• Les souvenirs de Louise Barbier,

    9° partie…

     

     

     

    « J'avais douze à treize ans quand je revins à Cholet, en compagnie d'une de mes sœurs qui avait six ans de plus que moi et se nommait Rosalie. Elle avait suivie l'armée de la Loire avec M. Lambert, un de nos parents éloignés. C'était un des gros fabricants de toiles de Cholet, qui avait émigré jusqu'à Laval. C'était en hiver. Je fis la route à pied en trois jours* en leur compagnie et avec d'autres émigrés qui rentraient au pays. 

    « La maison de mon père était brûlée. Ma belle-mère était remariée avec un nommé Bibard. Ma grand'mère, Marie Moreau, qui demeurait au Puy-Gourdon, avait été tuée par les républicains au Pont-Joly. Mon oncle Blain (1) (son gendre) s'était emparé de son petit avoir pour aider à nous élever. Il avait vendu la maison. Il n'avait pas quitté le pays. Il nous dit qu'il s'était occupé de nos affaires et n'en avait presque rien retiré. Nous avons toujours pensé qu'il en avait été le meilleur héritier. Ce qu'il y a de sûr, c'est que nous n'avions plus rien. 

    « Je fus recueillie par une de mes sœurs aînées qui s'était mariée avec un nommé Airaut et qui n'avait pas d'enfant (2). Elle demeurait sur la place Saint-Pierre et s'était cachée dans les environs de Cholet pendant la tourmente révolutionnaire. Mes sœurs Jeanne et Rosalie se joignirent à nous ; cette dernière mourut dans l'année. 

    Je refis une seconde fois ma première communion ; celle que j'avais faite à Nantes par le prêtre assermenté, fut dite mauvaise. C'était le curé Boisnaud (sic) qui nous faisait le catéchisme. Je me souviens qu'il me demanda un jour si j'étais aussi démocrate que ma sœur Cherbonnier et qu'il me dit de ne plus revenir à la messe sans capot. 

      

    (1) Après le décès de Louis Barbier, Marie Moreau s'était remariée en mai 1754, à l'âge de 37 ans, avec Louis Martineau, âgé de 26 ans, dont elle avait une fille, Louise-Françoise. Cette dernière épousa Jean Blain, le 20 mai 1774, et eut cinq enfants dont le dernier, Alexis Blain, cité plus haut. 

    (2) Pierre Aireau, cordonnier et sacristain, avait environ 23 ans quand il passa la Loire. Il revint à Cholet et habitait la maison touchant l'église Saint-Pierre. Il avait les pieds tournés. Sa démarche difficile l'avait fait surnommé « le travoueil du purgatouère ». Il épousa Marie Barbier. (Note de M. J. Ghaillou.) 

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    « Nous étions bien tristes et découragés. Nous n'avions pas de pain. J'allais chez un M. Boffet (1) chercher un bon pour aller chez le boulanger. Un jour j'avais trois onces de riz et le lendemain douze onces de pain qu'il nous fallait cacher, car souvent les soldats nous l'arrachaient. On ne trouvait aucune chose à acheter. Il n'y avait que le père des messieurs R..., qui allait toutes les semaines à Saumur et à Angers. Il rapportait de l'épicerie et de la mercerie sur son dos, et la revendait au poids de l'or, en arrivant à Gholet (2). 

    « Cependant, nous n'étions pas encore rassurés ; chacun était dans la crainte ; on parlait encore de guerre. 

    Stofflet arrivait de temps en temps pour soulever les paysans ; mais ces malheureux battus, ruinés, sans asile, n'avaient plus ni énergie, ni courage. 

    « Peu de temps après, on apprit que Stofflet avait été fusillé à Angers (3). Dans la même semaine (4) on fit passer Charette prisonnier à travers Cholet. Conduit par le général Travot, le jour du vendredi saint 1796, (il vint) au milieu de rues désertes, d'un silence de mort, car personne n'osait sortir de chez soi. 

    « De ce moment on eut davantage d'espoir de paix ; la population fut plus rassurée. 

      

    (1) M, Roffay avait été nommé président de l'Administration cantonale de Cholet. Il exerça pendant un an dans notre ville des fonctions analogues à celles de maire. 

    (2) Le même fait est signalé dans l'Histoire de Cholet de M. A. Gelusseau (t. II, p. 335) : « Le dénûment était si grand, que nous savons un habitant jeune, intelligent et courageux qui, ruiné par la guerre, a gagné le noyau d'une fortune considérable à aller chercher à Saumur et à Angers des épiées et de la mégisserie qu'il rapportait sur son échine et qu'il vendait à bons deniers comptant ; chaque semaine, un de ces pèlerinages lui rapportait jusqu'à quinze et trente écus de gain. Quand sa bourse sera pleine, il achètera des mouchoirs de Cholet qu'il vendra sur les marchés de la ville métropolitaine du département. De colporteur il se fera artisan, puis fabricant ; bientôt il sera manufacturier. 

    (3) Le 25 février 1796. 

    (4) « Dans la même semaine » non, dans le mois suivant. Charette traversa Cholet le 24 mars. Il, fut fusillé à-Nantes, sur la place Viarmes, le 29 mars 1796. 

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    Quelques négociants organisèrent des métiers (1) ; chacun travaillait pour se faire quelques aunes de toile pour se couvrir, mais nous ne voyions guère d'argent ; chacun payait en assignats. 

    Cholet était bien pauvre. 

    « Les choses allèrent ainsi jusqu'en 1800, où reprirent les affaires sous le Premier Consul Napoléon, qu'on accueillit avec joie. Les églises furent rouvertes, les prêtres revinrent avec sécurité. 

    « C'est à Montfaucon que fut signée tout à fait la paix de la Vendée, le 28 janvier 1800. » 

      

    (1) Onze négociants réunis en Société empruntèrent au gouvernement, le 21 messidor an IV, une somme de six millions de mandats territoriaux, qui permirent à l'industrie choletaise de renaître de ses cendres. 

      

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    Louise Barbier vécut donc avec ses soeurs pendant quelques années ; elle était couturière. Lorsqu'elle parvint à l’âge de dix-neuf ans, son cousin Maillet lui proposa un jeune homme, orphelin comme elle, Alexandre Champeaux. 

    Il était né en 1776, à Tours, et s'était enrôlé en 1790 dans les armées de la République. Pris par les Anglais, il resta trois ans prisonnier sur leurs pontons. Avec une dizaine de compagnons, il tenta de s'évader et parvint avec deux seulement à se faire recueillir par un navire qui les débarqua à La Rochelle. Pour regagner sa ville natale, il passa par Cholet. Il se trouvait à l'Hôtel de la Croix Blanche, tenu par M. Viaud, à l'emplacement de l'Hôtel actuel du « Boeuf couronné », place Saint-Pierre, lorsqu'il apprit que le perruquier d'en face était grièvement malade, et que sa femme ne pouvait trouver personne pour lui faire sa besogne. Champeaux, qui avait fait bien des métiers, s'offrit à lui venir en aide et s'en acquitta très bien. Le mari mourut ; Champeaux continua à conduire la boutique que la veuve lui céda. 

      

    Louise Barbier, qui travaillait dans le voisinage plut au jeune Figaro. A la proposition du cousin Maillet, elle fit quelques difficultés... Le prétendu était borgne. Mais, elle-même était presque sans famille, chez des frères et sœurs trop heureux de s'en débarrasser. Elle l'épousa à la fin de 1802 (8 nivôse, an XI). Il ne semble donc pas que ce fut là un mariage d'amour ; mais, les affaires allant bien, le petit dieu eut, sans doute le loisir de s'insinuer, car Champeaux vécut jusqu'en 1834, et le ménage réinstallé dans la maison paternelle eut huit enfants. 

    Parmi les autres personnages qui figurent dans le récit, certains succombèrent aux coups de la grande tourmente ; ceux qui échappèrent eurent dans la monotonie d'une existence ordinaire un sort analogue à celui de notre mémorialiste. 

    Nous avons vu la grand' mère, Louise Moreau, massacrée au Pont-Joly, avec deux de ses sœurs, par les soldats républicains, le 26 mars 1794. 

