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    Une Messe clandestine qui tourne mal, 

    Chéméré-le-Roi, le Dimanche 7 floréal de l'an 3

     

                       

    Le Dimanche 26 avril 1795 (7 floréal an3), Monsieur l'abbé Bachelier, prêtre réfractaire, va célébrer la Messe à la Grande-Guyonnière, chez la famille Leduc à Chéméré-le-Roi. Dès le début de l'office, les Républicains envahissent le domaine et prennent en otages, l'abbé Pierre Bachelier, le fermier, Pierre-Jean-Joseph Leduc et son fils aîné Jean-René Leduc. Ils ont été dénoncés par un bon voisin...

     

    Pierre-Jean-Joseph Leduc est né le 17 novembre 1730 à Chéméré-le-Roi. Il est le fils d'Honorable Homme Pierre III Leduc, Sieur de la Grande maison, négociant et de Demoiselle Marie-Perrine Thuillier, originaire de Saulges.

    Il exerce la profession de marchand itinérant et de fermier à la Grande-Guyonnière. 

    Il a épousé à Préaux, Louise Chantelou, née vers 1745, fille de Nicolas Chantelou et de Louise Robin, décédée le 26 août 1796 à Chéméré-le-Roi. De cette union sont issus :

     

    1° Louise-Jeanne Leduc, née le 20 septembre 1768 à Chéméré.

    2° Marie-Nicole Leduc, née le 1erseptembre 1771 à Chéméré.

    3° Jeanne-Mathurine Leduc, née le 2 août 1773 à Chéméré.

    4° Jean-René Leduc, né le 7 janvier 1775 + 30 mai 1778 à Chéméré.

    Jean-René Leduc, né le 9 janvier 1777 à Chéméré et † le 18.3.1852 ) à Chéméré, propriétaire.

    6° Pierre-René Leduc, né le 21 juillet 1778 à Chéméré.

    7° Guillaume-François-Jean Leduc, né le 6 janvier 1780 à Chéméré.

     

    Voici donc la composition de cette famille au moment des faits.

    La Grande Guyonnière sur le cadastre de 1834...

    Chéméré-le-Roi, messe clandestine....

          Sur l'IGN moderne :

    Chéméré-le-Roi, messe clandestine....

         Et en vue aérienne Géoportail :

    Chéméré-le-Roi, messe clandestine....

     

    Suite à cette dénonciation, les soldats décident de transférer à Laval les trois prisonniers afin qu'ils soient jugés......

     

    « On montre encore à la Grange-Coyère l'endroit où un prêtre réfractaire, l'abbé Bachelier, se cacha à plusieurs reprises. Avant 1791, il était titulaire d'un bénéfice dans la paroisse de Chéméré-le-Roi. Pour se soustraire aux recherches dont il était l'objet, il se réfugiait tantôt sur une commune, tantôt sur une autre, ne quittant chaque cachette que lorsqu'il ne s'y croyait plus en sûreté.

    Il sut ainsi, pendant plusieurs années, échapper à toutes les poursuites. Mais le Dimanche 26 avril 1795, au moment où il allait célébrer la messe à la ferme de la Grande Guyonnière en Chéméré-le-Roi, il fut arrêté par un détachement de soldats et de gardes nationaux de Ballée. Qu'une dénonciation avait mis sur ses traces. En même temps furent arrêtés le fermier nommé Leduc et son fils aîné âgé de 16 ans. Les soldats résolurent de conduire leurs prisonniers à Laval et se mirent avec eux en route pour cette ville.

      Arrivés au bourg de la Cropte, le détachement s'arrêta pour dîner et enferma l'abbé Bachelier et ses deux compagnons dans un toit à porcs. Après leur repas arrosé, paraît-il, de copieuses libations, les soldats retirèrent leurs captifs du toit à porcs et reprirent le chemin de Laval. Mais ils n'avaient pas quitté le territoire de la commune qu'ils s'arrêtèrent à nouveau. Craignant que leurs prisonniers ne fussent graciés par le tribunal de Laval, ils se jetèrent sur eux, les percèrent à coups de baïonnettes, les dépouillèrent complètement, puis, les laissant sur le terrain, retournèrent à Ballée.

