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     Trayes

     

     

        Trayes est lui aussi un minuscule village de 130 habitants. Le panneau d’entrée et de sortie d’agglomération sont si proches, que cela en frise la caricature. Pourtant, ses espaces verts traversés d’un magnifique petit ruisseau lui donnent beaucoup d’attrait.

     

    La légende du « Roc de Saint-Fort » est l’une des grandes curiosités locales également. Le nom du village proviendrait de « Trée », un passage à gué qui existait avant le pont qui enjambe le ruisseau.

     

    Sa superbe petite église, était jadis voisine d’un château aujourd’hui disparu. Elle possède la pierre tombale d’une Damoiselle Claude de la Court décédée le 4 octobre 1661, épouse de Louis Hanne, seigneur de Trayes. L’église fut achetée au XI° siècle par l’abbaye de Bourgueil. Au moment de la Révolution, son curé, M. Glatron fit le voyage à Poitiers pour l’assemblée du clergé de 1789. Il donna dans le favorable aux idées révolutionnaires. Au XIX° siècle, l’église fut reconstruite.

     

     

    RL

    Mai 2011

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    Beaulieu-sous-Bressuire,

    Un souvenir de l’abbé

    Jottereau...

     

     

       Beaulieu-sous-Bressuire, nous dit la marquise de La Rochejaquelein dans ses mémoires (Ed. Bourloton, P. 123) refusa de tirer « à la milice » en avril 1793, comme dans la plupart des paroisses de Vendée Militaire. Le jour du tirage, il n’y avait que des femmes dans le village. Les républicains avertissent que si le lendemain, aucun homme n’est présent, ils incendieront le village. Le lendemain, il n’y ni hommes ni femmes présents et le village est incendié…. La même chose aurait dû se passer à Saint-Sauveur-de-Givre-en-Mai, mais les troupes royalistes purent arriver à temps.

     

    C’est à cette date, qui correspond au mois d’avril 1793 que l’abbé Jottereau fut massacré par les soudards de la république. Sa tombe existe toujours dans le cimetière du village, refaite et toujours entretenue et fleurie. Il n’est point besoin de preuves pour dire que le régime de la Terreur n’est pas le fait de Robespierre mais bien du départ même de la révolution….

     

    En Janvier 1794, la colonne infernale de Grignon manquera de faire fusiller les officiers municipaux… On passe tout près du même scénario qu’à Saint-Aubin-du-Plain (voir notre article sur ce village)….

     

     

    RL

    Mai 2011

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    L’abbaye de Fontdouce

     

     

    Sise en Saint-Bris-des-Bois près de Saintes, l’abbaye de Fontdouce fut fondée en 1111. Elle donnera naissance à une abbaye fille, La Grainetière près des Herbiers qui elle-même donnera à son tour naissance à l’abbaye de Blanche-Couronne en pays nantais.

     

    Si la première abbatiale romane est curieusement toujours debout, la seconde est totalement ruinée. Il subsiste néanmoins une salle capitulaire à six piliers, l’une des plus vastes de France, et un parloir qui nous amène dans les merveilles du jardin où l’eau est reine. Les sarcophages du vieux cimetière des moines ne servent plus guère de refuges qu’à quelques lézards, faisant bruisser les feuilles mortes tombées où reposèrent de saints ossements pendant des siècles. La gigantesque « salle des moines », jadis enterrée par le temps et l’oubli est en cours de réhabilitation.

     

    Lieu de paix par excellence, à peine troublé par le chant des oiseaux et l’écoulement continuel de l’eau, Fontdouce est l’un de ces lieux que l’on visite discrètement et qui  laisse une intense sensation de bonheur.

     

    La vocation première d’une abbaye étant la communion avec le ciel, quoi de plus beau qu’une abbaye sans toit ?

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  • Nueil, Les Aubiers…

    Vieux pays, vieilles histoires...

      

      Combien de combattants sont passés sur cette route ? Y sont-ils morts ? Et le vieux puits là-bas,  que recèle-t-il comme lourd secret ? La Vendée pose bien plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. Pourtant, la première découverte à faire, est certainement celle des lieux où se sont passés les événements. Même si ceux-ci ont quelquefois changés radicalement depuis deux siècles, il n’en reste pas moins une très forte impression. Ruines de châteaux dévorés par les flammes, villages perdus qui exhalent des parfums de souvenir, croix anonymes au bord des chemins, moulins héroïques dans l’air du soir. Et cette Loire au cours majestueux, et cet océan, inexorable, au bleu profond et infini, et ces reliefs impressionnants, Mont  Mercure, Mont des Justices, Puy de la Garde. La Vendée Militaire, la Grande Vendée, mérite bien un pèlerinage.

    Maintenant, continuons, si vous le voulez bien, notre tournée dans le pays Bressuirais. Nueil et  Les Aubiers sont deux villages si proches l’un de l’autre qu’il serait maladroit de dissocier leurs histoires. Faisons fi des vieilles querelles de clocher qui ont animé quelquefois les rives de la scie et plongeons nous dans le passé. Monsieur Henri rendit célèbre la paroisse des Aubiers par ce combat du 13 avril qui, enfin, réveilla le Bressuirais. Quant à Nueil, qui n’a jamais entendu parler du « Bois des Chèvres » ? Cet endroit vit deux défaites vendéennes : Le 3 juillet 1793, Lescure essuie un échec qui rendra Westermann maître de Châtillon pour quelques heures, et le 9 octobre,  nouvelle déroute devant Chalbos flanqué du « boucher de la Vendée ». Nueil, les Aubiers et Rorthais  seront d’ailleurs incendiés suite à cette dernière affaire, tout comme la Durbelière (1). Aujourd’hui, le « Bois des Chèvres » peut paraître sinistre, surtout en hiver, et gageons que le visiteur audacieux croira voir à chaque pas un chapeau « raballet » sourdre des buissons… Ce lieu se trouve au sud de Nueil-les-Aubiers , tout près de la nationale 149, en direction de Cerizay. Il porte l’altitude 188 sur la carte Michelin. Un autre point de visite de Nueil ne doit pas être occulté : L’église. Au fond de la nef, à gauche, le tableau de la Crucifixion subit vingt deux impacts de balles républicaines. En regardant de près la toile on les devine encore malgré les réparations. En face de ce tableau, sont énumérés les  noms  de 85 victimes de Nueil dont :