    Le père, Louis Barbier, et la mère, Renée Auvinet, étaient morts avant les jours difficiles. La tante Brion, du May, Marie Auvinet (1762-1822), qui s'était mariée à quinze ans et qui, au dire de M. Joseph Chaillou, avait le jour de ses noces abandonné la table du banquet pour aller jouer à la poupée, veuve à trente-et-un ans, revint habiter Cholet avec cinq de ses enfants ; trois étaient morts de misère et de faim. C'était une femme charitable et dévouée ; elle exerçait modestement le métier de dévideuse et habitait dans la grande-rue, c'est-à-dire dans la rue Nationale. Elle mourut en 1822, demeurée attachée à la Petite Eglise. 

    Sa sœur, Mathurine Auvinet, la tante Coudrais (1754-1820), revint également à Cholet et habitait au Coin. « Femme héroïque », au dire de M. J. Chaillou, « elle a souffert toutes les peines et les misères de la Vendée. » Elle mourut en 1822, également dissidente. 

    La belle-mère de nos héroïnes, Marie Bréault, après avoir vu embrocher sa petite fille, avait réussi à se cacher. Elle se remaria très rapidement à un nommé Bibard. 

    Une demi-tante, Louise Martineau, fille de Louise Moreau, la grand' mère remariée, avait épousé Jean Blain, qui se fit l'homme d'affaire et peut-être le profiteur des biens des orphelins. 

    Parmi ceux-ci, l'aînée, Renée Barbier, née en 1768, était mariée à François Cherbonnier. Le ménage abandonna Mortagne et s'installa à Nantes, où Cherbonnier exerçait la profession d'armurier. Leur fils aîné, François, le bambin de quatre ans, qui apparaît dans le récit au moment de l'émigration vers Nantes, s'enrôla en 1808, devint sous-lieutenant et mourut à Moscou en 1812. 

    Le plus jeune, René, continua la descendance. François Cherbonnier, le père, mourut à Nantes, en 1806, et Renée Barbier, en1826. 

    Nous avons vu la seconde fille, Marie Barbier, née en 1769, épouser à son retour de Nantes, le sacristain Pierre Airaut. 

    Elle mourut sans enfant, en 1810. La troisième, Modeste, née en 1771, fut fusillée en 1794, sur la place Saint-Pierre. 

    Louis Barbier, l'aîné des fils, né en 1772, fut enrôlé dans les armées de la République, où il fit onze ans de service. 

    En garnison à Rouen, son attention fut attirée par le tic-tac d'un métier de tisserand. L'artisan était originaire des Gardes et réfugié dans la capitale normande. Il s'appelait François Dénécheau. Connaissance fut vite faite entre compatriotes. Le tisserand avait une fille, Marie, âgée de 17 ou 18 ans. Louis Barbier l'épousa et revint travailler à Nantes, chez son frère Eugène, installé fabricant de toiles de coton, rue Saint-Similien. Louis Barbier eut sept enfants et mourut en 1862, 

    Pierre Barbier, né en 1773, enrôlé militaire, fut tué, nous le savons, en Bohême. 

    Jeanne Barbier, née en 1775, s'était réfugiée, après la tourmente, chez sa sœur et son beau-frère Airaut. Elle se maria avec un Pierre Brion, tailleur à Coron, et mourut en 1815. Rosalie, née en 1776, réfugiée également avec ses sœurs, chez Pierre Airaut, mourut dès 1796. 

    Victoire Barbier, née en 1777, accompagna, ainsi que nous l'avons vu, sa tante Brion dans la tournée d'outre-Loire. 

    Elle la perdit entre Le Mans et Saumur et se réfugia dans cette dernière ville, où elle se maria avec un nommé Béliard, qui mourut l'année suivante. Son frère vint à passer à Saumur ; elle le suivit et se retira à Nantes chez sa sœur Cherbonnier. Au bout de quelques années, elle se maria à un certain M. Bru, qui de même que l'aîné des fils Barbier, Louis, trouva du travail, chez le plus jeune Eugène. Elle mourut en 1848. 

    Eugène Barbier, né en 1784, s'installa donc à Nantes, fabricant de toiles de coton. Ses affaires prospérèrent. Il se maria deux fois et mourut en 1867. 

    D'Alexis, né en 1782, et de Joseph, né en 1786, nous ne connaissons rien. 

    Quant à Cécile, née en 1780, que nous avons laissée, dans le récit, à l'entrée de Nantes, recherchant sa sœur Cherbonnier, elle fut arrêtée parce qu'elle venait de Cholet et fut sur le point d'aller en prison. Réclamée par un négociant de notre ville, M. Leroy, dont la famille l'emmena à Versailles, où elle s'installait, Cécile Barbier fut leur servante pendant quelques années, puis se plaça comme cuisinière à l'Hôtel du Grand Cerf et épousa, en 1810, un M. Vassard, qui, bientôt, s'établit grainetier. Vassard mourut en 1815, laissant trois enfants. Cécile Barbier se remaria en 1819, avec un certain M. Loudier, qui mourut en 1845. 

    Elle resta à Versailles jusqu'en 1870 et se réfugia à Paris, chez ses enfants. 

    Madame Loudier vécut jusqu'à l'âge de 101 ans et mourut le 10 janvier 1882. Elle n'avait, paraît-il, aucune des infirmités de son âge, et conserva presque jusqu'à la fin, l'usage de ses facultés. Chaque fois qu'elle revoyait sa famille, elle s'informait avec grand intérêt de ses amis de jeunesse et de ses compagnons d'infortune, s'étonnant beaucoup lorsqu'on lui disait qu'ils avaient disparu depuis longtemps. Sa sœur Louise, l'auteur de notre récit, mourut le 30 novembre 1871, à l'âge respectable de 89 ans. Lorsqu'on lui annonça ce décès.  

    Cécile répondit : « Ce n'est pas étonnant ! Cette pauvre Louise ! ... Elle était si peu forte. » 

      

    Charles ARNAULT 

    Conservateur du Musée de Cholet 

      

    Annexes 

     (1) Charles-Louis-Jean-Vincent de Beauvau, marquis, naquit en 1744. Avant la Révolution, il se rendit tristement célèbre par les scandales d'une jeunesse orageuse dont les multiples épisodes ont fourni à M. de Miramon-Fargues la matière d'un récit historique plus captivant qu'un roman : L'Héritage des Beauvau-Tigny. (Paris, Plon-Nourrit, 1907). 

    Enfermé, comme bigame, au Mont-Saint-Michel, Vincent de Beauvau parvint à s'évader, fut repris, interné à Vincennes, puis à la Bastille, où il demeura six ans : puis, il fut relégué dans ses terres de la Treille, près Cholet, où l'interdiction dont il était frappé ne fut levée qu'à la veille de la Révolution. 

    Rien d'étonnant à ce qu'il se montrât partisan enthousiaste du nouvel ordre des choses. Il prit la tête du mouvement révolutionnaire dans notre pays, et fut nommé procureur-syndic du District de Cholet, en 1790. 

    Un de ses descendants, M. A. de Launet, a publié, en 1935, dans le Bulletin de la Société des Sciences, Lettres et Beaux-Arts de Cholet, une attrayante élude sur le Marquis révolutionnaire, tendant à expliquer sa conduite par les déboires de sa vie privée. 

    Les Mémoires de Louise Barbier portent la trace des légendes effrayantes qui avaient cours, sur son compte, dans les conversations populaires. 

      

    (2) Marin-Jacques Boutillïer de Saint-André, naquit à Mortagne, le 1" septembre 1746, sénéchal de la baronnie de Mortagne, le 18 mars 1772. Il avait épousé, le 17 juillet 1780, sa cousine germaine, Marie-Renée Boutillier de la Chèze, dont il eut quatre enfants, deux fils et deux filles. 

    Il fut élu maire de Mortagne en 1790 et, bientôt après, président du tribunal du district de Cholet. 

    Il avait salué, avec enthousiasme, le mouvement de réformes de 1789, mais ses idées étaient sages et libérales. La violence l'ayant emporté sur la modération, il devint « suspect ». Mis en évidence par un acte de générosité courageuse, la défense de la garnison républicaine de Mortagne injustement accusée, et arrêté, il subit un simulacre de jugement et fut condamné à mort. 

      

    Il fut guillotiné sur la place du Bouffay, à Nantes, le 11 avril 1794. 

    Son fils, Marin-Jacques-Narcisse Boutillier de Saint-André, né à Mortagne, le 23 avril 1781, est l'auteur du récit que nous avons rapporté plus haut. 

