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    La Meilleraie et Tillay dans les brumes du passé...

     

     

     

     

         Si l’on veut bien comprendre  à quoi pouvait ressembler notre Vendée à l’époque de sa gloire, il nous faut d’abord bien localiser tous les lieux par lesquels sont passés nos héros. Prenons le pays de Charette par exemple : Qui aujourd’hui est capable de localiser avec précision les « Landes de Bois-Jarry » (dites aussi  de « Béjarry ») (1), le « Bois de Grammont », pourtant situé tout près de l’ancienne paroisse de « Saint-Christophe-la-Chartreuse »  (2) ? Et les « Landes de Jouinos » (3), le camp de « Montorgueil » (4) ou l’abbaye du « Val-de-Morière » (5) ? Sauriez-vous les situer sur une carte moderne ? Tous ces lieux sont pourtant incontournables si l’on veut suivre toutes les marches et contremarches de l’aimable et téméraire général bas-poitevin.  Toute la Vendée est ainsi  truffée de paroisses disparues, de restes de moulins enfouis sous les haies et de tas de secrets inconnus de la littérature généraliste.

     

     

     Alors, à vos cartes pour commencer. Le village de la Meilleraie se situe au sud-ouest de Pouzauges en Vendée départementale, il porte aujourd’hui le nom de « La Meilleraie-Tillay » et nous allons en donner l’explication au fil de ces pages (6). En regardant bien sur la carte on voit à l’ouest de la Meilleraie, un hameau nommé « Tillay » et un autre un peu plus loin qui porte le nom de « Petit-Tillay ». C’est « Tillay » qui nous intéresse, car c’est ce village qui fusionnera avec la Meilleraie sous la Restauration pour donner « La Meilleraie-Tillay ».  Comme nous le savons tous, les paroisses disparues sont légion en Vendée. On peut avoir plus ou moins de bonheur à essayer de reconstituer leur histoire, mais avouez que rabâcher une énième fois la reprise de Noirmoutier ou le siège de Granville peut paraître un peu soporifique quelquefois…

     

    Les deux communes réunies de la Meilleraie et de Tillay comptaient au début du XIX° siècle 841 habitants (7), 181 maisons et 7 moulins (contre 1504 habitants de nos jours). Au château de la Mothe de Tillay on trouvait au XVI° siècle une branche d’une  famille hautement connue en Vendée, les Texier. Les Texier de « la Mothe-Tillay », descendants de Jacques Texier s’éteignirent par les hommes en 1847 (8). L’autre branche, issue d’Antoine Texier donnera les Texier de Courlay, si fameux par leur courage, et leur irréfragable ténacité. Tout le monde connaît bien entendu les « grenadiers de Lescure » .

     

     

    Comme dans beaucoup de paroisses vendéennes, à Tillay et à la Meilleraie les « idées nouvelles » n’étaient pas forcément malvenues au début de la Révolution. Le curé Julien-René Rhabillé qui exerce son ministère à la Meilleraie depuis 1757 et son homologue de Tillay, Jean-Honoré Ragonneau curé de cette dernière paroisse depuis 1785 sont invités à Poitiers pour rédiger leur cahier de doléances en mars 1789. Le curé Ragonneau de Tillay s’y rend lui-même (9) et son voisin Rhabillé de La Meilleraie se fait représenter par le fameux curé Dillon du Vieux-Pouzauges (10) connu plus tard pour son implication dans l’administration révolutionnaire.  Au moment où la Vendée se soulève, les deux prêtres ont prêté le serment constitutionnel mais ne sont pas trop menacés par les insurgés qui concentrent leurs efforts assez loin des deux villages. Notons tout de même qu’un courrier de Parthenay daté du 27 mars 1793 indique que « Tillais » est occupé par les rebelles au même titre que Mouilleron-en-Pareds, Montournais et Saint-Mesmin (11). Les deux paroisses, tout comme celle voisine du Boupère sont assez mitigées dans leurs opinions. Elles fourniront néanmoins un bon contingent de soldats à l’armée Vendéenne et un certain abbé Guignard, tout ce qu’il y a de plus réfractaire celui-ci, viendra célébrer des messes clandestines dans les environs (12). Bien des « gars » de la Meilleraie et de Tillay tomberont les armes à la main ou seront victimes des tribunaux révolutionnaires, comme   ce pauvre Antoine Jadeau, âgé de 26 ans, guillotiné à Fontenay le samedi 4 janvier 1794 (13) ou Pierre Pequin, 50 ans, journalier, condamné à mort également à Fontenay le 27 nivôse an II (jeudi 16 janvier 1794).

