• Etude de trois souterrains....

     

    Etude de trois souterrains… 

     

    Histoire de faire une pause avec les Guerres de Vendée, je vous propose cette étude scientifique de Jérôme et Laurent Triolet, parue dans le Bulletin de la Société Historique et Scientifique des Deux-Sèvres, Troisième série, Tome II, 2ème semestre 1994, Actes du Congrès de Bressuire, p. 307 à 326. D’ici quelque temps, vous aurez un autre article, consacré à la visite du souterrain du Pin, illustré avec les photos de ma visite personnelle du site.

    Bonne lecture,

    RL

    Octobre 2019

     

    Nouvelles découvertes de souterrains aménagés dans la région de Bressuire.

    Le département des Deux-Sèvres possède indéniablement un patrimoine souterrain digne d’intérêt. Les publications de notre collègue Raymond Proust attestent de la présence de nombreux réseaux parmi lesquels de beaux souterrains-refuges.

    Poursuivant nos investigations dans le Centre-Ouest, nous avons été contactés par le maire du Pin (1) qui venait de découvrir un souterrain sous l’église de cette commune. L’étude de ce souterrain aménagé nous a ensuite amenés à nous intéresser à d’autres réseaux inédits des environs de Bressuire.

    Après avoir rappelé quelques généralités relatives aux souterrains aménagés du Centre-Ouest, nous présenterons dans cette publication les résultats de notre étude sur ces réseaux des Deux-Sèvres et préciserons l’apport qu’il en résulte quant à la connaissance des souterrains aménagés en France.

    Etude de trois souterrains....

    Les souterrains aménagés du Centre-Ouest

    Les souterrains aménagés sont des réseaux taillés dans la roche et pourvus d’aménagements divers qui furent creusés par l’homme en vue d’une utilisation donnée. Ceux du Centre-Ouest de la France se divisent en deux catégories principales : les souterrains-refuges et les souterrains annulaires.

    Les souterrains-refuges étaient conçus pour accueillir temporairement, lors des périodes troublées de notre histoire, un groupe humain et ses moyens de subsistance tout en permettant sa protection. Ils se présentent comme une succession de salles reliées par des couloirs étroits et sinueux ne laissant le passage qu’à un seul homme.

    Des feuillures permettaient de disposer des barrages de bois ralentissant la progression des assaillants, des chatières étroites obligeaient les intrus à ramper, les exposant aux coups des réfugiés, et des trous de visée (meurtrières) permettaient aux défenseurs d’abattre les ennemis.

    D’autres aménagements à fonction utilitaire tels que les silos, les puits à eau, les trous d’aération ou les niches, facilitaient le séjour temporaire des réfugiés. La plupart de ces souterrains-refuges ont connu dans le Centre-Ouest une occupation durant la fin du Moyen Age ou les guerres de religion.

    Les souterrains annulaires sont beaucoup moins connus actuellement, et les principales études à leur sujet concernent les réseaux du Massif Central. Leur morphologie est typique : un couloir d’accès conduit à une ou plusieurs galeries décrivant un anneau. Ne semblant pas avoir eu de but fonctionnel, on leur attribue un rôle cultuel. Ils auraient été creusés au début de l’implantation du christianisme, dans les campagnes éloignées des grands axes de circulation.

     

    Le souterrain annulaire de l’église du Pin

    LE RESEAU ET LE MOBILIER

    Découvert lors de travaux de terrassement en mai 1991, ce souterrain était déjà signalé par Adrien Blanchet en 1923. Le souvenir de son existence persistait alors sans doute dans les mémoires malgré son inaccessibilité. La description sommaire de l’ouvrage d’après le père Roux, qui l’aurait visité vers 1865, est probablement à l’origine de ce souvenir (2).

    L’ouverture découverte lors des travaux se situait à une quinzaine de mètres au Nord de l’église. Elle donnait dans un couloir étroit taillé avec soin dan le « chaple » (3). Tout près de l’ouverture subistaient les restes d’une feuillure (figure 1. F1).

    Après un effondrement commence le couloir soigneusement taillé. Il présente dans sa paroi sud plusieurs petites niches destinées à accueuillir des luminaires. Ce sont des niches à lampes. Le couloir conduit à une chatière (figure 1.g1) dont l’orifice présente une porte de bois. Déjà très étroit (moins de 50 cm de diamètre) et relativement long (près d’1 m 50), ce goulot est rendu encore plus difficile à franchir du fait de sa situation, à une cinquantaine de centimètres au-dessus du sol actuel du couloir.