      

    (3) Jean-Julien-Michel Savary, né à Vitré (Ille-et-Vilaine), le 13 novembre 1753, était fils d'un marchand-fabricant, mort vingt ans avant la Révolution. Reçu avocat au Parlement de Paris en Juillet 1870, il avait exercé cette profession à Rennes et à Nantes. 

    M. Baguenier-Désormeaux dit qu'il vint, avant la Révolution, comme précepteur dans un château des environs des Herbiers, où il connut d'Elbée et fut mêlé à diverses affaires d'intérêt du futur généralissime Vendéen. 

    Il se trouvait à Cholet, en 1790, et fut nommé Juge au Tribunal du District tandis que M. Boutillier de Saint-André en était élu président. Il prendra cette présidence à la fin de 1792. 

      

    Il faisait en même temps partie de la Garde Nationale et avait ouvert un cours public de Mathématiques, pour l'instruction des jeunes gens qui se destinaient à la Marine et à l'Artillerie. La Société Populaire des Amis de la Constitution, puis des Amis de la Liberté et de l'Egalité, en correspondance avec le Club des Jacobins, avait été fondée par lui. 

    Prisonnier des Vendéens insurgés le 14 mars 1793, il parvint à s'évader un mois après et à rejoindre, à Vezins, la colonne de Leygonnier. Il se réfugia à Saumur. Le Conseil général du département, dont il était membre, le nomma commissaire civil près de l'armée opérant contre l'insurrection. Canclaux, Kléber, Vimeux et Beaupuy utilisèrent ses connaissances de la topographie et de la mentalité du pays, son amour du travail, et sa grande probité de conscience et en firent un excellent chef d'Etat-Major. 

    Il fut nommé adjudant général chef de brigade, le 6 novembre 1793. 

      

    Député de Maine-et-Loire au Conseil des Cinq-Cents, le 15 octobre 1795, au Conseil des Anciens, le 14 avril 1799, il demeura représentant de Maine-et-Loire jusqu'au coup d'Etat des 18-19 brumaire, an VIII, qu'il n'approuva pas. Nommé sous-inspecteur aux Revues le 1er nivôse, an VIII (le 21 décembre 1799), grâce à l'appui des généraux Grouchy, Bernadotte et Moreau et aussi du Ministre de la Police, Joseph Fouché, il entra dans la Légion d'honneur le 17 janvier 1805, et passa inspecteur le 30 avril 1812. 

    il fut décoré du Lis le 1er juillet 1814 et fait Chevalier de Saint-Louis le 27 septembre suivant. Il prit sa retraite en 1815. 

    Son grand ouvrage est intitulé : Guerre des Vendéens et des Chouans contre la République Française, par un officier supérieur habitant la Vendée avant les troubles. (Paris, Beaudouin 1824-1825, 6 vol. in-8°). 

    Ce recueil de documents d'origine républicaine, est l'une des sources les plus précieuses d'informations que nous ayons sur l'histoire de l'insurrection vendéenne. On doit cependant regretter, avec M. Baguenier-Désormeaux, « la façon trop arbitraire, quoique de bonne foi, dont il a souvent tronqué, ou interpolé le texte des documents produits par lui ». 

    Savary mourut en 1839. David d'Angers, son ami, a fait de lui un médaillon.

     

    (4) D'une famille originaire du May, Guy-Jacques Chouteau, naquit à Cholet en 1736, au dire de Célestin Port. Son père était greffier au Grenier à Sel de Cholet et sa mère Anne Le Breton, appartenait à une riche famille de négociants choletais. Guy-Jacques fut reçu docteur-médecin en l'Université d'Angers vers 1766 ou 1767. Il se fixa à Cholet, ou il y épousa Marie-Anne Mesnard, fille d'un négociant. Il y acquit bientôt, par sa charité et son dévouement aux pauvres, une véritable vénération. 

    Partisan de la Révolution à ses débuts, il fut élu, en 1790, administrateur du District de Cholet, puis, en 1791, député à l'Assemblée Législative. Après le 10 août 1792, il revint à Cholet et reprit sa profession de médecin. 

    Pendant la guerre de Vendée, il ne s'occupa que du Service Médicalà l'hôpital militaire de Noirmouliers, en l'an II ; dans les ambulances de l'armée de l'Ouest, en l'an III. Il prit la direction de l'hôpital de Cholet le 27 germinal, an III, puis de nouveau fut envoyé à Noirmouliers le 23 frimaire, an IV et nommé médecin à l'armée de l'Océan, le 10 germinal, an IV. 

      

    Il rentra ensuite à Cholet et y continua l'exercice de la médecine. Le 7 ventôse, an X, il fut nommé un des administrateurs de l'Hôpital civil de Cholet. Des concitoyens ont gardé de son nom une mémoire reconnaissante. 

    Il serait mort aux environs de Doué, à une date inconnue. 

      

      

    (1) Pierre Boisnaud naquit à Château-Pensac, en Limousin, le 28 août 1741. Il fut nommé curé de Saint-Pierre de Cholet en 1778, refusa le serment à la Constitution Civile du Clergé, resta le seul prêtre catholique à Cholet, pendant l’« hiver rouge » de 1793-94 et fut obligé de se cacher. 

    Il ne quitta pas le pays et desservit les trois paroisses de Saint-Pierre, de Notre-Dame et de Saint-Melaine. A la prise de Cholet par les Vendéens, le 14 mars 1793, il rentra en possession de son église. Après le passage de la Loire (18 octobre 1793), il resta dans le pays et activement secondé par le vicaire de Notre-Dame, l'abbé Huet, continua d'exercer secrètement son ministère. A la pacification, en mai 1795, il essaya de reprendre l'exercice du culte et eut à ce propos un curieux échange de lettres avec l'adjudant-général Savary. 

    Son église Saint-Pierre avait été totalement brûlée ; il la reconstruisit et en reprit possession vers 1800. Il a laissé au registre de l'Etat-Civil des listes de victimes de la Révolution, très précieuses pour l'histoire de Cholet. 

    Il mourut le 22 août 1806 et fut enterré dans la chapelle du cimetière de Saint-Pierre. 

      

    (2) On trouve, à cet endroit du récit de Louise Barbier, trace des légendes qui firent du marquis de Beauveau une sorte de nouveau « Barbe-bleue », jusque dans son châtiment final. Nous ne trouvons aucune preuve, aucun témoignage sérieux des traitements cruels qu'aurait subis le procureur-syndic à ses derniers moments. Seuls les racontars de M. Thenaisie en font mention. 

    .M. de Beauveau succomba au pied du calvaire, vers le milieu de la nuit, après de vives souffrances. La femme Bonneau, qui demeurait à quelques pas de là, dans une des petites maisons basses, à l'entrée du cimetière, a rapporté à M. l'abbé Deniau la fin du révolutionnaire choletais. Effrayée par ses cris et par les coups de feu qui ne cessèrent de retentir durant presque toute la nuit, elle n'osa sortir de sa demeure pour lui porter secours. 

    Le lendemain, Jacques Bouchet, père d'un soldat vendéen, enterra le marquis dans le cimetière près duquel il était mort. 

      

    (extrait d’un bulletin du SLA de 1937 ; un grand merci à eux ! )

     

     

      

    FIN

      

     

    Les souvenirs de Louise barbier, 9° partie....

     


    votre commentaire
  • Les souvenirs de Louise Barbier,

    8° partie…

     

      

    A NANTES,

     

    « Ma sœur Cécile resta à Saint-Jacques, cherchant ma sœur Cherbonnier qui devait l'y attendre avec son plus jeune enfant, nommé René, qu'elle allaitait encore. Nous nous rendîmes, moi, mon frère et les enfants Coudrais, sur la place du Bouffai, pensant y retrouver ma tante Coudrais. Mais nous attendîmes en vain. Nous étions seuls sur cette place ; il faisait noir ; une petite pluie fine et froide nous glaçait jusqu'à la moelle des os. Nous pleurions à chaudes larmes et nous nous serrions les uns à côté des autres, tout tremblants et découragés. 

    « Les passants s'approchaient de nous et nous interrogeaient. Lorsque nous leur disions que nous étions de Cholet, ils voulaient nous jeter dans la Loire que nous étions déjà si effrayés de voir couler si près de nous. 