     

    A la Meilleraie, les colonnes infernales sont passées, laissant l’empreinte mortelle des ordres de la Convention. Il suffit de reprendre les dénonciations publiées par Lequinio pour s’en faire une idée. On sait que  la garde nationale du Boupère avait arrêté 17 « brigands » au village de Tillay que l’on avaient conduits au général incendiaire Grignon alors posté plus au Nord, à la Flocellière. Les 17 Vendéens sont fusillés mais la commune du Boupère n’en tirera aucun bénéfice, elle sera incendiée et bon nombre des habitants seront massacrés par le bourreau tricolore sans égard pour leur patriotisme. Rappelons au passage que le génocide vendéen s’applique aussi bien aux royalistes qu’aux républicains. Il s’agit avant tout d’exterminer cette « race abominable » (dixit la Convention elle-même) que constituent les gens de l’Ouest. Grignon arrive à La Meilleraie au soir du 29 janvier 1794. Après s’être bien délecté du repas que les patriotes du village lui ont offert, il fait rassembler 34 habitants dans l’église, les dépouille (l’argent avant tout !), fait séparer les hommes et les femmes et les fait sortir un par un dans le cimetière pour les fusiller. Les deux premiers à subir le supplice sont le curé  Rhabillé et sa servante. Leurs deux cadavres seront placés dans une position suggestive sous les rires goguenards et idiots des soldats de la République. Une seule personne échappera à ce massacre. Il s’agit d’un certain Pain, de la Godinière (14). Les métairies du voisinage sont la proie des flammes. Plusieurs familles du village de la Vinatière, tout près du bourg de La Meilleraie sont massacrées  dans un taillis où elles s'étaient réfugiés au lieu-dit Le Rocher de la Villette (près de la Gare actuelle aux Carrières).  Une malheureuse paysanne innocente de 23 ans est égorgée, un vieil homme de 80 ans nommé Souchet est brûlé vif dans son lit. L’horreur est à son comble et les dénonciations pleuvent contre Grignon. Les patriotes de La Meilleraie n’ont apparemment pas compris le sens profondément égalitaire des mesures de la Convention. Plusieurs témoignages de ces événements se retrouvent dans l’ouvrage de Lequinio (15). L’une des dénonciations précise qu’il y avait « environ quarante » habitants enfermés dans l’église, « presque tous munis de certificats de civisme ». Les auteurs de cette même dénonciation se plaignent d’autant plus que selon eux « seize ou dix-sept maisons de patriotes » ont été incendiées et que l’on a épargné celles de plusieurs « brigands ». Le vieillard brûlé dans son lit est d’ailleurs le père de l’un des dénonciateurs. Gageons que si seuls les royalistes avaient été victimes, on n’aurait pas mis autant de zèle à dénoncer la barbarie des colonnes infernales…

        Et dans la petite paroisse de Tillay, me direz-vous ? Nul doute que quelques détachements de Grignon et de son fidèle lieutenant Lachenay ont dû passer par là. Au surplus, il faut savoir que la veille au soir du passage de Grignon à La Meilleraie, Tillay a certainement été victime d’une autre colonne infernale, celle de Daillac. Le général Duval ayant été sérieusement blessé au « Bois-des-Chèvres » dans un précédent combat, il a délégué ses pouvoirs à ses chefs de bataillons  Prévignaud et  Dalliac. Ceux-ci qui arrivent de la Caillère le 28 janvier pour se rendre à Bazoges-en-Pareds (16), puis à Pouzauges en vue de se réunir à Grignon sont certainement passés par Tillay qui se trouvait sur le chemin de Pouzauges… Quels ont été exactement les actes commis à Tillay ? Nous n’avons aucun témoignage qui nous les rapporte avec précision mais au vu de ce qui s’est passé dans les paroisses voisines, on peut aisément s’en faire une idée…

     

    Le malheureux curé de La Meilleraie n’a donc pas eu de chance. Bien qu’ayant abdiqué la prêtrise depuis le 28 décembre 1793, après s’être caché des Vendéens, il est massacré par les gens de son parti. Son patriotisme ne lui avait donc servi à rien. Pour son homologue de Tillay, c’est un peu mieux. Il deviendra curé constitutionnel de Saint-Jean-de-Beugné. Au moment du concordat de 1801, on retrouve sa trace à Paris. Il avait lui-aussi abdiqué la prêtrise, peut-être même s’est-il marié.