    Rotureau Marie-Anne, 50 ans,

    Chatin Jeanne-Thérèse, femme Rotureau 32 ans,

    Chatin François, 7 ans,

    Chatin N, 3 mois,

    Paineau Louis, sabotier, 36 ans, massacré au village de Fontaine Amère,

    Paineau Marie-Anne Bouet, femme 39 ans,

    Paineau Marie-Anne, 10 ans,

    Paineau Marie, 8 ans,

    Paineau Jean-Baptiste, 6 ans,

    Paineau Jeanne-Françoise,

    Paineau, veuve, 24 ans,

    Ménard Marie-Anne, domestique, 29 ans,

    Echasseriau Marie-Geneviève, femme David, massacrée au village de la Noue-Ronde.

     

    Tous ces brillants faits d’armes sont l’œuvre du général Grignon le 14 mars 1794, et l’on peut penser à voir les noms qui précèdent, que la Convention avait à cette époque une certaine conception de la famille…  A toutes fins utiles, précisons que dans la paroisse voisine des Aubiers, sur 143 victimes de la guerre, dont 76 par les colonnes infernales, on en dénombre 43 ce même 14 mars. « Point n’est question de confondre ces horreurs avec la République » vous dira-t-on aujourd’hui. Mais qui donc les avait ordonnées ? Et au nom de quoi ?

    Une figure célèbre de Nueil, le curé Barbarin, nous a laissé des mémoires très intéressants qui nous en apprennent beaucoup sur ce qu’a pu être l’exil des prêtres pendant la Révolution.(2) Malgré les malheurs qu’il raconte dans son journal, malgré une seconde déportation pour refus de concordat en 1805, Guillaume Barbarin ne deviendra jamais républicain. Il mourra loin de sa chère paroisse, et sans laisser la moindre trace sur la fin de sa vie. Le vicaire de la paroisse, Dézanneau, sera quant à lui, déporté à Cayenne. Un autre personnage de Nueil-sous-les-Aubiers,(3) ne doit pas être oublié : Pierre Chabauty, né en 1774, fut capitaine de la paroisse et compagnon de Monsieur Henri. Il mourut le 27 janvier 1857.

     

    Aux Aubiers, s’il est un château qui doit avoir vu se passer bien des choses, ce doit être celui de « Caphar ». Ce logis fut l’un des premiers refuges du curé Barbarin, traqué en 1791 pour refus de serment (4). Ce château se trouve à droite en arrivant aux Aubiers par Nueil. Il faut suivre la rue nommée : « Allée de Caphar », c’est une propriété privée.

    Dans la soirée du 24 avril 1791, vers neuf heures, le curé Barbarin, à peine échappé d’une arrestation, s’en va « bourner » à la porte du château. Le fils de monsieur d’Houdan, alors âgé de douze ans, ouvre et conduit le prêtre auprès de ses parents qui décident de le cacher chez une mademoiselle Morna. (5) Ce très beau logis était devenu la propriété d’Alexandre Mignot d’Houdan par son mariage avec Marie-Madeleine Chauvière en 1770. Ce sont des amis intimes de Guillaume Barbarin. Leur fils qui épousera Aimée Le Maignan de l’Ecorce et mourra en 1864, aura lui même un fils qui deviendra maire des Aubiers de 1878 à 1884. Il mourra sans descendance.

     

    Nueil et les Aubiers....

     

     

     

    Lors du combat du 13 avril, les bleus s’étaient réfugiés près de Caphar avant d’être délogés avec perte et fracas. (6) Afin de rafraîchir les mémoires, rappelons brièvement ce combat : Henri de La Rochejaquelein est à la tête des nouvelles troupes qui vont être si utiles à l’armée d’Anjou. Après un sévère accrochage avec les gars des Echaubrognes, le général Quétineau est venu occuper les Aubiers. (7) Les bleus en surveillance dans le clocher ne voient pas encore venir de St Aubin et Châtillon ce qui sera pour eux une cuisante déroute. Arrivé en vue du bourg, à « La Grenulière », M. Henri fait diviser ses troupes en deux colonnes. L’une se dirigeant vers Nueil, l’autre par la route de Maulévrier aux Aubiers. Manœuvre en  tenaille très bien étudiée, les seules issues possibles demeurant les routes d’Argenton-Château et de St-Clémentin. (8) En arrivant au « Champ des Justices », (9) les hommes de « L’Achille de la Vendée » rencontrent un cavalier criant « Vive la République !», ils ne savent pas encore qu’il s’agit du général Chambon.

     

     Ce dernier est terrassé d’un coup de fusil  et ses armes prises. Les paysans « s’égaillent » derrière les haies au cri de « Vive le Roi ! » (10), tandis que les bleus se regroupent dans le cimetière (11) et se font tirer à vue comme de vulgaires lapins. Henri, embusqué dans un jardin aurait tiré à lui tout seul plus de deux cents coups de fusil ! Les bleus, essayant toutefois de garder contenance, décident de se retrancher en direction de Caphar. C’était sans compter sur l’explosion de deux caissons de munitions qui jettent la panique dans leurs rangs. (12) Les Vendéens, voyant cette manœuvre rétrograde et Henri qui s’écrie « les voyez- vous qui fuient ! », se ruent à l’assaut des positions ennemies ou de ce qu’il en reste. Quétineau  ne peut plus tenir et entame une retraite qui se transforme en véritable débandade. Des trois canons et deux couleuvrines qui composaient l’artillerie, les républicains auront perdu trois pièces (13), des fusils et munitions, et deux caissons. Selon Jacques Poirier (14), les bleus auraient fait tomber un canon dans la rivière de la « Scie » entre les Aubiers et Nueil. Bilan humain pour la République: 30 prisonniers (dont le commandant du détachement de St Jean-d’Angély) et 130 tués ou blessés. Les soldats de Quétineau seront poursuivis jusqu’à Beaulieu-sous-Bressuire dans une indescriptible panique. Si indescriptible qu’il sera impossible au général républicain de faire établir une seule sentinelle en dehors de Bressuire !