    Mais le bon Dieu permit que deux de ces gens qui nous regardaient se dirent : 

    « Ces enfants me font de la peine ! Nous aurions bien pitié d'un chien. Emmenons ces enfants, car ils vont périr cette nuit si nous ne les recueillons pas. » 

    « Que veux-tu que nous fassions de ces marmots-là, répondit l'autre. » 

    « Partageons, je n'ai pas de garçon, je vais emmener le petit. » — « Moi qui n'ai que des garçons. Je me chargerai de la petite fille et nous les remettrons à leur famille quand nous saurons leur adresse. » 

    « Mon frère Eugène et moi, en entendant ces paroles, nous nous mîmes à crier plus fort. Nous ne voulions pas nous séparer et nous pleurions tant que ces gens, émus, nous promirent que nous nous reverrions souvent. Les enfants Coudrais furent aussi recueillis par des passants qui les menèrent au Sanitat, hospice où l'on recueillait les enfants, et nous ne les revîmes plus après, à Nantes (1). 

    « Enfin, après avoir embrassé mon frère, je suivis mon protecteur, qui était armurier, nommé Ganachaud. Il demeurait sur la fosse et était commissaire de quartier (2), On me mit à coucher dans une mansarde avec la domestique, une méchante républicaine. Le soir, je voulus faire ma prière ; elle me dit qu'elle allait me jeter par la fenêtre. Elle ne m'appelait que la « petite brigande », la « petite chouanne » et menaçait de m'étrangler à chaque instant. De mon lit, j'entendais des cris épouvantables : c'était des « brigands » de la Vendée qu'on noyait dans la Loire. 

    « Un soir, cette femme méchante me tira du lit pour me faire mettre à la fenêtre. On embarquait une troupe de prisonniers qu'on entassait sur une barque qui devait les engloutir. On trouvait cela plus prompt que la guillotine. Elle (la servante) me disait : « Voilà, petite chouanne, le sort qui t'est réservé. Je te mènerai demain voir Carrier. » 

    « Quand je me rappelle ces cris navrants, le frisson me prend encore. Jamais ces tristes souvenirs ne s'effaceront de ma mémoire. 

      

    (1) Louise Barbier ajoute ici en marge : « Ce n'est que plus de soixante-dix ans plus tard que ces quatre orphelins de la guerre, ces quatre enfants que la Providence avait si visiblement protégés, purent s'embrasser et se rappeler leurs malheurs. Ce fut la dernière fois que mon frère Eugène vint à Cholet le 20 septembre 1865. » 

    (2) « La maison existe toujours ; un des descendants y est armurier, le nom est sur renseigne. » (Note de Louise Barbier.) 

    ________ 

      

    « J'obtins la permission d'aller voir mon frère qui avait été emmené par un nommé Navier, qui était entrepreneur de bâtisses et demeurait sur les boulevards. II l'occupait à rouler les brouettes et à servir les maçons dans les constructions qu'il conduisait. On l'apprit (sic) à servir à table ; il mangeait du pain, ce que tout le monde ne pouvait pas faire, car on se mettait en file chez les boulangers pour en avoir. Nous mangions plutôt du riz ou des pommes de terre. Comme mon frère servait à la cuisine, il n'était pas malheureux. Je lui ai entendu raconter l'anecdote suivante : Un jour, on lui avait dit d'aller à la cave chercher du vin. Il s'en revint avec les lèvres barbouillées de noir. On avait voulu l'éprouver en en mettant à la bouteille. La chose fut prise en riant, mais il se garda bien de recommencer. 

    « J'étais obligée de passer sur la place du Bouffai pour aller voir mon frère. J'étais souvent arrêtée par la foule, qui était à voir guillotiner des malheureux souvent innocents. Ils avaient de grandes chemises rouges. Beaucoup étaient traînés sans connaissance. On m'interrogea plusieurs fois, mais je faisais voir un permis de mon maître qui était chef de district et on me laissait partir. 

    « Je fus trois ans (1) à Nantes. Je fis ma première communion au Sanitat, sous un prêtre assermenté, avec mon cousin Blain (2) qui avait été placé aussi lui en arrivant à Nantes dans cet hôpital. J'allais apprendre à lire chez des religieuses chassées de leur couvent. Dans des maisons de gens dévoués à la bonne cause, elles instruisaient les pauvres enfants abandonnés. » 

      

    (1) Trois ans... non, mais 1794 à partir de mars, 1795 et peut-être les deux premiers mois de 1790. 

    (2) « Auguste Blain, fils de Jean Blain, calendreur, et de défunte Louise Martineau, de cette paroisse, ledit enfant âgé d'environ dix ans, emmené à Nantes. » (Registre de M. Boisnaud.) 

    E. M. Chorin note à la suite : « Ce Blain m'a raconté avoir passé la nuit de la bataille de Cholet dans la chapelle du château du Pontreau, puis en se rendant à Nantes, avoir couché dans les ruines du château de Tiffauges. » 

    ________ 

      

    TRÊVE ET PACIFICATION.

     

    « Cependant Cholet était toujours le centre de la guerre. Pendant un an, elle fut déserte d'habitants (autres) que des soldats, tantôt des chouans, tantôt des républicains (1). Il n'y avait pas de vivres. La caserne était aux Cordeliers (l'Hôpital), la seule maison qui n'avait pas été brûlée. 

    « Enfin, on parlait de la paix qu'on allait signer. » 

    Elle fut conclue effectivement le 17 février 1795 au château de la Jaunaye, près Nantes, entre les députés de la Convention et Charette et ses officiers. Le 31 mars, à sept heures du soir, les troupes républicaines, conduites par Canchaux et le représentant Dornier, arrivèrent à Cholet. Savary prit le commandement de la place. 

    « Le 11 avril 1795, on fit un banquet pour la conciliation. Ce fut le 2 mai que fut affichée la paix (conclue cette fois à Saint-Florent avec Stofflet), signée de Dornier, Ruelle, Bollet, Jarry et Chaillon, tous citoyens républicains. On mit tous les prisonniers du château en liberté. 

    « Peu à peu, les réfugiés arrivaient à Cholet par petites troupes, par famille. Rien n'était triste comme ce retour de l'exil, de voir chacun vêtu de guenilles, (portant) des paquets attachés sur le dos ou sur un pauvre cheval qui portait aussi les enfants ou les vieillards. En arrivant, on retrouvait à la place de sa maison une masure vide. Pas d'argent, ni fruits, ni légumes ; pas de pain, pas de travail. 

      

    (1) La ville de Cholet ne resta véritablement déserte que pendant les mois de mars et d'avril 1794. Dès le mois de mai, certains habitants qui s'étaient cachés dans les environs, vinrent reprendre possession des ruines. La ville et le pays furent alors administrés, en dehors de toute la France, au nom du petit roi Louis XVII, jusqu'à la rentrée des troupes à Cholet.

      

     

    A suivre…

     

    Les souvenirs de Louise Barbier....


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  • Les souvenirs de Louise Barbier,

    7° partie…

     

     

     

    A MORTAGNE.

    Les souvenirs de Louise Barbier, 7° partie....

     

    « Enfin, nous arrivâmes à Mortagne à la nuit, espérant coucher chez ma sœur, car nous devions y avoir des laisser-passer pour nous diriger ensuite vers Nantes. Mon beau-frère Cherbonnier était requis par l'armée pour réparer les fusils. Il y avait toujours un factionnaire à sa porte pour l'obliger à travailler et le surveiller. 

    « Mais en arrivant, nous eûmes la déception d'apprendre qu'ils (sic) avaient émigré. Mon beau-frère avait été dénoncé comme royaliste et ne dut son salut qu'à un hasard providentiel. Sa femme avait dû prendre la fuite, emmenant deux jeunes enfants, François et René, qui étaient de la même année 1789, l'un du mois de janvier, l'autre du mois de décembre. Mon pauvre beau-frère était resté caché dans son grenier sous des bottes de paille. Les soldats furetaient partout pour le découvrir et, désespéré, il allait se livrer, quand un chat qui était à côté de lui s'élança dans une chambre voisine, fit sonner par hasard le timbre d'une pendule. Entendant ce bruit, ses ennemis abandonnèrent le grenier où il n'avait plus que l'espoir de se livrer à ses bourreaux. Ils courraient vers cette pièce, voient une fenêtre ouverte et s'élancent pour le poursuivre, croyant qu'il s'était évadé par cette issue. 

    « Mon beau-frère, plus mort que vif, sortit le soir de sa cachette. A l'aide de déguisements et par des chemins détournés, il se rendit à Nantes où sa femme l'attendait avec une grande inquiétude. 