    L'abbé Bachelier et Leduc père étaient morts ; mais le jeune Leduc* respirait encore. Revenu à lui après le départ de ses meurtriers, il se traîna péniblement jusqu'à la ferme la plus proche dont les habitants, émus de pitié, le recueillirent, lui donnèrent généreusement les soins que réclamait son état et le tinrent caché jusqu'à sa complète guérison. Mais la commotion morale éprouvée par le jeune homme avait été telle, que pendant de longs mois, il resta dans un état complet de prostration et que sa raison, en fut profondément altérée pendant plusieurs années.

    Quant aux cadavres de l'abbé Bachelier et de Leduc père, ils furent inhumés la nuit suivante dans le cimetière de Saint-Denis-du-Maine. On dit que plus de cinq cents chouans assistèrent à cette sépulture. »

     

      Les auteurs de ce massacre d'une sauvagerie inouïe : La garde nationale et les républicains de Ballée, les Chasseurs de la 6ème demi-brigade d'infanterie légère.

     

    * Jean-René Leduc a survécu à ses blessures, il est décédé à Chéméré-le-Roi le 18 mars 1852 où il était propriétaire. 

     

    Sources:Archives Départementales du département de la Mayenne tous droits réservés; bases monographiques communales de la Cropte, vues 15,16/19. Les registres paroissiaux et d'état civil de Chéméré-le-Roi et de Préaux. Cadastre de 1834 Chéméré-le-Roi, la Grande Guyonnière, tableau assemblage vue 1/1 – Géoportail, la Grande Guyonnière aujourd'hui – Article de la Maraîchine Normande du 20 août 2015 - Photo de l'auteur.                                                                     

                                                             

    Xavier Paquereau pour Chemins Secrets 

     

     

     

     

     

     

     


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    Les chroniques de Jacques Chauvet, N° 29…

     


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    Le martyrologe du Bressuirais…

     

    Cet article sera complété au fur et à mesure des trouvailles dans les registres des archives départementales des Deux-Sèvres, qui on le sait sont très parcellaires. J’invite les « Amis du Pont-Paillat » et les chercheurs de ce petit coin à venir compléter cette liste par des noms qui n’ont jamais été cités auparavant dans les ouvrages et articles consacrés aux villes et villages du Nord du département des Deux-Sèvres.

    RL

    Juin 2017

     

    1)   Bressuire, pour Noirterre. Reconstitution de l’Etat-Civil disparu, 1791-1816, année 1792, acte pour 1794 daté du 16 juillet 1817.

    «  Le dit Jean Pennetier voulant faire constater le décès de Jacques Robin (Bobin ?) bordier et de Marie Angélique Pennetier son beau-frère et sa sœur il nous présentait pour témoins les mêmes individus dénommés cy dessus (d’après l’acte précédent) lesquels ont déclaré que les dits Jacques Robin et Marie-Angélique Pennetier ont été assassinés en cette commune le vingt mai mil sept cent quatre vingt quatorze et qu’il ne fut point rédigé acte de ces décès acause des troubles de la Vendée. A lecture donné au comparant ainsi qu’aux témoins ils ont déclaré ne savoir signer. »

     

    2)   Ibidem pour Saint-Aubin-du-Plain.

    « Louis Antoine Niort, cultivateur âgé de soixante ans demeurant à Méchoux (Rocheroux ?) de cette commune lequel à dit que voulant faire constater le décès de Louise Billi sa première femme il nous avait présenté pour témoins Jacques Chiron propriétaire âgé de soixante ans et Louis Grimault sabotier âgé de soixante ans tous deux tous deux demeurant en ce bourg lesquels ont déclaré et affirmé que la dite Louise Billi première femme dudit Niort fut assassinée par les armées sur la commune de Saint Aubin du Plain dans le courant du mois d’août 1794, qu’il ne put être rédigé acte de ce décès acause des troubles de la Vendée et après lecture donnée aux comparants de leur déclarations ils ont tous signé et approuvé... (illisible).

    Louis Antoine Niort, Jacques Chiron, Grimault. »

     

     

     

    Le martyrologe du Bressuirais....

     


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    Perrine Dugué, victime des Chouans ou d'un hussard ? 

     

     

     

     


    Perrine Dugué....Un nouvel éclairage nous est apporté sur cette affaire par Monsieur Chanteloup, instituteur à Thorigné-en-Charnie dans les monographies des communes de la Mayenne en 1899.

