• La colonne infernale Boucret/Caffin, 2ème partie....

     

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 2ème partie…

     

    1ère partie ici.

     

    Le 23 janvier 1794, Caffin écrit à Turreau depuis Maulévrier :

    « Depuis deux jours, il est parti environ deux cents charretées de grains, sans compter les fourrages. Personne ne pourrait croire la quantité de grains qui se trouvent dans les environs ; on en découvre partout et j’ose t’assurer que six cents charrettes ne serviraient qu’à éclaircir le pays.

    Je t’observe que Maulévrier, Isernay et quelques villages à un quart de lieue l’un de l’autre, composent plus de quinze cents maisons, sans y comprendre les métairies. Lorsque tout sera évacué, je ne veux pas qu’il en reste un vestige, et le pays sera purgé par le fer et le feu. Il ne m’échappera pas un brigand. Ce matin, je fais fusiller quatorze femmes et filles. »

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 2ème partie....

     

    Le même jour, Boucret écrit à Turreau depuis Châtillon :

     

    « J’ai étendu ma chaîne depuis Moulins jusqu’à Châtillon. J’ai laissé à la Tessouale deux cents hommes, jusqu’à l’arrivée du général *** (Caffin), je ne partirai de Châtillon que le 25. Je me diviserai en deux colonnes, l’une partant de Châtillon pour se rendre au Temple, l’autre de Châtillon à la Boissière, qui correspondra avec celle de *** (Grignon) qui devra se trouver à la Pommeraie.

    Je serai le 27 aux Epesses où j’attendrai de nouveaux ordres. Toute la partie que j’ai parcourue a été exactement fouillée ; il ne reste rien à désirer. J’ai deux fois fait en petit ce que nous faisons en grand ; rien n’a échappé à ma surveillance. Je ne sais pas ce que c’est que d’écrire laconiquement (1). Sois sûr général, que je ferai toujours mon possible pour mériter ta confiance. »

     

    Boucret n’aura pas grand travail à faire pour brûler Châtillon si on en croit la description qu’en fait Lucas de la Championnière à la mi-décembre 1793. La ville ne s’est visiblement pas remise des combats du mois d’octobre précédent (2) :

    « On continua la route sans incident jusqu’à Maulévrier : nous trouvâmes à Châtillon les traces encore récentes du combat qui y avait eu lieu ; la ville était entièrement incendiée, quelques petites maisons encore debout étaient remplies de femmes ; pas un homme dans tout le pays. Outre les fosses immenses qu’on voyait à l’entour de la ville, des cadavres à demi-rongés couvraient encore le grand chemin de Bressuire ; le carnage d’après ces indices avait dû être affreux. »

    Châtillon-sur-Sèvre (Mauléon), en 1812 sur le cadastre des AD79 (3 P 59/2). Les bâtiments colorisés en jaune indiquent un état de ruine. Il me semble inutile d’ajouter des commentaires.

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 2ème partie....

     

    Le détachement de Boucret, parti vers le Temple, brûle ce bourg, ce qui ne fait guère de doute, mais semble avoir épargné l’église, qui à l’époque n’est autre que la chapelle de l’ancienne commanderie déjà évoquée ici. De là, on peut supposer que ce détachement va incendier le bourg de la Chapelle-Largeau. On trouve quelques traces de maisons ruinées sur la partie ouest de la commune et quelques unes dans le bourg comme on peut le voir sur le cadastre de 1812 (AD79, 3 P 124/4). Les fermes de l'Armite (l'Ermite en français) et du Génelier pourraient bien avoir vu passer l'horreur et l'incendie. L’église ne semble pas avoir été touchée, ou alors reconstruite entre temps :

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 2ème partie....