    « A Mortagne, comme à Cholet, l'incendie fumait encore. Tout était à feu et à sang, car c'était le général Huché, le plus féroce de tous, qui y faisait tout massacrer. Nous étions sur la place de l'Eglise, témoins de la plus horrible barbarie des soldats. Le Général faisait larder deux prisonniers vendéens, après les avoir assaillis à coups de sabre. Les bourreaux eux-mêmes se refusaient d'obéir à infliger cet affreux supplice, tant les deux victimes souffraient et criaient en se débattant contre la mort, demandant en grâce de les achever à coups de pistolet. « Gardez-vous en ! » ordonnait le général, « enfoncez vos sabres plus avant ; vous ne savez pas votre métier. » 

    « Nous allâmes chercher un refuge dans une ferme, afin d'y passer la nuit. Mais nous en sortîmes aussitôt, remplis d'effroi ; nous y vîmes couper par petits morceaux un paysan et son fils, parce qu'on avait trouvé le curé de la ville caché chez eux et à qui on avait coupé les deux jambes aux genoux. Le malheureux se débattait encore dans les dernières convulsions de l'agonie. 

    « Nous nous cachâmes dans un champ de genêts où nous eûmes bien froid toute la nuit ; une neige fine et serrée blanchissait les chemins. Ma tante Coudrais nous fit partir de Mortagne de grand matin, car l'ordre était venu, comme à Cholet, d'évacuer la ville. » 

      

    A MONTAIGU. 

    Les souvenirs de Louise Barbier, 7° partie....

      

    « Nous arrivâmes à la nuit à Montaigu. Là aussi, tout était brûlé, la ville déserte de ses habitants, et les soldats excités par le général Huché qui, partout où il passait, signalait sa présence par des actes de la plus indigne des cruautés. Il y avait fait amener huit cents Vendéens qu'il avait fait égorger. Ayant reconnu le curé, il lui fit couper la langue et les oreilles, et arracher les yeux avant de l'achever. Il fit suspendre plusieurs malheureux par le menton à des crochets de fer, parce qu'ils n'avaient pas crié assez vite ; « Vive la République ! », et qu'on avait découvert des cocardes blanches sous leurs vêtements. On les fit brûler dans cette position. 

    « Ces cruautés n'avaient plus de bornes. Nous en étions les spectateurs tremblants. Il fallait les regarder sans avoir l'air de s'en apercevoir, car si nous avions eu le malheur de crier et d'avoir peur, dix soldats étaient prêts à nous faire subir le même supplice. 

    « Ma tante Coudrais nous fit entrer dans une maison qui n'avait que les ouvertures, sans porte ni fenêtre. Elle nous fit un grand feu dans le milieu de la place pour nous réchauffer et nous faire cuire quelques pommes de terre pour manger avec le peu de pain qui nous restait et sans savoir si nous en aurions pour le lendemain. 

    « En ce moment arriva ma sœur Cécile qui avait le petit Cherbonnier François, l'aîné des enfants de ma sœur (1). Ils avaient perdu la mère et c'était à qui pleurerait le plus fort. Ma sœur avait quatorze ans et le petit garçon quatre ans. Ma tante les fit manger et les consola de son mieux. Puis nous nous endormîmes, la tête sur notre petit baluchon, tout habillé de peur d'être surpris. 

    « Avant l'aube du jour, ma tante nous réveilla et nous fit faire notre prière. Nous partîmes à la garde du bon Dieu. En sortant de la ville, on avait fait une barricade des corps des victimes, pour empêcher les émigrés de fuir et les ambulances de passer. C'est par des détours, dans les genêts, derrière les haies et toujours en crainte d'être surpris, que nous quittâmes cette ville. » 

      

    VERS CLISSON ET NANTES.

     

    « Ma tante nous fît prendre le devant, en nous disant qu'elle allait nous chercher de la place dans les ambulances ; c'étaient les charrettes qui emmenaient les vieillards, les enfants et les malades, à la suite des émigrés. 

    Puis elle nous dit qu'elle nous retrouverait à Nantes, sur la place du Bouffay. Mais nous ne devions plus la revoir, car on vint la prévenir, par ordre de M. Lecoq, un de ses amis, qu'elle était dénoncée et qu'elle serait arrêtée en arrivant à Nantes (2). Elle fut alors obligée de se déguiser, d'éviter cette ville et de suivre une bande de réfugiés qui se dirigeaient sur Varades. 

      

    (1) François Cherbonnier, né à Mortagne le 10 janvier 1789, parti militaire en 1808, fit comme sous-officier les campagnes d'Autriche et d'Allemagne et comme sous-lieutenant celle de Russie, fut blessé à la bataille de la Moskowa (5 septembre 1812). 

    Les papiers de notre regretté ami Léon Bonnineau conservent de nombreuses lettres écrites pendant ce temps à sa mère. Sa dernière lettre est du 17 septembre. Il mourut quelques jours après. 

     (2) Interrogatoire des détenus dans les prisons nationales d'Angers, folio 64 et suiv. : Cécile Coudray, 14 ans, de Cholet, fille de défunt Louis Coudrais et de Mathurine Auvinet, est restée à Varades, où elle a été arrêtée, a passé par les conseils de Amaury (Gelusseau) et ses filles ; sa mère, une scélérate.  

    ________ 

      

     « Nous nous dirigions donc tout doucement sur Clisson, regardant toujours derrière nous, espérant voir arriver notre tante, ou les charrettes qu'elle nous avait dit qui nous rejoindraient (sic). 

    « Nous étions six pauvres enfants. Ma sœur Cécile, la plus grande, avait le petit Cherbonnier sur le dos ; moi et mon frère Eugène et les deux enfants de ma tante Coudrais. Nous n'avions pas de pain ; nous en demandions dans les fermes ou les bourgs où nous passions. 

    Mais on nous ouvrait à peine les portes, tant on était en crainte de se voir arrêter. 

    « Nous étions tous exténués de fatigue et mourant de faim. Nous allions infailliblement périr lorsque, près d'arriver à Clisson, nous vîmes des cadavres de soldats dans un fossé. Ma sœur Cécile nous fit cacher et s'approcha pour voir s'ils étaient bien morts ou seulement endormis, et leur vit des pains de munition attachés à leurs sacs. Craignant d'être surprise ou vue, ce fut moi et Eugène qu'elle envoya pour les leur chercher, car nous mourrions de faim et le petit François criait sans cesse pour en demander. Mon frère Eugène rampait dans le fossé pour arriver tout doucement à ces malheureux soldats, que nous croyions endormis, et pour leur dérober ce pain noir qui nous faisait tant envie. II voulut aussi prendre une gourde qui pendait au cou d'un de ces cadavres et, ne pouvant y réussir, nous le vîmes couper la corde avec ses dents. 

    « Avec quelles précautions il revint rapporter le fruit de son larcin à ma sœur Cécile. Quel triste mais copieux déjeuner nous fîmes ! Avec quel appétit nous dévorions ce pain noir que la Providence nous envoyait et qui devait nous sauver la vie. Ma sœur, après nous avoir fait nos parts, nous fit ramasser soigneusement les restes. 

      

    « Puis, remettant le petit Cherbonnier sur son dos, nous nous remîmes en route jusqu'à Clisson où la terreur régnait comme partout et où l'on voyait les flammes et des tourbillons de fumée, dont l'odeur sinistre nous remplissait de frayeur. 

      

    « Nous venions de nous arrêter pour nous reposer en sortant de cette ville. La terre était glacée et couverte de frimas ; c'était au commencement de mars (1794). Tout à coup nous entendîmes des coups de fusil et nous fûmes arrêtés par une troupe de chouans qui voulurent nous tuer, parce que nous devions, disaient-ils, les dénoncer. 

    Ils nous firent mettre à genoux au milieu d'un carrefour, en disant de faire notre prière, parce qu'ils allaient nous fusiller. Nous jetions des cris lamentables en demandait grâce. Mais ces forcenés n'écoutaient ni prières ni supplications et allaient mettre leur projet à exécution quand ils entendirent et virent arriver des cavaliers. Ils se mirent aussitôt en fuite nous laissant plus morts que vifs, sans savoir si ceux qui arrivaient n'allaient pas nous achever. Mais non, c'étaient des émigrés suivis des ambulances qui se dirigeaient sur Nantes. On nous y fit monter et nous arrivâmes dans cette ville à la nuit. »

     

    A suivre…

     


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  • Les souvenirs de Louise Barbier,

    6° partie…

     

      

    1794 - L'HIVER ROUGE.

