée, dans tous ces coeurs abrités sous la sainte image du coeur adorable de Jésus.

     

    C'était bien l'Église catholique des premiers jours, alors que l'Esprit saint descendait en langues enflammées dans le coeur de ses fidèles.

     

    Le monde ne le vit pas, mais la cour céleste le contempla du haut du ciel.

     

    Après la messe, deux vieillards vénérables par leur âge et leurs cheveux blancs, l'un du bourg, l'autre de l'Hardouinière (l’Ardouinère de Belleville-sur-Vie), s'approchèrent de l'autel. Ils remercièrent au nom de tous M. le Curé du bonheur qu'il leur donnait dans cette nuit ; puis d'une voix fortement émue : "Monsieur le Curé, s'écrièrent-ils, maintenant laissez-nous faire. Nous avons le Bon Dieu avec nous, nous ne craignons plus rien. - Eh bien ! oui, mes amis ; répond M. le Curé : Vive le Saint-Enfant Jésus !"

     

    Il fallait y être, nous dit une personne qui y était présente ; nous étions comme fous de joie et de bonheur. Nous ne craignions plus rien ; nous n'avions peur de rien. Les Bleus seraient venus que nous aurions chanté quand même. Nous chantions tous de notre plus grosse voix ; les vieux, les jeunes hommes, tout le monde, les femmes et les enfants comme les autres. Les uns étaient accroupis, les autres à genoux, d'autres debout ; on se remuait mais sans se gêner ; on chantait, mais tous ensemble : "Vive le Saint-Enfant Jésus ! ... Vive le Saint-Enfant Jésus ! ..." On devait nous entendre bien loin.

     

    Les hommes qui montaient la garde eurent tout d'abord grand peur, croyant que les Bleus étaient tombés sur nous autres. Mais quand ils comprirent nos chants ils firent comme nous et se mirent à chanter eux aussi. Oh ! qu'il y avait longtemps qu'on avait entendu chanter de cantiques dans les champs ! On chanta jusqu'à l'aurore. Alors, M. le Curé fit partir tous ceux qui devaient remplacer les autres, demeurés à garder les villages. Ceux qui avaient le bonheur de rester jusqu'au soir, s'égapillèrent dans le bois ou le long des haies des champs voisins pour s'y reposer un peu. On alluma, dans plusieurs endroits des champs, de grands feux pour se chauffer, car il faisait bien froid. Le bois ne manquait pas, les nobles dames de la Voisinière (la Vézinière) ayant permis d'en prendre à volonté.

     

    Au lever du soleil, dont les rayons perlaient entre les branches des arbres, M. le Curé dit une seconde messe, appelée la messe des bergers, pour les hommes qui avaient monté la garde pendant la nuit et qui étaient remplacés par d'autres, et aussi pour quelques infirmes qui, à leur grand chagrin, n'avaient pu venir pendant la nuit.

     

    A dix heures commença la grand'messe qui fut chantée à haute voix. On ne craignait plus rien. Les hommes chantèrent deux fois le Credo. Ils tenaient à affirmer leur foi en Dieu et à le dire bien haut. Ils auraient bien voulu, si c'eût été possible, le faire entendre à tous les Bleus, à tous les impies de France et du monde entier.

     

    Le monde, alors, n'entendit pas leurs voix, mais le monde sut, après, que ce petit peuple était bien, en toute vérité, un peuple chrétien, chrétien en paroles, chrétien en actions, chrétien quand même, chrétien toujours.

     

    Abbé FAUCHERON

    La Vendée Historique – 1902

    Nous avons indiqué entre parenthèse les noms que portent de nos jours les villages cités.

    RL et "La Maraîchine normande"

    Décembre, jour de Noël, 2012

     

     

    Une messe de minuit en 1794....

    Une messe de minuit en 1794....

    Une messe de minuit en 1794....

    Une messe de minuit en 1794....

    Une messe de minuit en 1794....

     


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