     

     

    Nous voici maintenant propulsés, par les miracles de l’écriture, en 1799. Ce second combat des Aubiers, certes moins connu que le précédent, mérite toutefois toute notre attention. Au mois de juillet de cette année, de Rangot, Turpault, Renou et Forestier tentent un soulèvement peu suivi. En novembre, d’Autichamp, Suzannet et Adolphe de Grignon décident de tenter une opération sur Fontenay avec quatre à cinq mille hommes. Seulement voilà, sur le chemin de Fontenay, il y a Cholet, trop dangereux. On marche alors par Maulévrier sur les Aubiers. Le 4 novembre, la petite armée de d’Autichamp rencontre les quelque 250 hommes (15) du capitaine républicain Lavigne. Ce dernier se voyant en position d’infériorité fait réfugier sa troupe dans le clocher de l’église en prenant soin de pratiquer quelques meurtrières. Voyant cela, et voulant éviter une réédition de l’affaire de St-Cyr-en-Talmondais en 1795 (16), d’Autichamp décide de faire le blocus et de se contenter de tirailler à couvert sur le clocher. Les sommations de Renou des Aubiers ne feront rien qui puisse entamer la détermination des bleus (17). Le lendemain, le colonel républicain Hardouin se hâtant de porter secours à Lavigne, d’Autichamp laisse à La Béraudière la direction du siège et se porte sur Nueil au devant du renfort, pour tenter de le refouler. Hardouin dispose de 600 hommes, ce n’est pas assez pour soutenir le feu de 5000 vendéens, d’autant que Chetou et Renou sont déjà embusqués. C’est alors que d’Autichamp, sûr de sa manœuvre retourne aux Aubiers. Erreur fatale qui permet aux bleus de prendre le pont de Nueil et de se ruer à l’assaut des Aubiers. De plus les bleus ont déjà entrepris une marche à revers par les Aubiers,  Renou passe à l’attaque mais une balle lui fracasse la jambe. C’est la déroute dans les rangs Vendéens, la cavalerie sauve ce qui peut l’être, de l’encerclement et d’une sortie fort opportune des troupes de Lavigne restées dans le clocher. 5000 blancs auront fui devant 850 bleus et d’Autichamp, qui n’a pas l’étoffe d’un Charette ou d’un Stofflet écrira le 15 novembre une demande de paix au général Hédouville. Quel gâchis ! (18)

     

     

     

     

     

     

    Nueil, les Aubiers…

    Vieux papiers, vieilles histoires

    Seconde partie...

     

     

     

       Les gens qui connaissent le Bressuirais  savent que ce pays recèle bon nombre de chapelles de la Petite Eglise. La Plainelière en Courlay, Beauchêne en Cerizay (19), Le Puy-Thareau en Saint-André-sur-Sèvre, Cirières. (20) Beaucoup plus rares sont ceux qui sont instruits de l’existence de Richemond aux Aubiers. Nous allons essayer de vous en conter l’histoire. Mais avant d’aller plus loin, il convient de nous replacer dans le contexte de l’époque du concordat : Le curé des Aubiers, l’abbé Brunet a refusé le serment à Bonaparte. Il faut savoir qu’en 1804,  les deux tiers de cette dernière paroisse sont qualifiés de « dissidents » (21). C’est le curé Guéniveau de Combrand, qui vient officier aux Aubiers, et ce, jusqu’en 1811. Clément Grolleau, qui cumule les fonctions de sacristain, chantre, instituteur et cordonnier (!) organise la présence d’un service divin au village de Richemond sur la route de Cholet. C’est ainsi qu’un abbé Marquet (22) vient y dire la messe à partir de 1813, dans une ancienne grange de charron. Clément Grolleau est en relation directe avec Mgr de Coucy, évêque de la Rochelle. En 1851, sera construite la chapelle que l’on peut voir aujourd’hui.

     (Voyez pièces justificatives 1 et 2)

     

    En juillet 1822, arrive de Coutances en Normandie, un prêtre dissident du nom de Jacques Noël Fossey (23). Sa nièce, Cécile Brunet l’aide à s’installer aux Aubiers (24) avec une gouvernante. Cette dernière se nomme Marthe Joubin, elle épousera Clément Grolleau ; décidément que le monde est petit ! L’abbé Fossey décédera aux Aubiers le 24 avril 1834, à l’âge de 76 ans. Il est remplacé bientôt par un autre prêtre du diocèse de Coutances : Jean-Nicolas Osouf. Celui-ci avait  déjà réussi a former une entité anti-concordataire dans son diocèse. Soyons honnêtes, le curé Osouf n’est pas entouré d’une aura très élogieuse, notamment dans l’évêché de Luçon où il se réfugia après ses aventures de Normandie.(25) Cependant il arrive aux Aubiers sur demande expresse de Mademoiselle Cossin de Belletouche de Maulévrier qui soutient farouchement la dissidence.(26)

    Une anecdote bien singulière au sujet du curé Osouf se raconte encore du côté des Aubiers, les soirs d’hiver au coin du feu :