      En effet, il existe deux versions des faits : une version politique dans laquelle Perrine Dugué aurait été sabrée par des chouans ayant trouvé dans ses chaussures des correspondances républicaines et une version plus sordide dans laquelle un hussard républicain aurait voulu abuser d'elle et devant sa résistance l'aurait tuée et fait piétiner par son cheval.

     

    « Née à Thorigné-en-Charnie le 10 avril 1777 d'une humble famille de cultivateurs, Perrine Dugué fut assassinée le 22 mars 1796, dans des circonstances restées mystérieuses, au milieu des troubles de la chouannerie Mancelle.

     

    Les Dugué, ses parents, partisans acharnés des idées révolutionnaires, passaient pour avoir commis sur les Vendéens fugitifs, lors de la déroute du Mans, les plus odieuses cruautés. Malgré son sexe et son âge, Perrine n'était pas exempte de tels soupçons. 

    On accusait la jeune fille d'entretenir des intelligences avec les soldats du cantonnement caserné dans l'église de Thorigné ; d'espionner les chouans et de les dénoncer aux autorités Républicaines.

     

    Perrine avait cinq frères dont deux se trouvaient incorporés dans les compagnies franches chargées de défendre contre les chouans la petite ville de Sainte Suzanne, distante de Thorigné d'environ trois lieues.

     

    Le mardi Saint, 2 germinal an 2, (22 mars 1796), la jeune fille résolut d'aller en cette ville porter à ses frères des correspondances et des provisions. A moitié route, sur les confins des deux communes de Thorigné et de Saint-Jean-sur-Erve, dans une plaine immense plantée de bruyères et d'ajoncs, et nommée lande de Blandouet, elle fut arrêtée et massacrée.

    Par qui et comment ? Les uns disent par trois chouans en vedette, qui l'ayant fouillée et ayant trouvé une lettre cachée dans sa chaussure, l'auraient pour ce fait frappée sans merci. Les autres, par un cavalier républicain qui, après avoir pris avec elle certaines libertés, pour se venger de ses résistances l'aurait abattue et piétinée sous les sabots de son cheval. Cette version est la plus populaire ; la première paraît plus historique ; mais sur l'une comme sur l'autre, nul ne saura jamais la vérité.

     

    Ce qui est bien certain, c'est que le lendemain matin, on trouvait Perrine ensanglantée, mutilée et râlant dans le fossé du chemin. Quatre jours plus tard, elle était inhumée dans le champ voisin. Tout de suite l'imagination populaire en fit une martyre, une sainte, une thaumaturge.

    En même temps la politique et la superstition s'emparant de l'événement, l'accaparaient à leur profit et introduisaient la néo-sainte dans leur étrange calendrier. Une sainte qu'on avait vu monter au ciel avec des ailes tricolores, le cas était nouveau et méritait qu'on s'en occupât.

    On s'en occupa. De tous côtés au bout de peu de temps, les foules affluèrent sur son tombeau. Infirmes ou malades, confiants dans la puissance curative de Perrine ; dévots naïfs qui ont besoin de croire et de prier n'importe comment, oisifs attirés par la nouveauté du spectacle, esprits déséquilibrés en quête d'étrange et de mystérieux pèlerins de la souffrance, de la crédulité ou de simple curiosité, ce fut pendant près de 18 mois en pleine Révolution, un concours immense, journalier, invraisemblable.

    Des prières, des oraisons, des complaintes et... furent composées, colportées, adoptées vingt lieues à la ronde. Le mercantilisme naturellement s'en mêla, aubergistes, vendeurs de cierges, marchands d'ex-voto, chanteurs ambulants, tous les professionnels de l'occasion rivalisèrent pour exploiter le côté commercial de l'affaire. Un tronc placé par la famille auprès du tombeau, reçut d'assez larges offrandes pour permettre de bâtir, à quelque distance, une chapelle qui subsiste encore.

      Les restes de l'infortunée Perrine y furent transférés vers le mois de septembre 1797. La translation se fit la nuit, devant de rares témoins et dans le plus grand silence, par crainte des chouans qui inquiétaient encore le pays.