     

    C'est le général Turreau qui s'était chargé de rechercher tous les royalistes. Quand on lui en ammenait, il les regardait en disait à ses soldats : «Donnez-leur un billet d'hôpital ! » 

    « Aussitôt on les emmenait dans un pré, derrière l'église Saint-Pierre et on les fusillait sans les entendre. 

    « En entendant ces coups de feu, chacun croyait que c'était ses parents qui subissaient ce triste sort. 

    Le général était logé près de l'église, à l'Hôtel de la Croix-Blanche (1). 

    « Chacun était caché dans sa maison et ne sortait que le soir chercher de quoi manger encore. Nous ne vivions que de châtaignes et de pommes. Les boulangers faisaient peu de pain et le vendaient trop cher souvent il était impossible de s'en procurer car tout était pris par les troupes qui se le disputaient. 

    « Après avoir entré (sic), dans les maisons, les soldats fouillaient les meubles, défonçaient les portes et menaçaient de tuer ceux qui s'opposaient. Ils allaient jusqu'à arracher les anneaux et les boucles d'oreilles des pauvres femmes. C'était à qui en aurait le plus ; ils se faisaient gloire de faire sonner leurs poches. 

    « Ils allèrent chez ma tante Coudrais qui était veuve, vivant de son revenu avec quatre ou cinq enfants en bas-âge » 

    « Ceux-ci criaient et se jetèrent aux pieds des soldats, qui se contentaient d'emporter toute la nourriture sans leur faire du mal. 

    « C'est à cette époque que le général La Rochejacquelin fut tué à la Haie Bureau, par un grenadier qui faisait semblant de se rendre. 

    « Le général Caffin, terrible et sanguinaire, fit fusiller vingt-cinq personnes qu'on avait trouvées dans un champ de genêts, à la Croix de Beault, en disant qu'il fallait purger le pays pour le guérir. 

      

     (1) Aujourd'hui Hôtel du Bœuf couronné. 

    ________ 

      

     « Les Républicains avaient aussi dressé des chiens qui portaient des colliers à grelots, à flairer les cadavres et à les dévorer. Souvent ils surprenaient des malheureux blessés cachés dans les broussailles, les mordaient et ne les laissaient que quand les soldats les avaient tués à coups de baïonnettes. 

    « M. de Rillé qui était le porte-drapeau de Stofflet fut haché en morceaux. 

    «Une de mes amies, Eléonore Gourdon, la grand-mère des messieurs Coubard (1) fut mise en joue par un hussard ; le coup ne l'atteignit pas, mais la frayeur l'ayant fait tomber, le soldat accourut pour l'achever. Sa jeune fille qui pouvait avoir quinze ans, put se défendre, lui arracha son sabre et lutta contre lui, mais ne dut son salut qu'à l'arrivée de plusieurs personnes qui la défendirent. 

    « Ma tante Coudrais se défendit un jour avec sa broche à rôtir mais presque tous ces soldats étaient lâches et s'enfuyaient à la moindre alarme. 

    « Il se passa des cruautés que je ne pourrais croire si je ne les avais pas vues. Un soir des soldats arrivèrent, défoncèrent notre porte et pillèrent tout ce qu'il y avait dans la maison. Chacun s'enfuit. 

    « Ma belle-mère (Marie Braud) avait un jeune enfant de trois ans que mon père avait eu de son second mariage. Un soldat le lui enleva au bout de sa baïonnette laissant la pauvre mère évanouie. 

    « Il arriva un jour deux hussards qui venaient d'une excursion et rapportaient un chapelet fait avec des oreilles humaines. Ces barbares, en vrais sauvages, les mettaient sur le gril et les mangeaient en débitant des horreurs qui faisaient frémir. 

    Le général Boucret était à la Tessoualle, à dix kilomètres et brûlait tout le bourg et l'église. Il fit mettre le feu dans un grand champ de genêts, dans le bas des Juchellières, où tous les habitants étaient réfugiés et il faisait tirer sur ceux qui voulaient s'échapper. Mon frère Louis, qui y travaillait à tisser de la toile, se sauva en traversant la rivière et arriva nous raconter ce massacre où périrent plus de soixante personnes. 

      

    (1) ancêtre du Dr Coubard (fondateur du souvenir Vendéen) 

    ________ 

      

    « C'est à cette époque que ma belle-mère céda son hôtel. Mon pauvre père était mort depuis trois ans et elle ne pouvait plus s'occuper d'une aussi nombreuse famille, car nous étions encore dix à la maison. Ma sœur Renée était mariée à Mortagne avec François Cherbonnier ; j'avais un frère qui se nommait Pierre et qui avait été enrôlé dans les troupes républicaines par son sort de la conscription. C'était un jeune homme doux et aimable, que nous n'avons jamais revu, car il fut tué en Bohême, à côté d'un ami qui, revenu plus tard, nous raconta ses dernières recommandations et nous dit son regret de mourir loin de ses parents sans pouvoir les embrasser. 

    « Mon frère aîné, Louis, travaillait à la Tessoualle et partit bientôt soldat dans le Nord. Ma sœur Victoire était partie depuis quelque temps chez ma tante Brion, au May... 

    « Nous fûmes tous dispersés de la maison paternelle, avec un héritage bien facile à partager. Il nous restait bien la maison qui avait une certaine valeur et de plus elle était au trois-quarts incendiée. Nous fûmes placés chez les uns et les autres de la famille. Ma sœur aînée, Renée, prit ma sœur, Cécile, et l'emmena à Mortagne. 

    Ma sœur Jeanne fut recueillie chez mon oncle Blain. Mon frère Eugène avait été emmené par ma tante Coudrais. 

    « Je fus placée chez mon cousin Delhumeau, qui était mon tuteur. J'étais bien partagée ; ces parents me portaient beaucoup d'affection ; ils étaient fabriquants de toiles et mouchoirs au Bretonnais, et dans une grande aisance. Ils n'avaient qu'un fils unique qui pouvait alors avoir vingt-cinq ans. 

      

    COMBAT DANS LES RUES DE CHOLET.

     

    « Une nuit, on vint nous annoncer que les chouans arrivaient en masse et environnaient la ville. Le tambour battait. Ils entrèrent tout à coup à Cholet, tuant tous ceux qui ne criaient pas : « Vive le Roi ! ». Cette journée fut remplie d'angoisse pour tous. Le soir, ma cousine entendit frapper à la porte du jardin qui avait issue sur une petite ruelle. C'étaient deux grenadiers de l'armée de Mayence (?) qui, cachés dans la cour, attendaient la nuit pour se sauver. Ils n'en avaient plus la force ; tous les deux blessés, ils se soutenaient l'un et l'autre. « Citoyennes », nous dirent-ils, d'une voix faible, « hâtez-vous de nous ouvrir, sans quoi nous allons être massacrés par les brigands. » Ma cousine hésitait à les faire entrer chez elle. Elle et son mari étaient très royalistes. Son mari et son fils étaient partis se battre contre les bleus, sur la route de la Séguinière. Mais son cœur la décida. Je lui aidai à les soigner, car ils étaient si exténués qu'ils faisaient vraiment pitié. 

    « Au même instant, on frappa violemment à la porte de la rue. C'était une bande de Chouans qui rapportaient sur une civière le fils de mon tuteur, Louis Delhumeau, qui avait été blessé sur la route de Nantes. Ils déposèrent leur fardeau et se sauvèrent au plus vite, nous disant que c'étaient les bleus qui étaient maîtres de la ville. Le pauvre blessé était dans un état désespéré. On courut chercher un prêtre qui vint dans la nuit, déguisé, lui administrer les derniers secours de la religion. Il mourut quelques instants après. On l'enterra le lendemain avec le général Moulin, au pied de l'arbre de la Liberté, sur la place du château. 

    « Tous les jours, il arrivait des troupes républicaines en guenilles, qui pillaient et prenaient tout dans les maisons. »

     

    De son côté, Cécile Barbier a laissé en note les souvenirs suivants qui se rapportent à cette époque et aux jours qui suivirent l'évacuation de Cholet. Nous les donnons de suite pour ne plus interrompre le récit de sa sœur Louise : 

      

    « Lorsqu'il fallut quitter la maison paternelle, je fus désignée pour aller chez ma marraine, qui était ma sœur Renée, mariée à Mortagne avec François Cherbonnier." 