    Une nuit que l’abbé Osouf était appelé au chevet d’une malade au village de Richemond pour lui porter les derniers sacrements, il se passa quelque chose de fort étrange… Ayant administré la mourante, monsieur Osouf, s’apprête a s’en retourner chez lui. Le mari de la malheureuse se propose de le raccompagner, mais il refuse, alléguant que la place d’un père de famille était près de sa femme mourante et de ses enfants en bas âge. L’abbé Osouf s’en retourne donc, seul dans la nuit noire. Arrivé une bonne centaine de pas plus loin au croisement de la route de Maulévrier, un jeune homme paraît l’attendre. L’inconnu aborde Osouf et  lui dit d’un ton sévère : « Je croyais, monsieur le curé, qu’un prêtre ne devait pas sortir seul la nuit. » Le curé Osouf s’explique sur la raison de sa présence à une heure aussi tardive, sur une route aussi déserte et par un froid si vif. Le mystérieux personnage se met en route et l’accompagne jusqu’au bourg des Aubiers sans un mot durant tout le trajet. Une fois sur la place du champ de foire où demeure le curé dissident, ce dernier se propose d’offrir une boisson chaude à son accompagnateur. Le temps de grimper les marches de l’habitation, d’ouvrir la porte… Et voilà que le jeune homme a disparu ! Un léger nuage de vapeur se dissipait dans l’air glacial, l’inconnu s’était volatilisé ! On raconte par ici que c’était l’ange gardien du curé Osouf… J’ignore la véracité de cette anecdote, mais les vieux chemins du Poitou sont si bizarres quelquefois, surtout les nuits d’hiver…

    Pour en revenir à Richemond, cette petite chapelle attire une véritable foule dès sa construction. On y vient même, le dimanche, de Coron, de la Séguinière,(27) des Echaubrognes, de Saint-Aubin-de-Baubigné, de Chambroutet, de Saint-Aubin-du-Plain, de Saint-Clémentin et de Voultegon ! Quelques objets ayant échappés aux fureurs tricolores de 1794 sont conservés à Richemond : Chandeliers en bronze, encensoirs, lustres, burettes, un tableau représentant saint Mellene (28), une clochette et un tabernacle portant la date de 1717. L’abbé Osouf décède le 4 avril 1847 et fait de sa gouvernante, Louise Guernet, veuve Fontaine, sa légataire universelle (29). Ainsi s’éteint le dernier prêtre de la Petite-Eglise.

     

    En octobre 1891, lors du transfert des restes de MM. Fossey et Osouf dans le nouveau cimetière, on eut une singulière  surprise lors de l’exhumation des corps : Les ornements sacerdotaux qui couvraient les ossements étaient restés intacts malgré cinquante années passées sous terre !

     

     

     

     

    Notes :

     

    (1)   Mémoires de Madame de La Rochejaquelein, 1889, op. cit P. 253.

    Voyons, pour mémoire le rapport qu’en fait Chalbos : « Mon corps d’armée s’est mis en marche ce matin à 9 heures. Nous avons trouvé l’ennemi placé sur une hauteur ; la fusillade s’est engagée ; une colonne ennemie qui se portait sur notre gauche a été arrêtée par la brigade de Chabot et Legros ; une autre colonne qui se portait à droite a été repoussée par la brigade Lecomte et Muller. Le centre a suivi le mouvement ; le combat a duré depuis jusqu’à la nuit. Les rebelles sont dans une déroute complète et leurs repaires en feu. » Les représentants écriront, quant à eux : « L’armée de la République est partout précédée de la terreur ; le fer et le feu sont maintenant les seules armes dont nous fassions usage. » Jean Julien Savary, « Guerre des Vendéens et des Chouans… », Baudoin, 1824, op. cit tome II, P. 239. Ajoutons que le commandant républicain Chambon tout juste fait général de brigade fut tué d’un coup de fusil près de Nueil en s’écriant : « Vive la République ! Je meurs pour ma patrie. » A la même époque, Treize-Septiers, dans le Bas-Poitou, était également la proie des flammes. Poirier de Beauvais, 1893, op. cit P. 133 et sq.

    (2)   Le journal du curé Barbarin, dont une copie se trouve aux ADDS, a été édité en 1987 par Jaud et Chiron sous le titre : « Barbarin, Le grenadier de la Petite Eglise ».

    (3)   Ainsi nommé à l’époque, « Nueil-sur-Argent » a fusionné récemment avec Les Aubiers pour former la commune de« Nueil-les-Aubiers ».

    (4)   Décret de prise corps du tribunal de Bressuire le 24 avril 1791 (le jour de Pâques !)

    (5)   « Barbarin, Le grenadier de la Petite Eglise », Jaud et Chiron, 1987, op. cit. P 31.

    (6)   « Etat des combats », par Jacques Poirier, combattant Vendéen, publié par  A. Gérard et Th. Heckmann, in « Les oubliés de la guerre de Vendée », Société d’Emulation de la Vendée, 1992, op. cit P 214 & 215. L’orthographe de Caphar peut différencier : Barbarin le nomme « Caffard », Poirier l’appelle « à Cafard ».

    En outre, on notera que dans la nuit du 11 au 12 avril, les républicains, au nombre de 2 500, avaient été coucher au logis de la Favrière. Ce logis situé à deux kilomètres, au sud de Nueil, sur la route de Bressuire, fut l’objet de la colère et du dépit de ces mêmes troupes lors de leur déroute du lendemain. La chapelle fut détruite entièrement à coup de canon. Voyez l’historique qu’en fait son propriétaire actuel, M. Maudet, dans « Châteaux Manoirs et Logis, les Deux-Sèvres », 1998, op.cit.    P 27. Ajoutons encore que cette très intéressante demeure est ouverte au public en saison. Le propriétaire se fera une joie de vous raconter son patrimoine.

    (7)   Même si Savary prétend que Quétineau n’éprouva aucune difficulté à s’installer. Jean-Julien Savary, « Guerres des Vendéens et des Chouans… », op. cit tome I, P. 155.

    (8)   « Etat des combats », Jacques Poirier, ibid.

    (9)   Jacques Crétineau-Joly, « Histoire de la Vendée Militaire », édition de 1895, op. cit tome I, P.  74. Abbé Deniau, « Histoire de la Guerre de la Vendée », édition de 1906,   op. cit tome I, P 633.

    (10)           Madame de La Rochejaquelein, 1889, op. cit P 116.

    (11)  Il s’agissait de l’ancien cimetière. Rien à voir avec celui que l’on connaît actuellement.