     

     

     A la Meilleraie-Tillay, de gros problèmes vont apparaître suite à la vente des biens nationaux. En effet, le 4 janvier 1791, un certain Soullet, de Mouilleron-en-Pareds, achète le presbytère de La Meilleraie pour 2 600 F et le retrocède aussitôt à Pierre Coquilleau, de Monsireigne qui achète quant à lui tout « le domaine du prieuré de la Meilleraye »  pour la rondelette somme de 56 400 F (17). Le sieur Coquilleau laisse tranquillement le culte se réinstaller dans l’église après la pacification et il ne conteste  en rien les diverses  réparations qui seront effectuées par la commune. Les problèmes apparaissent lorsqu’il est question en 1811 de construire un nouveau presbytère adossé à l’église… Le peu de place qu’offre le cimetière pose déjà la question de l’emplacement de la construction, mais voilà que Coquilleau se déclare propriétaire de l’église à la grande surprise des habitants. La situation va se bloquer pendant plusieurs années, Coquilleau étant bel et bien le véritable propriétaire de l’église (18). Une ordonnance du roi Charles X  le 4 août 1828,  attribue un secours pour la somme de 500 F. Le 24 juillet 1829, une lettre du ministre des affaires ecclésiastiques informe le préfet qu’il accorde à la commune un secours de 300 F pour l’achat d’un presbytère. Sommes dérisoires, quand on sait que la commune de la Meilleraie, qui tient beaucoup à obtenir un presbytère, aurait besoin de 4 500 F pour acheter l’église et de    4 200 F (frais de réparation compris) pour le rachat de l’ancienne cure… Ajoutons toutefois que la commune avait déjà obtenu en 1828  un autre  secours de 200 F,  en plus de celui du Roi. Nous sommes néanmoins très loin du compte et les impôts vont grimper en flèche à la Meilleraie avec l’accord du préfet.  Voilà donc comment la Révolution, en vendant des biens qui ne lui appartenaient pas, à contribué encore un peu plus à la hausse de la fiscalité… Il faudra près de quarante ans dans certaines paroisses vendéennes pour retrouver un fonctionnement normal du culte suite aux événements révolutionnaires. Ici apparaît d’une manière flagrante à qui rapportait la vente des biens nationaux, sûrement pas à ceux dont les maisons ont été incendiées…

     

        L’église actuelle de la Meilleraie ne ressemble sûrement pas beaucoup à celle qui a connu les horreurs de Grignon. Seule la porte donnant sur l’ancien cimetière donnera à réfléchir à ceux qui connaissent l’histoire de la Vendée…

     

    Quant à l’ancienne église Saint-Jacques de Tillay, il n’en reste qu’un bâtiment transformé grossièrement en maison d’habitation.  Il faut dire que la paroisse de Tillay avait été  réunie définitivement par un arrêté royal à celle de La Meilleraie pour former « La Meilleraie-Tillay » en 1827. Sur la façade nord de ce qui fut une église, on décèle les traces d’ anciennes ouvertures d’un style plutôt roman. La trace d’une grande baie apparaît également sur le chevet côté est. Une chapelle fut élevée en 1858 sur les ossements de l’ancien cimetière qui jouxtait l’église pour pallier au manque d’édifice religieux. Ici, point de fioritures ni de monuments grandioses, pourtant c’est ici que se niche la vieille Vendée avec toutes ces meurtrissures. Une veilleuse dans la pénombre,  un vitrail un peu usé, un air de printemps sur le Bocage… Tout ceci disparaîtra un jour et il nous faut faire vite pour  retrouver encore quelques témoignages de ce qu’à pu être la Vendée autrefois.

     

     

    RL

     Avril 2006

     Sur le même sujet voir également le blog de "La Maraichine Normande".

     

     

    Notes :

     

     

    (1)   Entre la Chabotterie et la Bésillière.

     

     

    (2)   Au Sud-Ouest de Mormaison, non loin de la grande route des Lucs à Rocheservière. On appelle cet endroit ainsi en raison de la présence d’une ancienne fondation de l’ordre de « Grandmont »  (ordre religieux disparu à la veille de la Révolution obéissant à la règle de Saint-Etienne de Muret).

     

     

    (3)   A l’Ouest du château de Beaumanoir, près de Boulogne.

     

     

    (4)   Au Nord-Est du Poiré-sur-Vie.

     

     

    (5)   A 4 kilomètres au Nord de Touvois.