    « Nous étions affolées par la terreur et les crimes atroces qu'on voyait commettre tous les jours. Quelques semaines avant, j'avais vu embrocher l'enfant de ma belle-mère, qui pouvait avoir trois ans par le sabre d'un soldat abruti qui voulait toutes nous tuer, si nous ne nous étions pas sauvées au plus vite. 

      

    « Une de mes sœurs, Modeste, âgée de vingt-trois ans environ, fut fusillée pendant la guerre. 

    « Elle s'était réfugiée dans une cave avec une vingtaine de personnes. Ils y étaient depuis plus de quinze jours, s'y croyaient en sécurité et attendaient pour sortir « un calme de troupes » (sic) (1). Un ami dévoué leur faisait passer des vivres, en les mettant au courant de la situation. 

    « Par malheur, ils avaient un petit chien caché avec eux. Un jour qu'une patrouille de bleus cherchait et fouillait partout, le chien se mit à aboyer et trahit ainsi les malheureux cachés qui se croyaient en sûreté. Ils furent aussitôt tous fusillés. 

    « C'était dans les carrières de la place Saint-Pierre, où était le cimetière qu'on venait de changer pour le mettre où il est actuellement. 

      

    ÉVACUATION DE CHOLET.

     

    « Un ordre vint de la Convention, nous dit le récit de Louise Barbier que nous reprenons, que tous les réfugiés sortiraient de la Vendée. Par réfugiés, on entendait tous les habitants du pays. Les généraux Turreau et Grignon, — je n'oublierai jamais les noms de ces monstres-là, — ordonnèrent de brûler tout ce qui restait de la ville de Cholet, détruire les maisons, égorger les habitants sans épargner ni les femmes, ni les enfants, ni les vieillards, s'ils n'étaient pas partis dans les vingt-quatre heures. Il n'y avait pas d'autres moyens de purger la ville de tous les brigands. 

    « Tout le monde pleurait de quitter sa maison, son père, sa mère, sa famille pour aller où ?... Nous n'en savions rien. 

      

    (1) C'est-à-dire que les troupes ne reviennent plus à chaque instant fouiller les ruines et les cachettes de Cholet. L'événement dut se produire vers fin mars 1794 à l'une des venues des troupes républicaines au milieu de notre ville en ruines, vraisemblablement le 26 mars 1794. 

    ________ 

      

    « Le 3 mars (1794), on mit le feu à l'église Saint-Pierre. Mais le bon Dieu punit celui qui l'y mit, car il ne put en sortir et brûla dans l'église. La maison de mon père, qui était en face, fut incendiée en même temps. 

    « Ma tante Coudrais, qui demeurait au Coin et où était mon frère Eugène, vint me chercher et me dit qu'il fallait partir au plus vite parce qu'on lui avait dit que tout Cholet allait brûler. Elle nous fît faire un petit paquet de nos quelques hardes. Elle aussi ramassait ce qu'elle croyait le plus utile pour en faire un ballot et le mettre dans les ambulances qui allaient à Nantes, C'est de ce côté qu'elle pensait nous emmener avec ses enfants, car nous ne savions où aller sans pain et sans asile. Nous étions en guenilles ; j'avais une vieille coiffe de laine jaunie, les pieds dans des sabots attachés avec des cordes. Nous partîmes donc avec ma tante Coudrais qui avait avec elle ses deux enfants, deux autres neveux du côté de son mari, mon frère et moi. 

    « Dès en partant, nous vîmes fusiller deux hommes et, l'abbé Guitton, vicaire de Saint-Pierre. On les avait mis sur le bord de la rivière et les soldats placés sur le parapet du château s'exerçaient à tirer sur eux. 

    « Ma tante Coudrais avait décidé de se diriger sur Mortagne, parce qu'elle espérait nous laisser, moi et mon frère, chez ma soeur Cherbonnier et où était déjà réfugiée ma sœur Cécile. 

    « Nous étions à peine rendus à la Haie (1), que nous vîmes tout Cholet en feu. Les habitants arrivaient criant et pleurant, à peine vêtus, traînant les enfants, soutenant les vieillards, sans pain, sans asile, quelques guenilles sous le bras, sans savoir où aller se réfugier. C'était le mercredi des Cendres. 

    « Ce fut ce jour-là que ma grand'mère fut massacrée au Pont-Joly, au moment où elle se rendait à l'hôpital (2) pour s'y réfugier. Une de ses sœurs fut tuée au près d'elle et une autre, ma tante Madeleine, fut massacrée dans sa maison même, au moment où elle se préparait à partir. 

      

    (1) Le plateau de la Haie, entre les routes de Mortagne et du Puy-Saint-Bonnet, domine l'usine à gaz. 

    (2) L'hôpital était situé rue des Vieux-Greniers. Il ouvrait à peu près en face de l'ancienne tour existant encore. Les blessés étaient soignés également au couvent des Cordelières qui, après la Révolution, devint l'hôpital de Cholet. Le Pont Joly était l'endroit où le ruisseau de Pineau passait dans la rue Salbérie, en arrivant à la Promenade. C'était un ravin où il y avait un pont 

    rustique pour les piétons. Les charettes passaient dans l'eau. 

    ________ 

      

     « A l'hôpital, les malades furent abandonnés et moururent faute de soins (l). 

    « On avait fait des monceaux de paille et de bois, dans les principales maisons, et bientôt toute la ville offrit le spectacle épouvantable d'un vaste bûcher. 

    « C'était la quatrième fois qu'on y mettait le feu. Pendant quelque temps, la ville détruite ressembla à un désert. Il n'y avait pour habitants que des soldats affamés qui cherchaient sous les ruines les choses précieuses qui avaient échappé à l'incendie. Les loups y arrivaient la nuit pour dévorer les cadavres mal enterrés des malheureuses victimes. 

      

    « Nous continuions péniblement notre route vers Mortagne, en tremblant, quand nous voyions les bleus. Nous nous croyions perdues quand ils nous criaient : « Rendez-vous, brigandes, ou la mort ! » Alors il fallait crier : 

    « Vive la République ! A bas les aristocrates ! A mort le roi !» A la moindre hésitation, les soldats fusillaient à bout portant et transperçaient les petits enfants de leurs baïonnettes. Plus de cinquante personnes furent victimes de leur fureur, de Cholet à Mortagne. 

    « Il fallait se cacher dans les broussailles et les ajoncs, en perdant ses sabots, en déchirant ses vêtements, dans des chemins détrempés d'où on ne pouvait plus sortir. 

    « Arrivés près du château de la Tremblaie, nous vîmes fusiller un prêtre, que les soldats avaient trouvé dans le creux d'un arbre. Ils se partageaient les débris des vases sacrés que le malheureux avait voulu cacher. » 

      

     (1) Une enquête fut faite à l'époque sur l'abandon des malades dans l'hôpital de Cholet, dont les rapports sont aux Archives départementales de la Loire-Inférieure. 

     

    A suivre…

     

     

       Les loups "nettoyant" les rues de cholet de leurs cadavres :

    Les souvenirs de Louise Barbier, 6° partie....

     


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  • Les souvenirs de Louise Barbier,

    5° partie…

     

     

     

    LA TOURNÉE DE GALERNE

     

    « Nous arrivâmes ainsi à Candé, pensant, nous y reposer, lorsque nous entendîmes crier : « Voilà les Bleus ! » 

    Nous ne savions où fuir ; heureusement que ces cris d'alarme renouvelés à chaque instant étaient souvent mal fondés. 

    « Si vous saviez quel singulier et lugubre spectacle que cette fuite de l'armée vendéenne : une troupe sans ordre traînant des canons, toutes sortes d'armes et de bagages ; des vieux chevaux portant les enfants ; les vieillards soutenus par leurs fils ; des blessés se traînant à peine ; des soldats déguenillés groupés sans ordre. Cette triste procession occupait quatre lieues de longueur. 

    « A Segré, où l'on s'arrêta, les paysans firent un feu de joie de tous les papiers de l'administration, au pied de l'arbre de la liberté. Ensuite, par une pluie battante, nous nous rendîmes à Château-Gontier. Je me souviens n'avoir mangé que deux pommes dans ma journée ; j'étais accablée de fatigue et de faim. 