    (12)  Bélisaire Ledain, « Histoire de la ville de Bressuire », 1880, op. cit P. 377.

     

    (13)           Berruyer prétend que Quétineau avait eut le temps de les faire enclouer. Savary, Tome I, loc. cit P. 162. Pauvert nous dit qu’il s’agissait de deux pièces de quatre. Henri aurait demandé à Cathelineau un canonnier pour manœuvrer les pièces, ce fut Gazeau, de Bégrolles, l’heureux élu.  Françoise de Chabot, « Henri de La Rochejaquelein et la Guerre de Vendée », 1890, qui cite les Souvenirs de Pauvert, op. cit     P 36, note 2. Les habitués  du travail de   D. Lambert de La Douasnerie retrouveront ce récit en page 35 du cahier N° XIX des « Paroisses et soldats de l’armée Vendéenne ».

    (14)           « Etat des combats », ibid.

    (15)           Jacques Crétineau-Joly, 1895, op. cit tome II, P. 547.

    (16)           Les Vendéens « plainaux » (si si il y en eu quelques uns !) et « Charettistes » verront ce qu’en a dit Pierre Suzanne Lucas de la Championnière dans ses mémoires. « Mémoires sur la Guerre de Vendée », 1902, op. cit P. 124 à 127. On comprend ainsi un peu mieux la prudence de d’Autichamp.

    (17)           Notons au passage que les Vendéens refuseront d’incendier les portes de l’église.

    (18)           Anne Bernet qui ne connaît visiblement pas le territoire de la Haute-Vendée, s’entête, dans son ouvrage « Histoire Générale de la Chouannerie » - Perrin, 2000 - à nommer « Neuil » le lieu de ce combat (loc. cit. P. 514 & 521).

    (19)           Non loin de l’abbaye dont  nous parlerons plus loin avec Cerizay.

    (20)           Toutes ces chapelles sont des propriétés privées non destinées au tourisme. Je dis cela afin de préserver la tranquillité du culte et celle des propriétaires. La Vendée Militaire ne doit pas être un « supermarché » du tourisme, mais avant tout un lieu de respect et de mémoire. N’imitons pas les ignares, qui chaque année sur la côte, piétinent les tombeaux et s’enfournent dans les églises à plein wagon. Ceci dit, la République n’ayant pas encore mis de taxe sur les déplacements en Vendée, les candidats au voyage ne doivent pas hésiter, ils seront les bienvenus. 

    (21)           Le curé Brunet échappera toujours aux recherches. A. Billaud, « La Petite Eglise dans la Vendée et les Deux-Sèvres », NEL, 1962, op. cit P 311. On ne pourra jamais l’arrêter car les gendarmes de Châtillon furent poursuivis par un cortège de femmes qui secouèrent les brides des chevaux  et obligèrent le convoi à s’arrêter. Le curé Brunet s’esquiva discrètement tandis que les représentants de la loi quittaient le bourg des Aubiers sous les huées et les éclats de rire. Ibid. p. 193.

     

     

    (22)           Cet abbé Marquet était desservant de la paroisse de la Coudre, près d’Argenton-Château et de Saint-Clémentin. On a trouvé, à Richemond, un antiphonaire qui porte à la première page la mention suivante : « Ce livre appartient à l’église de Sanzai ; on me l’a prêté en 1813 – signé Marquet ». Sanzai ou Sanzay est un village voisin de la Coudre.

    (23) Jacques Noël Fossey était natif de Diélette dans la Manche. Voyez en outre ce qu’en rapporte A. Billaud, op. cit.  P 523 à 526.

    (24) Le curé Fossey loge chez une mademoiselle Bonnin, « Grande Rue », ibid. P 523.

    (25) Un rapport de l’évêque dit de lui : « Prêtre interdit pour inconduite et ivrognerie ». De nouveau chassé, Osouf tiendra un café à Nantes ! ibid. P 537. Ne préjugeons de rien  cependant, ce qui suit dans le texte absout peut être notre curé aventurier de ses mauvais penchants. A toutes fins utiles, précisons que Osouf était natif de Chevry dans la Manche, et non pas de Chivray comme l’a écrit  A. Billaud.

    (26) Mademoiselle Cossin de Belletouche avait deux neveux qui appartenaient au Chapitre de la cathédrale de Poitiers, fils de sa sœur Catherine, épouse Chambrin de Larnay. Cette dernière, non-dissidente, fut marraine, en 1854, d’une cloche de l’église des Aubiers.

    (27) Abbé Deniau,  op. cit. tome VI, P 87.

    (28) Saint Mellene ou Mélaine était un évêque de Rennes mort vers l’an 530. Ce tableau est posé au dessus de l’autel. La tradition veut que coucher un enfant sur cet autel aurait comme conséquence de le faire marcher plus tôt.

    (29) Testament établi à Nantes, chez maître Lebec, le 12 octobre 1827, enregistré le 17 mai 1847. Papiers de famille.

     

     

     Pièces justificatives

     

     

     

    1 Extrait des papiers de la famille Grolleau. Ces documents nous sont communiqués grâce à la complicité d’un bressuirais, membre de la Petite Eglise. Nous les publions dans l’orthographe du temps.

     

        Lettre de Mgr de Coucy à Clément Grolleau :

     

     

     

    Monsieur Grolleau et les habitans de la paroisse des Aubiers

    Aux Aubiers

    Gloire à Dieu : vive le Roi

     

       Je suis très sensible, Messieurs, aux expressions touchantes de l’attachement que vous voulez bien me conserver, et vous prie d’en recevoir mes plus sincères remerciements. Mr l’archevêque duc de Reims qui m’avait associé au gouvernement de son diocèse, avant que la divine Providence m’attachat à celui de La Rochelle a fait entendre le veu de nos cœurs et les intentions de sa Majesté dans sa réponse à Monsieur le Marquis de la Rochejacquelin dont vous avez sans doute eu connaissance ; ce digne et respectable Prélat y disait que les braves confesseurs de la foi devoient modérer leur zèle et ajouter à tant de sacrifices celui d’attendre avec patience, douceur et charité le résultat des négociations entamées avec sa Sainteté. Il ajoutait que nous tous qui avons adressé dans le temps nos réclamations respectueuses au Saint-Siège, nous leur en donnions l’exemple, puisque nous regardant toujours comme les seuls et uniques titulaires de nos sièges et par conséquent avec pouvoir d’y exercer nos fonctions, nous ne le faisions pas par une juste déférence pour le Saint-Père et le Roi très chrétien.