      Une pierre blanche placée sur la fosse porte cette épitaphe d'une orthographe  naïve :

    ICI ES ANTAISRE

    LE CORPS DE

    CITOYENNE PERRINE

    DUGUE DE LA COMUNE

    DE THORIGNAY DECEDE

    LE 22 MARS 1796 V.S

    AGEE DE 17 ANS

    REQUIESCAT IN PACE

     

     

    Mais chose singulière ! À peine la Sainte eut-elle pris possession de son sanctuaire que son culte ralentit. Les prétendus miracles cessèrent comme par enchantement. Peu à peu l'enthousiasme des foules se refroidit, les pèlerinages se raréfièrent, et les manifestations populaires finirent pas s'éteindre entièrement.

    Bien que très secondaire en lui-même, cet épisode de la chouannerie Mancelle n'en offre pas moins un intérêt au point de vue local. Aussi l'histoire ne l'a t'elle pas dédaigné.

    Sans parvenir à percer le mystère de cette mort tragique, des historiens Manceaux, comme Boullier, Gérault, de la Scotière, Lepelletier, etc... ont raconté le sinistre événement et signalé la légende et le culte bizarre qui en sont issus.

     

    La pièce inédite qui va suivre comble en partie la lacune de l'histoire. Malgré sa sobriété de détails elle jette un jour nouveau sur l'étrange dévotion de Perrine Dugué.

    On y voit que les pèlerins se munissaient de cierges, qu'ils les laissaient dégoutter sur le sol voisin du tombeau, qu'avec la terre mélangée à ces gouttes de cire ils formaient une espèce de boulette dont ils se frottaient le corps en tous sens, et qu'enfin ils se prosternaient à plat ventre sur la tombe de la bienheureuse, laquelle ne pouvait mieux faire que d'octroyer à tous ces clients guérison et santé.

    Ecrite à Vallon, le 23 juillet 1797, la lettre qu'on va lire fut adressée par une de ses paroissiennes à l'abbé François Pineau, curé de Vallon, déporté en Espagne pour refus de serment et résident à Tuy en Galice :

     

     

    Monsieur et cher Pasteur (copie textuelle).

     

    Voilà dans nos contrées d'autres nouvelles. Il semble que presque tous les peuples sont devenus frénétiques, et qu'ils vont tête baissée se précipiter d'erreur en erreur. Il est arrivé, il y a un an, dans la semaine Sainte qu'une fille de 16 à 17 ans fut massacrée dans la lande de Blandouet par les chouans, parce que, disent-ils, elle allait porter des provisions à des frères qu'elle avait et qui étaient réfugiés à Sainte-Suzanne.

    Depuis six mois, le patriotisme l'a mise au nombre des Saints. Elle fait, disent-ils tous les jours des miracles, si bien que c'est sur concours de peuples qui vient sur sa fosse, par troupes, souvent de mille à quinze cents, de tous côtés. Il y a un habitant du Mans qui est allé y faire une cabane pour y vendre des vivres. Ils y vont de tous côtés, ils y vont en voiture, quelquefois pas plus de vingt ou trente charges de provisions et de gens estropiés, autant de cervelle que de corps (la charge était une unité de poids ; sa valeur ne dépassait guère 400 livres). Ils portent tous des cierges : Ils prennent de la terre et des dégouts (sic) de la cire, et font des boules, se frottent le corps avec, et se couchent sur la fosse. Enfin, ce que vous ne croiriez pas, c'est que le sieur Rocher y est allé avec ses trois filles ! Quand il a été revenu, il a dit qu'elle avait fait un miracle en sa faveur ; qu'il avait une main dont il ne s'aidait guère, et qu'il l'avait bien plus libre. Il ne me l'a pas dit, car ils disent que je suis incrédule et les gens qui les blâme, ils leur en veulent.

    Enfin, vous me l'aviez bien dit que je ne connaissais pas le monde, et que toutes les têtes étaient bien mal montées. »

     

    (extrait de la Province du Maine par l'abbé Contard,curé de Vallon -Sarthe). 

     

       Complainte sur la mort de Perrine Dugué (Air de l'enfant prodigue : Je suis enfin résolut etc........

     

    Chrétiens venez écouter

    L'histoire de Perrine Dugué ;

    Thorigné et son village

    Agée de près de dix sept ans,

    Cette belle fille sage est séduite au monument.