    Nous y vîmes un monceau de prisonniers que les bleus venaient de massacrer ; les ruisseaux étaient tout rouges du sang de ces malheureux. 

    « Nous partîmes de suite pour Laval, où nous fûmes très bien reçus. Nous y restâmes neuf jours. Nous couchions dans une cave ; ma tante avait arboré son mouchoir blanc au bout d'un bâton, pour nous donner aide et protection. On nous distribuait du riz à l'eau, quelques pommes de terre et des raisins verts. Nous reprîmes là un peu de forces. 

    « L'armée quitta Laval, le lendemain de la Toussaint, où nous avions assisté à une messe dite par un évêque caché dans nos rangs. Nous allâmes jusqu'à Mayenne. 

    En y arrivant, de bons soldats nous firent chauffer et nous cachèrent, car les habitants, surtout les femmes du pays, jetaient des pierres sur les « brigands de la Vendée », comme on nous appelait. Le pillage était permis dans la ville. 

    « Nous en repartîmes précipitamment pour Le Mans. 

    En y arrivant, il y avait une terrible bataille. On ne trouvait pas à camper dans les fermes. La route était remplie de gens qui fuyaient ou marchaient sur des cadavres ou des mourants dans les fossés. Ceux qui se sauvaient étaient repris par les républicains et conduits immédiatement sur l'échafaud sans être jugés. 

    « Nous n'arrêtâmes pas dans la ville, car ma tante Brion trouva un monsieur de Cholet, nommé Allard, chef des chouans en renom, qui l'engagea fortement à revenir du côté de Nantes. 

    « Nous revenions avec d'autres connaissances du pays par des chemins détournés où l'on enfonçait à mi-jambe. 

    J'étais vêtue en paysanne ; j'avais sur la tête un capuchon de laine violette que nous avions pris à une pauvre grande dame tuée et restée sur la route. On nous dit que c'était Mme de la Frégeolièrè, de Trémentmes, près Cholet. Je me souviens de ce nom. J'avais un morceau de drap bleu, jeté sur mes épaules et attaché par devant avec des ficelles. II faisait un froid excessif. Pour des chaussures, (sic), je n'avais pas d'autres bas que ceux que je portais en quittant Le May. 

    Arrivée près de Saumur, je perdis ma tante qui avait suivi une colonne de fugitifs, se dirigeant sur Nantes. 

    J'espérais, cependant, bientôt la rejoindre. Je couchai dans une ferme, sous une meule de paille. Au même instant, arriva une petite troupe de républicains qui fouillaient partout dans les recoins, espérant trouver des Vendéens cachés. Je sentis la pique des baïonnettes qui sondaient le tas de paille ; j'étais plus morte que vive. 

    Je partis le lendemain au petit jour en suivant les voitures de réquisitions et j'arrivai près de Saumur, espérant y retrouver ma tante. J'avais 17 ans ; j'étais sans asile, exposée à toute sorte de propos ; j'étais malade, exténuée. Près de la ville, je passai la nuit dans un creux d'arbre et fut sauvé par une brave femme. 

    Elle se nommait la mère Manet ; elle assura aux bleus que j'étais sa fille et, pour me faire entrer avec moins de difficultés dans la ville où elle allait tous les jours porter des provisions, elle me mit une paire de poulets dans la main et un bissac de légumes sur le dos. Elle me conduisit chez une de ses parentes qui lui avait demandé une domestique. A l'octroi, on me fit cracher sur une cocarde blanche et attacher une tricolore sur la poitrine. On m'avait bien défendu de dire que j'étais de Cholet, car ceux qui étaient connus Vendéens étaient vite pris et, sans aucune explication, on les conduisait en prison. 

    « Je restai en place deux ans chez un boulanger... » 

      

    FIN D'ANNÉE 1793 A CHOLET. 

      

    Mais tous n'avaient pas quitté le pays. 

    Un certain nombre de nos compatriotes, après avoir tournoyé de hameaux en villages, avait réintégré leurs demeures. 

    Le généralissime vendéen d'Elbée s'était montré opposé au passage de la Loire. Blessé également à la bataille de Cholet, il s'était réfugié près de Beaupréau et n'avait pas voulu partager le sort de l'armée. 

    Un groupe de paysans, réunis par Pierre Cathelineau, lui étaient restés fidèles et entreprirent de l'aller le mettre en sûreté à Noirmoutier. 

    Pendant quelques temps, le calme régna donc dans notre pays. 

    « Après le passage de la Loire », écrit Savary, « il ne restait dans la haute Vendée aucun des chefs, aucun rassemblement à craindre. Tous les braves de l'armée vendéenne erraient sur un sol étranger à cette contrée. Toutes les illusions, tous les prestiges du fanatisme avaient disparu avec les prêtres... » (?) 

    Louise Barbier va bientôt nous indiquer, — et c'est le seul souvenir qu'elle semble avoir conservé de ces jours, — à quel autre genre de fanatisme les dévots de la « Déesse Raison » pouvaient se livrer. 

    « On pourrait donc considérer cette portion du territoire de la Vendée », continue Savary, « comme un pays soumis, depuis la Sèvre jusqu'à Saumur. Il ne fallait plus y assurer la paix et la tranquillité, qu'une surveillance active, dirigée par des principes de clémence, d'humanité et de justice. » 

    Ce fut le contraire qui se produisit. 

    A la suite des armées, après leur passage, les autorités locales républicaines tentèrent de se reconstituer. En peu de jours, elles furent supplantées par le Comité Révolutionnaire, qu'un prêtre assermenté, curé intrus de Trémentines abandonnant sa soutane et son ministère, Robin de Méricourt, vint former à Cholet. 

    Plus de cinq cents arrestations furent faites dans notre ville et aux environs alimentant en victimes les fusillades et les noyades d'Angers et des Ponts-de-Cé. « Fanatique », tel est le mot que comporte la presque unanimité des condamnations, dont le motif est l'attachement de nos concitoyens à leur foi religieuse. 

    C'est l'époque, d'ailleurs, de la « déchristianisation », du « soulèvement antireligieux » selon le mot de M. Ch.-L. Chassin qui sévit pendant les mois de brumaire et de frimaire, an II. 

      

    Les abjurations et les déprétisations se succèdent sur un rythme accéléré. La Convention institue son calendrier de l'ère nouvelle, par ses décrets du 5 octobre et du 24 novembre 1793. 

    Les fêtes décadaires sont inaugurées par Lequinio et Laignelot, les 31 octobre et 10 novembre, à Rochefort, à Niort, à Saint-Maixent, etc. 

    Une ou plusieurs « cérémonies » de ce genre eurent lieu à Cholet, â des dates que nous n'avons pu préciser. Nous en trouvons l'écho dans les papiers de Louise Barbier. 

    « Les prêtres étaient enfouis dans les prisons, ou cachés au fond des bois et des grands genêts qu'il y avait alors. 

    « Les semaines étaient de dix jours et s'appelaient décades. 

    « On faisait de temps en temps des processions de la Liberté. C'était M!Ie Coulonnier, dont le père tenait la poste aux lettres, qui faisait la déesse, coiffée du bonnet phrygien et drapée à la romaine. Elle tenait en main le drapeau de la Révolution ; à ses pieds était assis un paysan du Carteron, qu'on appelait Dupé et qui était habillé en empereur romain ; il représentait le dieu de l'agriculture. 

    « L'Eglise était fermée ; de chez nous, j'ai vu brûler les confessionnaux, devant la porte ; les statues des saints furent jetées au milieu des flammes. 

    « J'allais une fois à la messe, à la ferme de la Goubaudière. C'était le mariage de Viaud, l'hôtelier de la Croix-Blanche, un de nos amis. Rien n'était si triste que ces cérémonies lugubres. L'autel était dressé sur une table éclairée par deux lumières qui laissaient le reste de la pièce dans l'obscurité, Les prières étaient dites à voix basses et toujours avec la crainte d'être surpris. 

    « Puis, nous nous en revenions tous, les uns après les autres par des chemins détournés, avant le jour. 

    « Beaucoup de personnes y furent enterrées. Le cimetière existe toujours ; le fermier n'a pas voulu y toucher et le laisse inculte.

      

    A suivre…

     

           La Bataille du Mans :

    Les souvenirs de Louise Barbier, 4° partie....

      

     

     


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