    Ces mêmes principes, je les ay consignés il y a longtements dans mes réclamations personnelles et mon instruction du 1er juillet 1802 ; n’oublions pas qu’il ne peut y avoir de schisme dans la communion du siège Apostolique et ceux là seuls qui l’abandonneroient, mériteroient véritablement cette note. Espérons donc avec confiance que nous verrons rétablir une parfaite unanimité dans les principes, une heureuse harmonie entre les Pasteurs et les Fidèles pour ne former qu’un cœur et qu’une âme sous l’empire des lois canoniques, protégées par un bon et excellent Roi fils ainé de l’église et son zélé protecteur ; je vous porte tous dans mon cœur, Messieurs et vous embrasse en notre Seigneur Jésus-Christ, en le suppliant de vous combler de ses plus abondantes bénédictions. 

     

    Jean Charles de Coucy

    Evêque de l’ancien Evêché de la Rochelle

     

     

     

     

    J’ai en ce moment sous les yeux, entre autres choses, une copie (texte intégral) de la longue lettre du curé Brunet à Mgr de Coucy, dans laquelle le prêtre se plaint de la manière dont il est traqué sans relâche par les autorités. Auguste Billaud en ayant publié de larges extraits dans son ouvrage (op. cit P. 285), je ne juge pas utile de l’insérer dans ces pages. Nonobstant, J’invite le lecteur à prendre connaissance, dans l’ouvrage cité ci-dessus, de cette lettre très édifiante…

     

     

     

     

    2 Extrait des papiers de la famille Violleau.

     

    Nous respectons l’orthographe du temps.

     

     

    Entre Jean-Baptiste VIOLLEAU, ci-devant charron, demeurant      à

    Richemond commune des Aubiers

    Et Pierre RICHARD, fermier, demeurant à Livan, commune des Aubiers

    A été convenu et arrêté ce qui suit :

    La chapelle établie dans le cours de cette année à frais commun et par moitié entre les contractants, restera commune à perpétuité entre eux et leur famille pour qu’il y soit exercé par qui ils jugeront et ce respectivement, les cérémonies religieuses qui leur conviendraient ; en conséquence chaque famille contribuera par moitié à l’entretien et au rétablissement en cas de besoin de cet édifice, de même qu’aux fournitures, chandeliers, vases et tous ornements ; les clefs resteront à perpétuité dans les mains de VIOLLEAU ou des personnes qui habiteraient la maison occupée par lui en ce moment au dit Richemond, et bien entendu aucun des membres des dites familles ne pourra, sous quelque prétexte que ce soit céder son droit à un étranger ny demander la suppression de cet édifice et que s’il se refusait à contribuer à son entretien et aux fournitures d’usage, qu’il sera par cela censé renoncer à son droit et demeurera privé pour toujours  à compter de ce refus de pouvoir s’y introduire et  même assister aux cérémonies qui y seront exercées.

    Fait double aux Aubiers le huit décembre mil huit cent cinquante et un.

     

    Signé : Pierre RICHARD

    VIOLLEAU

     

     

     

    Bien des personnages de second ordre ont combattu en Vendée. Rendre hommage aujourd’hui aux Vendéens, c’est aussi citer des noms méconnus. Ménard d’Etusson, Richard de Cirières, Guillet de Combrand, tous ces braves n’ont-ils pas mérité eux aussi quelques lauriers ? Ainsi terminons-nous cette petite étude par des noms qui ont marqué l’histoire de la division des Aubiers sous d’Autichamp. On les relèvera dans le tome V des œuvres de Crétineau-Joly et du R.P. Drochon, loc. cit. P. 109 à 112.

     

     

     

    1. Renou Louis, colonel, propriétaire, à Loudun, blessé trois fois et détenu pendant huit mois.

    2.   Couhé de Lusignan Louis (de), major, propriétaire à Poitiers. 

    3.   D’Hugoneau Philippe, chef d’escadron, garde du corps, Compagnie écossaise, domicilié à Paris. 

    4.   Vandangeon Jacques (dit « le Sabreur »), capitaine de cavalerie, boulanger à Izernay, blessé. 

    5.   Gentet Pierre, lieutenant de cavalerie, blessé trois fois. 

    6.   Bonnin Benoist, chef de bataillon, des Aubiers

    7.   De La Calvinière, chef de bataillon. 

    8.   Chabauty Pierre, adjudant-major d’infanterie, à Nueil-sous-les-Aubiers.  

    9.   Charrier Pierre-Modeste, capitaine de chasseurs. Nueil-sous-les-Aubiers. Blessé plusieurs fois. 

    10.         De Villeneuve de Couët, chef de bataillon. 

    11.         Magnan, chef de bataillon. Propriétaire à Thouars. 

    12.         De Scépeaux Alexandre, capitaine de chasseurs. 

    13.         Banchereau, capitaine de la paroisse de Saint-Clémentin. 

    14.         Merceron, idem. 

    15.         Abellard Pierre, capitaine de la paroisse de Saint-Aubin-de-Baubigné 

    16.         Vion, idem. 

    17.         Aumont Joseph-Hilaire, capitaine de la paroisse de Nueil-sous-les-Aubiers. 

    18.         Mousset Mélenne capitaine de la paroisse des Aubiers. 

    19.         Piquet, idem. 

     

     RL

     1998-2011

     

     

     


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    Un opposant au serment du jeu de paume

    Par G. LENOTRE

     

     