     

    Aux landes près de Blandouet

    En chemin comme elle étoit

    Allant à Sainte-Suzanne

    un fripon l'a arrêtée,

    Tout en lui cherchant chicane

    Il voulait en abuser

     

    Elle, saisie de frayeur

    Lui dit en versant des pleurs

    Coeur perfide et cœur infâme

    J'aime mieux cent fois mourir

    Que de perdre ma pauvre âme Consentant à ton désir.

     

    Aussitôt ce scélérat

    A grands coups l'a mise à bas

    En lui fendant la cervelle

    Comme un enragé brutal

    Lui coupant une mamelle,

    L'écrasant sous son cheval.

     

    La place où il l'a laissée

    C'est où elle est enterrée,

    Dieu en a fait son oracle

    Pour montrer sa sainteté

    Elle fait souvent miracle

    A qui va la visiter.

     

    La priant dévôtement

    Elle obtient soulagement

    A tous nos maux et misères,

    Prions Dieu sur son tombeau

    Qu'il accepte nos prières

    Par un prodige nouveau.

     

     

    Perrine Dugué....

     

    La gravure sur bois de Pierre-François Godard gravée à Alençon en 1796, représente la jeune fille marchand avec son panier. A sa gauche est représenté son meurtre par un hussard, et à sa droite la guérison d'un malade qui lâche ses béquilles...

     

    L'imagerie populaire représente Perrine Dugué se faisant sabrer par un hussard et non par des chouans. Le fait d'accuser les chouans ne serait-ce pas déjà, une tentative de désinformation, spécialité républicaine...... ; à l'instar du gros mensonge concernant l'affaire Joseph Bara ?...

     

    Perrine Dugué....

    Sources : Archives Départementales du département de la Mayenne tous droits réservés ; bases monographiques communales deThorigné-en-Charnie vue n°16/22 – Registres paroissiaux et état civil de la commune de Thorigné –  Gravure sur bois de Perrine Dugué de Pierre-François Godard, gravée à Alençon en 1796 – Photos : Gazette des Armes n°80 mars 1980 - uniforme hussard 1786 - Hussard de Bercheny , gouache du Colonel Barbier -1789.

                                                              

     

     

    Xavier Paquereau pour Chemins Secrets 


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    Chouannerie, Montigné-le-Brillant, le 6 Fructidor de l'an 2

     

     

                       

    Chouannerie, Montigné-le-Brillant....  « Nous sommes arrivés à l'époque la plus tourmentée de l'histoire de Montigné... On chouanne dans les environs de Saint-Ouens-des-Toits. La révolte a gagné les deux cantons de Laval et les habitants des communes rurales, cultivateurs en leur ordinaire, font le coup de feu lorsque les y invitent leurs chefs. Place-Nette pour Montigné et Ahuillé; Brise-Bleu (Montgazon) pour l'Huisserie. Voici copiés dans le livre de Duchemin des Cépeaux intitulé ''Souvenirs de la chouannerie : Laval-Feillé-Granpire 1852''. Les notes concernant Montigné. On remarquera que cette commune joue un rôle passif dans l'insurrection...

      Après la prise du poste de Cosme, les chouans attaquèrent successivement Quelaine, Ahuillé et Montigné qui furent forcés presque sans combat. Le cantonnement de Montigné, averti de l'approche de l'ennemi se retira précipitamment sur Laval. Mais quand il partit, plusieurs de ses soldats étaient allés faire provision de fruits dans un parc qui touche le bourg. Laissés là par leurs camarades qui  ne prirent pas le temps de les rappeler. Ils furent dénoncés aux Chouans. Ceux-ci coururent aussitôt garder toutes les issues du parc qui était clos de murs, puis plusieurs d'entre-eux se lancèrent à la poursuite des maraudeurs. . Ainsi surpris sans armes ils ne pensèrent qu'à fuir ou à se cacher dans les broussailles, mais la fuite les amenait aux pieds des murs d'enceinte qu'ils ne pouvaient franchir et ceux qui se cachaient dans les broussailles ne tardaient pas à être dépistés par l'ennemi. Ce fut alors une horrible chasse à l'homme. Les fuyards, traqués et relancés sans cesse, courraient ça et là, faisant entendre leurs cris de détresse à travers la fusillade jusqu'à ce qu'ils tombassent par les balles des traqueurs. A la tête de ceux-ci était Mousqueton. A chaque Bleu abattu, il poussait de féroces acclamations et allait achever les Bleus à coups de sabre. Aucun ne devait échapper, cependant, il s'en trouva un, plus âgé que les autres qui parvint à escalader le mur d'enceinte et allait être sauvé quand un de ses camarades l'appelle à son aide ; il reste à l'attendre, se penche pour lui tendre la main ; au même instant tous deux atteints par la même décharge tombent au pied de la muraille, frappés mortellement. Le vieux chouan Coeur-de-Roi en me racontant ce fait me disait : ''Cela me fit quelque chose de voir tuer ce Bleu qui s'était montré secourable au risque de sa vie et j'en fus quasiment malade tout le jour''.