     

     

    (6)   Carte Michelin N° 67, pli 15, Nord-Est. Un autre village situé dans la même région est lui-aussi le résultat d’une fusion de paroisses. Il s’agit du Tallud-Sainte-Gemme composé des anciennes paroisses du « Tallud-sur-Maine »  et de « Sainte-Gemme-des-Bruyères ». L’actuel village du « Tallud-Sainte-Gemme » est situé sur l’emplacement de l’ancienne paroisse de « Sainte-Gemme-des-Bruyères », tandis qu’au « Tallud-sur-Maine », il ne reste que 2 maisons. Aucune trace de bâtiment antérieur au XIX° siècle, à fortiori de son ancienne église Saint-Laurent. Toutes ces réorganisations de paroisses ont eues lieu au début du XIX° siècle. On pourrait citer également Chavagnes-en-Pareds devenu Chavagnes-les-Redoux après sa fusion avec  « Les Redoux », « Saint-Juire » et Champgillon » sont dans le même cas…

     

     

    (7)   Jean-Alexandre Cavoleau,  Statistique ou description générale du département de la Vendée  , réédition de 1844, p. 777. Cavoleau, qu’il n’est pas nécessaire de présenter, note en outre, que La Meilleraye-Tillay est une commune formée de deux anciennes paroisses et que son sol est « très accidenté ». 

     

    (8)   Etablis depuis le début du XVI° siècle à la Mothe, les Texier, se battront aux côtés des Huguenots, puis rejoindront la religion catholique au moment de la révocation de l’édit de Nantes. Ils furent même astreints à payer la taille pendant quelque temps. Ceci n’empêchera nullement leur descendance établie à Courlay de devenir d’excellents catholiques comme nous le savons.  

     

    (9)   Notons pour information que Ragonneau représentait à cette assemblée le curé Henri-Louis Turpault. Ce dernier, d’abord vicaire au Poiré-sur-Velluire dans le Sud de la Vendée départementale, deviendra curé de Menomblet en 1785. Curé assermenté, il sera tué par les Vendéens en mars 1793. Le curé Ragonneau représentait également un prêtre du Bressuirais qui sera plus tard réfractaire à la constitution civile du clergé. Il s’agit du curé Chaillou de La Petite-Boissière. Louis Fruchard qui cite cette information dans ses Quatre guerres à Châtillon-sur-Sèvre , (p. 52.) (Editions du Choletais, 1992,) avait écrit « Honoré Ragonneau , prieur de Saint-Jacques-d’Antillay ». Il s’agit bien de Tillay et non d’Antillay qui n’a jamais existé dans le diocèse de Luçon. En revanche, la confusion vient probablement que dans les anciens textes, il est souvent fait mention de « Saint-Jacques-en-Tillay » pour dénommer la paroisse.

     

    (10)           Voyez au sujet de ce triste personnage : Dominique Dillon, curé, Vendéen et révolutionnaire, par Jean Artarit, C.V.R.H., 1995.

     

    (11)           Courrier adressé au Directoire du département des Deux-Sèvres. ADDS, L 8.

     

     

    (12)           ADV, L 203 (rapport sur les prêtres réfractaires restés dans la Vendée). Il est dit de lui : « ex-curé, est toujours resté dans la Vendée sans avoir fait aucun des serments prescrits par la loi. »

     

     

    (13)           ADV, L 1586, f° 41 (commission militaire de Fontenay) Ces noms figurent également dans le Calendrier-Martyrologe de la Vendée Militaire de Henri Bourgeois, Luçon, 1906. Il n’ y a rien d’exhaustif dans ces noms, bien évidemment.

      

    (14)           Reynald Secher, Le Génocide Franco-français, 1989, p. 166.

     

     

    (15)           Guerre de la Vendée et des Chouans, Paris, Pougin, octobre 1794, p. 54, 89, 93 et 119.

     

    (16)           Savary, op. cit. Tome III, p. 94-95, 99 (les 3 petits signes *** signifient Daillac.) Il est à noter que Daillac rechigne pour se rendre à Pouzauges (ibid. p. 102), mais il finira par obéir aux ordres de Turreau qui veut le voir joindre une partie des ses hommes à ceux de Grignon.

     

    (17)           ADV,  1 O 427. Le presbytère de Tillay sera quant à lui, revendu à Guesdon , ADV 1 Q 32.

     

    (18)           ADV, 1 Q 1358.

     

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      Chaleureux remerciements à M. Thomas qui nous a fait parvenir des photos supplémentaires de l'ancienne église de Tillay. 

     

     

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    Anecdotes sur les colonnes infernales...