    Ce texte paru dans  « Histoire pour tous », Album  N° 25, février 1972, (N° 137, septembre 1971) p. 241. Pour qui s’intéresse un tant soit peu à l’histoire de la Révolution, voilà une histoire bien singulière et surtout bien occultée…

     

    RL

     

     

     

     

     

    A Versailles ; 20 juin 1789 ; neuf heures du matin ; un jour pluvieux et triste. Les représentants du Tiers, convoqués à l’hôtel des Menus-Plaisirs, siège des Etats généraux, se dirigent individuellement vers la rue des Chantiers où se trouvent l’entrée qui leur est réservée. Ils s’arrêtent là, sous l’averse : pourquoi n’entre-t-on pas ? La grille de la salle est fermée ; un détachement des gardes françaises en défend l’accès. Que se passe-t-il ? Pourquoi cette nouvelle tracasserie ? On apprend que les ouvriers ont pris possession de la salle des Etats, en raison de décorations à disposer en vue d’une séance prochaine que le roi présidera : ces messieurs du Tiers sont ainsi mis à la porte « comme des écoliers indociles ».

     

     

    Ne pas céder

     

     

         A mesure que leur groupe s’augmente de nouveaux arrivants, le mécontentement s’accroît ; la méfiance aussi : cette provocation du pouvoir n’est-elle pas l’indice d’une dissolution menaçante ? Il faut résister : les délégués de la nation ne peuvent subir pareille molestation. Que faire ? Où aller ? Au château ? Louis XVI ne s’y trouve pas : il est à Marly. Des clameurs s’élèvent : « A Marly ! Allons à Marly ! » Mais si l’on y parvient, sera-t-on reçu ? Et dans quel état, après deux lieues de marche sous la pluie et de pataugeage dans la boue ! Pourtant, du brouhaha des discussions l’opinion unanime se dégage : ne pas céder ; ou bien c’est la fin de l’Assemblée nationale et des espérances que sa convocation à fait naître. Il faut tenir séance, en dépit de l’ordre du roi. « Au Jeu de Paume ! » crie une voix, celle du docteur Guillotin, médecin réputé de Paris. Et voilà ces messieurs du Tiers en route, par petits pelotons, sous des parapluies. Les gens s ‘attroupaient sur le passage de cette débandade de bourgeois provinciaux, « simples de maintien » et de tenue, en quête d’un gîte dans la ville où ils étaient arrivés, six semaines auparavant, ivres d’illusion et de gloriole. Tout en marchant, ils s’excitaient à la révolte, s’indignant de l’insolence de la cour, de la fermeture du « Temple de la loi », et résolus à poursuivre, même au prix de leur vie, l’œuvre interrompue.

    Le Jeu de Paume était alors une construction vieille d’un siècle ; élevé en 1686 pour servir aux ébats de Louis XIV et du dauphin, il portait, sculpté dans la pierre, au fronton de la porte, le soleil du grand roi. L’intérieur n’offrait qu’une arène éclairée à mi-hauteur par une série de baies n’ayant pour fermeture qu’un filet destiné à arrêter l’élan des balles ; au pourtour de la salle régnait une galerie couverte permettant aux spectateurs de se tenir à l’abri. Au nombre de près de six cents, les députés pénétrèrent dans cette salle, à laquelle, sans qu’ils s’en doutassent, leur présence allait pour jamais conférer la plus éclatante célébrité. Il pouvait être dix à onze heures ; une sorte de foule les avait suivis et resta amassée dans la rue, attendant un vague événement. Comme le mobilier de la salle comportait seulement quelques chaises et plusieurs bancs de bois, les représentants s’empilaient debout, dans cet espace assez exigu où toute délibération paraissait impossible en raison de la cohue. Pour assurer l’ordre, il fallait un président : Bailly, qui déjà avait dirigé les débats de l’Assemblée nationale était tout désigné ; mais perdu dans cet entassement, il ne pouvait se faire entendre. On improvisa une tribune : des planches posées sur deux tonneaux. Et la discussion commença.

     

    Le serment du Jeu de Paume

     

     

    Elle fut confuse, car les badauds qui se tenaient dans la rue n’entendirent pendant longtemps qu’un grand tumulte de voix où se mêlaient les cris de « Nous le jurons ! » à ceux de : « Vive le roi ! » les factieux novices étaient encore sans rancune. Enfin Mounier, député de Grenoble, en vue de calmer les esprits proposa que tous les membres présents prêtassent le serment solennel «  de ne jamais se séparer, de se réunir partout où les circonstances l’exigeront, jusqu’à ce que la Constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides » ; et tous confirmeront sur-le-champ par leur signature cette résolution inébranlable. Ce fut du délire : des cris, des bravos, des embrassements ; on trépigne ; on agite frénétiquement bras et chapeaux ; on se bouscule autour de Bailly, qui réclame l’honneur d’être le premier à signer le serment. Puis les secrétaires font l’appel des députés par baillages, sénéchaussées, provinces, suivant l’ordre alphabétique, et chacun des membres s’approche, jure et signe. Grimpés jusqu’aux baies à claire-voie d’où le regard plongeait sur cette mêlée turbulente, les curieux de la rue étaient gagnés par l’enthousiasme de ces hommes au poing tendus, crispés, haletants, levant vers le plafond des yeux émerveillés, comme s’ils entrevoyaient l’avenir idyllique. Tous, saisis d’une fièvre patriotique, paraphaient l’engagement de mourir pour la cause du peuple. Pas une hésitation : le plus audacieux, Mirabeau, osa dire : « Je signe… parce que je serais roué comme je l’ai été, ces jours derniers, en effigie, à Paris ; mais je vous déclare que ceci est une vraie conjuration. » Rien n’arrêtait la fanatique ardeur de l’Assemblée en proie à l’exaltation du sacrifice.