    Chouannerie, Montigné-le-Brillant....

     

      Le 13 avril 1794, les Républicains retranchés dans l'église de Nuillé et mal gardés sont mis en fuite par les Chouans. Ces derniers, pleins de confiance, marchent immédiatement vers Ahuillé.... Toute la troupe partit en chantant et tiraillant des coups de fusils comme si elle allait à une noce. Elle passa ainsi au bourg de Montigné qui n'avait pas de garnison républicaine et s'y arrêta longtemps à boire. Enfin, toujours criant et chantant elle arriva en vue du bourg de Ahuillé. L'ennemi était sur ses gardes. Dès qu'il aperçu les Chouans, il se retira par le chemin de Cossé et les Chouans, sans défiance se répandirent dans le bourg. Des renforts arrivaient de Cossé aux Républicains qui reprennent Ahuillé. Les Chouans en débandade, s'enfuient vers Montigné...... La voix rugissante de Moustache, Jean Bezier** se fit entendre, c'était lui qui soutenait seul le feu et jusque là pas un Bleu ne l'avait encore approché impunément. On ne tarda pas à l'apercevoir ; il faisait face à l'ennemi reculant lentement en prenant pour rempart chaque arbre, chaque buisson.... Les Chouans avaient eu là une dure journée, ils comptaient environ trente blessés et plusieurs morts.

     

      ** Jean Bezier, dit Moustache est né le 11 janvier 1750 à Grenoux. Il est le fils de René Bezier et de Jeanne Mérias.

    Nommé colonel de l'Armée Royale du Maine ; il reçoit l'ordre Royal et Militaire de Saint-Louis des mains du futur Charles X à l'Île d'Yeu en 1814. Il porte le titre de Chef de la 4e Division de l'Armée Royale de la Mayenne. Il est décédé le 10 juillet 1815 à Montigné-le-Brillant. 

     

      Ces petits combats n'avaient qu'une importance médiocre  relativement aux carnages des frontières mais ils immobilisaient des troupes républicaines et empêchaient le recrutement dans notre région où pullulaient les réfractaires. Dans l'esprit de ces égarés, l'idée de patrie n'était pas très nette. La République les eût pris et envoyés à la frontière. Puisqu'il leur fallait combattre ils préféraient le faire auprès des leurs, contre les Parisiens, des Bourguignons..... qui, à leurs yeux mal déssillés, étaient des étrangers . Ils luttaient donc au milieu de leurs grands genêts, qui leur offraient un sûr asile, encouragés par le sentiment public de leurs paroisses, approvisionnés par leurs mère, leurs femmes, ou leurs fiancées, fusillant sans remords, martyrisant quelquefois (qu'auraient-t-ils fait des prisonniers?) des Français comme eux.

     

      Les Chouans couraient beaucoup moins de dangers qu'aux frontières. Connaissant admirablement le pays, ayant un espion dans chaque paysan, ils surprenaient et massacraient les Bleus  mal gardés. Trop faibles en nombre, ils savaient se défiler et, placides, reprendre leurs occupations journalières. Presque toujours, dans les escarmouches, ils n'éprouvaient que des pertes insignifiantes comparativement à celles subies par les Bleus.