     

     Ce qui va suivre est tiré de documents officiels bien entendu :

     

     

     

    Mémoires de Lucas de la Championnière, ancien officier du général Vendéen Charette. Il parle ici de Châtillon-sur-Sèvre (aujourd’hui Mauléon) :

     « On continua la route sans incident jusqu’à Maulévrier : nous trouvâmes à Châtillon les traces encore récentes du combat qui y avait eu lieu ; la ville était entièrement incendiée, quelques petites maisons encore debout étaient remplies de femmes ; pas un homme dans tout le pays. Outre les fosses immenses qu’on voyait à l’entour de la ville, des cadavres à demi-rongés couvraient encore le grand chemin de Bressuire ; le carnage d’après ces indices avait dû être affreux. »

     

    Mémoires de Louis Monnier, ancien officier du général Vendéen Stofflet. Il nous parle du village de Gesté dans le Maine-et-Loire.

     

    «  Il fallait passer le bourg de Gesté qui était en feu. Il faisait noir ; nous nous arrêtâmes un instant à l’entrée du bourg pour voir s’il n’était point resté de bleus (les républicains). Comment passer ? Les maisons en feu tombaient dans les rues. Heureusement que nos chevaux n’étaient pas peureux. Nous passions sur ces chevrons qui brûlaient. Nous voyions dans les portes des femmes égorgées que le feu brûlait et des enfants massacrés que l’on avait jetés dans les rues. Tel fut le spectacle que nous eûmes en traversant le bourg à dix heures du soir. Ce qui m’effraya le plus, fut une maison qui était tout en feu. Nous aperçûmes dans les chambres du bas une quantité  de victimes qui brûlaient, et dont l’odeur, qui sortait par les croisées, nous infectait. A peine étions-nous passés de quinze pas, que la maison s’écroula. La charpente tomba dans la rue, ce qui fit un feu épouvantable. »

     

    Toujours le même, cette fois-ci à la Jumellière, en Maine-et-Loire :

     

    « A un quart de lieu de la Jumellière, j’aperçois, dans un coin de chemin, un monceau de victimes, amoncelées comme une corde de bois, entre un chêne et un grand piquet. Il y en avait à la hauteur d’un homme et plus de quinze de long, tête à pied. Ce spectacle m’effraya. Mais c’était comme rien. A cinquante pas plus loin, j’aperçois un homme, dans le coin d’un champ de genêts, qui baissait la tête et la relevait ; je crus que c’était l’ennemi qui était dans le champ de genêts. Je fais filer mes deux cavaliers derrière moi, au bout du champ, pour bien regarder s’ils ne voyaient rien. Ce malheureux m’aperçut et se sauva. Je lui criai : « Arrête ! ou tu es mort »  Il vint à moi ; je lui dit : « Que fais-tu-là ? » Il avait une pelle sur l’épaule ; il me dit : « Ah ! j’ai eu grand’peur. » Il se mit à pleurer. « Voyez, me dit-il, dans le milieu du chemin, ma femme égorgée, mes cinq enfants avec, et je suis à faire une fosse pour les mettre.»  Je fis dix pas : j’aperçus une femme étendue dans la boue, un enfant sur le bras gauche, un sur le bras droit, un autre sur la jambe gauche, un autre sur la droite, et le cinquième au sein de sa mère ; tous avaient la tête ouverte, le cerveau ôté et mis dans la poche du tablier de la mère. Jamais aucun homme ne pourra croire une barbarie pareille. »

     

    Mémoires de Boutillier de Saint-André, habitant de Mortagne-sur-Sèvre, qui fuit l’horreur en direction des Herbiers.

     

    « En arrivant aux Herbiers, nous trouvâmes tout le bourg dévoré par les flammes. Les républicains y avaient passé le jour d’avant et y avaient mis tout à feu et à sang. Les maisons brûlaient encore ; les charpentes, les couvertures s’écroulaient de toutes parts avec un fracas épouvantable. Des tourbillons d’étincelles et de fumée s’élevaient des ruines comme des trombes de poussière.