     

    Un « opposant »

     

     

    Soudain se produit une altercation, d’abord inaperçue parmi les clameurs et les piétinements. Au moment où on lui passe la plume, Martin Dauch, député du bailliage de Castelnaudary, a dit : « Mes électeurs ne m’ont pas envoyé pour insulter et déchirer la monarchie. Je proteste contre le serment adopté ! » Aussitôt houspillé par ceux qui se pressent autour du bureau, il tient hardiment tête et déclare  qu’« il ne peut jurer d’exécuter des délibérations non sanctionnées par le roi. » Bailly l’exhorte à ne point entacher d’une disparité unique l’unanimité de ses collègues ; Dauch s’obstine ; le président insiste : « On a le droit de s’abstenir, non de former opposition au vœu de toute l’Assemblée. » Mais déjà Dauch a tracé son nom, suivi du mot opposant. Une voix sévère impose un semblant de silence : « J ‘annonce à l’Assemblée que M. Martin Dauch a signé : opposant ! » Un hourra d’indignation accueille le nom de ce traître. Qui le dénonce ? C’est Camus, député de Paris, membre de l’Académie des inscriptions et belles lettres. On se précipite, on entoure le renégat, le transfuge : les mains tendues le désignent à la fureur de la populace qui, du haut des fenêtres, mêle ses huées à celles des députés. C’est miracle si Dauch évite le poignard d’un de ses collègues ; on va le jeter à la porte, le peuple fera justice de ce misérable parjure. Un huissier, nommé Guillot, lui sauva la vie en le poussant vers une porte dérobée par laquelle il put sortir et s’esquiver dans les rues tortueuses du vieux Versailles. Le président parvint à clore l’incident en proclamant que la signature de cet unique opposant serait conservée au registre comme une preuve de la liberté des opinions. On la retrouve en effet, cette signature, sur le procès-verbal exposé dans les vitrines du musée des Archives ; elle est presque illisible, tracée par une main agitée d’une violente émotion ou qu’on retient peut-être et qu’on empêche d’écrire dans une furieuse bousculade.

    Le lendemain, Bailly tenta d’obtenir de cet entêté une rétractation. N’ayant pas réussi, il lui conseille de s’abstenir, durant quelque temps, de paraître à l’Assemblée ; mais Dauch n’avait pas peur, et il reprit sa place parmi ses collègues. Il y siégea jusqu’à la Constituante, se mêlant peu aux débats, car les Tables du « Moniteur » ne citent pas de lui une seule intervention. On sait seulement qu’au jour de 1791 où Louis XVI se rendit à l’Assemblée pour donner son agrément à la Constitution, comme tous les députés avaient jugé digne de rester assis, chapeau sur la tête, pour recevoir le roi, un seul eut l’audace de se lever et de se découvrir : c’était Martin Dauch, fidèle à sa résolution d’intransigeante indépendance. Rentré dans sa province, il parut se désintéresser de la politique, mais la Terreur ne se désintéressa pas de lui. Un sans-culotte tenta de l’assassiner. Dauch se retira à Toulouse, y fut arrêté, mis en prison, et aurait été bien certainement guillotiné si les comités locaux s’étaient doutés qu’ils détenaient le Judas du Jeu de Paume. Par bonheur, son nom, au registre d’écrou, était écrit « Martin d’Auch » ; cette opportune apostrophe le sauva de l’échafaud, les recruteurs du bourreau croyant que cette mention désignait quelque vague Martin, originaire du chef-lieu du Gers.

     

    Martin Dauch et la postérité

     

     

    Un érudit local, le professeur Marfan, en recueillant les traditions du pays de l’Aude, a exhumé et fixé dans un ouvrage attachant le souvenir de quelques personnages oubliés qui, bien que très divers, sont liés par un caractère commun : la ténacité (1). Dans cette galerie de purs Français obstinés à l’accomplissement du devoir, le portrait de Martin Dauch mérite la cimaise. De retour à Castelnaudary après la Terreur, l’ex-député aux Etats Généraux ne s’occupe plus qu’à mettre en valeur son domaine familial. Sans rancune pour ses anciens collègues, sans vanité du rôle qu’il avait témérairement assumé, il ne se doutait pas que David lui réservait une place de premier plan dans son tableau du Jeu de Paume, qui, d’ailleurs, ne fut jamais achevé. Le grand peintre, alors fougueux révolutionnaire, a représenté l’Opposant dans la situation aussi piteuse qu’inexacte d’un homme bourrelé de remords. C’est Dauch qu’on aperçoit, dans la partie droite de la célèbre toile, assis sur une chaise, les bras croisés sur la poitrine, la tête inclinée sous le poids de  la honte ; son collègue Guilhermy repousse Camus et, du geste, lui recommande de ne pas attirer l’attention de l’Assemblée. Le regretté M. Brette, l’historien du 20 juin 1789 a fait justice de cette attitude : « Dauch, écrit-il, fut loin d’être un hésitant et un timide. Il soutint son opinion avec la plus grande énergie, ayant en face de lui ses six cents collègues exaspérés et la foule des tribunes qui le huait… » Si, dans sa retraite, il apprit que Mounier, le promoteur du serment, proclamait trois ans plus tard : « C’était un attentat aux droits du monarque… Combien je me reproche aujourd’hui de l’avoir proposé… », Dauch trouvait là une belle revanche. Il en eut d’autres qu’il ne connut pas, car il mourut en 1801, et, depuis lors, nombre d’historiens, les plus favorables à la Révolution, Louis Blanc même, ont reconnu que le nom d’un homme de cette trempe devait passer à la postérité. Quant à Bailly, Rabaut-Saint-Etienne, à Robespierre, à Pétion, à Buzot et tant d’autres dont le fameux serment avait exalté l’enthousiasme, ils durent, au terme de leur tragique disgrâce, donner une pensée à l’oublié si rudement conspué pour avoir seul, dès ce jour-là, entrevu l’orageux avenir.

     

    (1) Figures lauragaises, par A.B. Marfan, de l’Académie de Médecine.

     

               Le tableau de David

      

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    Détail du même tableau : Martin Dauch, « assis les bras croisés sur la poitrine, la tête inclinée sous le poids de la honte ».

     


     


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