      Pendant que les hommes honnêtes combattaient ainsi plus ou moins loyalement, la tourbe qui ne rêve que désordre, qui pille lors d'un incendie, d'une inondation, s'en donnait à cœur joie. Plus de police dans les campagnes, donc plus de sécurité. Pendant les années 2,3 et 4 de la République, il y eut à Montigné des assassinats commis à coups de fourche, de sabre ou de fusil. Dans un même jour 6 fructidor an 2 on trouve dans le Vicoin près le pont de la Boëte les cadavres de Jean Gougeon de la Boëte (74 ans, beau-père de F Bariller, maréchal à la Roche) et de Jean Cottereau du Tertre (le 9 avril 1771 à Montigné, mariage de Jean Cottereau, garde chasse de Mr de Mottejean natif de Saint Ouen des Toits) veuf de Jeanne Dutan avec Françoise Bobon, en présence de Louis Cottereau, fils de l'époux). Et dans le champ du Rocher, près de la Forte-Ecuyère, le cadavre de René Aubry, maréchal au bourg et mari de Jeanne Guilleux*. Tous trois ont été assassinés les deux premiers ont eu le cou coupé avant d'être jetés à l'eau.

     

      Assassinats commis à Montigné en 1794-1795.

      Le 24 germinal an 2 de la République : Assassinat de René Lemoine, marchand de Cossé, tué à coup de fusil sur la grande route près de la Vieux-Cour.

      Le 2 fructidor an 2 de la République, Julien Lelardeux, closier au Noux est tué d'un coup de fourche dans un de ses prés.

      Le 6 fructidor an 2 de la République, assassinat de Jean Gougeon de la Boëte, tué à coups de sabre et jeté dans l'eau près le pont de la Boëte.

      Le 6 fructidor an 2 de la République, Assassinat de Jean Cottereau, closier au Tertre, tué à coups de sabre et jeté dans l'eau près le pont de la Boëte.

      Le 6 fructidor an 2 de la République, René Aubry, maréchal au bourg, est tué à coups de fusil dans le champ du Rocher près de la Forte-Ecuyère.

      Le 6 Vendémiaire an 3 de la République, Anne Landais femme Fleury est tuée à coups de sabre dans sa maison de la Ruffinière.

      Le 6 Vendémiaire an 3 de la République, Renée Rolusseau, domestique de la susdite est tuée de la même façon et au même lieu.

      Le 21 vendémiaire an 3 de la République, Fr.Guérin, fileur de laine, de Laval est tué à coups de sabre près le pont de Grenoul, grande route, à l'intersection de la grande route et du chemin de la Lande au Fileux.

     

      De ces crimes ont ne peut accuser ni les Chouans, ni les Républicains, mais des gens sans aveux sachant, suivant les circonstances prendre l'une ou l'autre étiquette. Le maire, Joseph Guilleux*, craignant pour sa vie, dut se réfugier à Laval  à partir du 5 thermidor an 4 et ce, pendant un an, les actes de mariages de la commune de Montigné sont dressés à Saint-Berthevin, chef-lieu de canton ; par ''Gilles-Guillaume Filoche, adjoint municipal de Saint-Berthevin, en l'absence de Joseph Guilleux, officier public de l'état civil de Montigné réfugié à Laval'' extraits des registres des actes de l'état civil. »

    Chouannerie, Montigné-le-Brillant....

     

      Donc le samedi 23 août 1794, le 6 fructidor de l'an 2, trois habitants de Montigné-le-Brillant sont exécutés ; les deux premiers à coups de sabre à dix heures du soir et le dernier à coups de fusil vers deux heures du matin. Cela ressemble terriblement à un règlement de comptes... Ces trois hommes sont pratiquement voisins et domiciliés près du ruisseau nommé le Vicoin.

     

      *D'autre part, Jeanne Guilleux*, épouse de René Aubry, né le 18 juillet 1757 à Montigné, maréchal ferrant, tué à deux heures du matin d'un coup de fusil, est la sœur du maire Joseph Guilleux, un républicain... Ils sont les enfants de Joseph Guilleux et de Jeanne Landais.  

     

      Alors ? un coup des Chouans  ??

      

     

    Sources :  Archives Départementales du département de la Mayenne tous droits réservés; bases monographiques communales de Montigné-le-Briant, plan, vue 14/42 et vues n° 34,35,36. Registres des décès de Montigné-le-Brillant vue 82/185. - Photos de l'auteur.                                                                     

                                                             

     

    Xavier Paquereau pour Chemins Secrets 


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