    Des cadavres gisaient dans les rues. Nous ne vîmes dans ces lieux désolés que quelques chats qui n’avaient pas encore abandonné leurs demeures détruites. »

     

    Dénonciation devant les membres du comité de surveillance de la société populaire de Fontenay-le-Peuple (redevenu aujourd’hui Fontenay-le-Comte). La femme qui se plaint ici est une républicaine, son seul défaut est d’habiter la Vendée ; nous respectons l’orthographe du temps :

     

    «  A comparu la citoyenne Marianne Rustand, de la commune du Petit Bourg des Herbiers, qui a déclaré que, lorsque les volontaires de la division de Grignon sont arrivés chez elle, elle fut au-devant d’eux pour leur faire voir un certificat qu’elle avoit  du général Bard, et leur offrit à se rafraîchir, mais que ceux-ci, plus furieux que des tygres, lui avoient répondu qu’ils en vouloient à sa bourse et à sa vie ; lui ôtèrent environ quarante-deux livres, seul argent qu’elle avoit. Non contens de cela, ils l’obligèrent, en la menaçant, à rentrer chez elle  pour leur montrer l’endroit où elle pourroit en avoir caché. Dès qu’elle fut entrée, quatre d’entr’eux la prirent et la tinrent, tandis qu’au moins vingt de leurs camarades assouvirent leur brutale passion pour elle, et la laissèrent presque nue. Après quoi, ils furent mettre le feu dans les granges ; ce que voyant la déclarante, elle ramassa toutes ses forces pour aller faire échapper ses bestiaux : ce que trois d’eux voyant, ils coururent après elle pour la faire brûler avec ses bœufs. Et étant enfin parvenue à s’en échapper, elle se rendit auprès de sa mère, âgée d’environ soixante-dix ans, lui trouvant un bras et la tête coupés, après lui avoir pris environ neuf cents livres, seul produit de ses gages et de leur travail ; enfin elle fut obligée de l’enterrer elle-même. Après quoi, elle se couvrit des hardes qu’on avoit laissées chez sa mère, et parvint enfin à se rendre chez le citoyen Graffard des Herbiers, où elle fut en sûreté, et a déclaré ne savoir signer.

     

    Signé Bossin, Guilet, Belliard, Massé. »

     

     

     

    Registres clandestins de l’abbé Robin, prêtre caché à la Chapelle-Basse-Mer, en Loire-Atlantique.

     

    « Là c’étaient de pauvres jeunes filles toutes nues suspendues à des branches d’arbres, les mains attachées  derrière le dos, après avoir été violées. Heureux encore quand, en l’absence des Bleus, quelques passants charitables venaient les délivrer de ce honteux supplice. Ici, par un raffinement de barbarie, peut-être sans exemple, des femmes enceintes étaient étendues et écrasées sous des pressoirs. Une pauvre femme, qui se trouvait dans ce cas, fut ouverte vivante au Bois-Chapelet, près le Maillon. Le nommé Jean Laîné, de la Croix-de-Beauchêne, fut brûlé vif dans son lit où il était retenu pour cause de maladie. La femme Sanson, du Pré-Bardou, eut le même sort, après avoir été à moitié massacrée. Des membres sanglants et des enfants à la mamelle étaient portés en triomphe au bout des baïonnettes.

    Une jeune fille de la Chapelle fut prise par des bourreaux, qui après l’avoir violée la suspendirent à un chêne, les pieds en haut. Chaque jambe était attachée séparément à une branche de l’arbre et écartée le plus loin possible l’une de l’autre. C’est dans cette position qu’ils lui fendirent le corps avec leur sabre jusqu’à la tête et la séparèrent en deux. »

     

    Lettre de Morel et Carpanty, deux républicains qui se plaignent au Comité de Salut Public qu’eux-mêmes ne sont pas à l’abri des Colonnes Infernales. Cette lettre est datée du 24 mars 1794 :

     

    «  A Montournais, aux Epesses, et dans plusieurs autres lieux, Amey fait allumer des fours et lorsqu’ils sont bien chauffés, il y jette les femmes et les enfants. Nous lui avons fait des représentations ; il nous a répondu que c’était ainsi que la République voulait faire cuire son pain. D’abord on a condamné à ce genre de mort les femmes brigandes (les Vendéennes), et nous n’avons trop rien dit ; mais aujourd’hui les cris de ces misérables ont tant diverti les soldats et Turreau qu’ils ont voulu continuer ces plaisirs. Les femelles des royalistes manquant, ils s’adressent aux épouses des vrais patriotes. Déjà à notre connaissance, vingt-trois ont subi cet horrible supplice et elles n’étaient coupables que d’adorer la nation. Nous avons voulu interposer notre autorité, les soldats nous ont menacé du même sort ».

     

     

     

    Ces détails qui ne représentent qu’un infime partie des horreurs révolutionnaires vous donneront une petite idée de ce que vous auriez vécu 200 ans plus tôt dans notre région…

     

    RL

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