     

    Le lendemain 24 janvier, Caffin écrit de Maulévrier :

    « J’ai perdu hier une journée entière faute de charrettes. Aujourd’hui j’en fais charger soixante-cinq au bourg des Echaubrognes, je doute encore si elles suffiront pour enlever toutes les subsistances, et si je pourrai l’allumer (3). S’il ne me restait que les brigands, je partirais de suite, car je les ai bien éclaircis, et si je n’en avais pas besoin pour conduire les charrettes, je ferais tuer le reste.

    Donne tes ordres, je t’en prie, général, pour faire filer des charrettes de ce côté-ci. Je crains d’être forcé de partir avant que toutes les subsistances ne soient enlevées, et par conséquent de ne pouvoir incendier, voulant suivre tes ordres strictement. »

    Pour rappel, les parcours approximatifs des colonnes Boucret et Caffin établis par Nicolas Delahaye (4). Cette carte est à mémoriser et va nous aider à comprendre la suite des opérations, y compris dans les articles à venir :  

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 2ème partie....

     

    Parrallèlement et à la même date, Boucret écrit depuis Châtillon :

    « Je t’envoie trente-deux pièces d’église, dont sept trouvées par deux volontaires, et vingt-cinq trouvées par moi dans un caveau. Il me manque des voitures, je laisse quantité de grains sur mes derrières. J’ai fait pousser des patrouilles de cavalerie sur toutes les routes et issues : on n’a rien trouvé. Je n’ai point de nouvelles sur la position des brigands. Je partirai de Châtillon demain 25. »

    Le 25 janvier, Caffin écrit depuis Maulévrier :

    « Aujourd’hui je vais commencer à évacuer Isernay. J’y envoie toutes les charrettes, elles ne suffiront pas ; mais on peut faire deux tours à Maulévrier où j’établis un dépôt, d’après l’approbation que tu as donnée à la proposition de Beaudesson. Le magasin de grains est établi dans l’église et celui des fourrages sous les halles, cela ne m’empêche pas d’incendier, vu qu’il n’y a pas de grandes communications.

    Pour le bien de la République, les Echaubrognes ne sont plus, il n’y reste pas une seule maison. On y a trouvé six volontaires assassinés et des fusils de munition. Rien n’a échappé à la vengeance nationale. Au moment où je t’écris, je fais fusiller quatorze femmes qui m’ont été dénoncées (5).

    Je te préviens que je n’ai ni meuniers ni boulangers pour les subsistances de la troupe ; ils sont tous en fuite. Le pain sera dû demain, et il n’y en a pas ici. »

    Etats des bourgs de Saint-Pierre et Saint-Hilaire-desEchaubrognes en 1812 (cadastre des AD79, 3 P 287/4 et 3 P 287/11) :

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 2ème partie....

    Il s’agit bien ci-dessous de Saint-Hilaire contrairement à l’annotation du plan :

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 2ème partie....

    La colonne de Boucret s’est divisée en deux. L’un de ses détachements est parti vers le Temple comme nous venons de le voir, l’autre vers Saint-Amand-sur-Sèvre, en passant par la Petite-Boissière. Ce détachement est-il passé par le grand chemin de Châtillon à Fontenay, visible sur la carte de Cassini et totalement disparu de nos jours ?

    Ici sur la carte de Cassini de Géoportail :

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 2ème partie....

    C’est ce que nous allons essayer d’étudier dans le prochain article.

    A suivre ici.

    RL

    Juin 2019

     

     

    Notes :

    (1)  Note de Savary : « Turreau lui reprochait d’être trop laconique dans sa correspondance ; il voulait que l’on entrât dans tous les détails d’incendie, etc, que *** (Boucret) semblait ne pas oser avouer. »

    (2)  Mémoires de Lucas de la Championnière, p. 65.

    (3)  Souligné par Savary.

    (4)  « Les 12 Colonnes Infernales de Turreau », Pays & Terroirs, 1995, p. 113.

    (5)  C’est la seconde fois en deux jours que Caffin annonce avoir fait fusiller 14 femmes.

     

     


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