    Cette chatière donne dans une petite salle (figure 1.A qui présente un trou d’aération foré dans sa voûte (figure 1. Ta1). Il débouche en surface à 8 mètres des murs de l’église. A ce niveau le souterrain est creusé à une profondeur d’environ 3,40 mètres.

    Le réduit A (figure 1) donne accès à la galerie annulaire sur laquelle se greffent trois autres boyaux. En se dirigeant vers la gauche (au Nord), on atteint très vite l’ouverture d’une galerie (figure 1.B) marquée à sa jonction avec l’anneau par une feuillure (figure 1.F3). Le boyau s’interrompt peu après au niveau d’un effondrement qui le met en communication avec l’extérieur.

    Après ce diverticule, la galerie annulaire se poursuit (figure 1, C), sa largeur dépasse alors un mètre et la roche est assez altérée. Dans la partie de l’anneau à peu près diamétralement opposée au réduit A, un bloc de granite fait saillie dans le couloir. Il s’agit d’un bloc de roche moins altérée et beaucoup plus résistante. Les hommes qui creusèrent le souterrain ont certainement buté sur cette portion plus dure et l’ont contournée en restant dans la zone la plus altérée. De ce fait, la galerie annulaire présente une chicane au niveau du bloc dont les surfaces lisses dépassent de la paroi.

    Face à ce rocher, dans la paroi opposée, s’ouvre un nouveau goulot (figure 1, g2) qui débouche dans un réduit long de trois mètres. Dans la voûte est percé un trou d’aération de très faible diamètre qui, actuellement, ne débouche pas en surface (figure 1, ta2). Au fond, la petite salle est envahie par de la terre issue d’un effondrement. Cette partie du souterrain se situe sous l’église et plus exactement, sous la chapelle Sainte-Anne. L’effondrement marque la proximité de la surface qui correspondrait à un ancien accès depuis la chapelle.

    Après ce réduit, la galerie annulaire dessine un coude. A ce niveau sont forés trois trous d’aération dans le plafond. Deux d’entre eux (figure 1, ta3 et ta4), bien que longs de 2,50 m à 3,50 m ne débouchent pas. Nos estimations indiquent qu’ils se dirigent vers les fondations de l’église et qu’ils doivent s’achever dans la maçonnerie. Le troisième trou (figure 1, ta5) d’une longueur de 3,70 m débouche en surface, à moins d’un mètre du mur de l’église.

    Il s’agit de l’unique partie du souterrain présentant groupés, plusieurs trous d’aération. Il semble bien que les trous ta3 et ta4 n’aient jamais abouti. Ils constitueraient ainsi les essais infructueux de la part des hommes qui creusèrent le souterrain, des erreurs d’orientation les ayant fait aboutir dans les fondations de l’église. Ce n’est qu’à la troisième tentative que le forage a pu atteindre la surface sans buter sur les soubassements de l’édifice et constituer ainsi un trou d’aération fonctionnel.

    Selon cette hypothèse, le souterrain aurait été creusé ou aménagé postérieurement à l’église actuelle. Ceci nous permettra d’avancer une limite inférieure à la datation du creusement ou de l’aménagement de cette partie du réseau. Sous ces trous d’aération, dans la paroi externe de l’anneau, sont creusées deux petites niches superposées. Cet aménagement est semblable à celui existant dans le souterrain aménagé de Prinçay (Vienne). A Prinçay, il se rencontre sous tous les trous d’aération, à une exception près. Nous pensons qu’il permettait la mise en place du dispositif destinée au forage du trou d’aération, effectué depuis l’intérieur du souterrain.

    Après ces conduits d’aération, la galerie annulaire se poursuit, envahie en partie par un nouveau rocher en saillie. Il s’agit de l’autre extrémité du bloc de granite dur déjà rencontré. Ici les bâtisseurs n’ont pas détourné le couloir, ils n’ont pas taillé le matériau le plus dur mais ont laissé l’excroissance qui n’occupe qu’une faible portion du boyau et n’interdit pas le passage. La galerie annulaire se poursuit et présente un nouveau coude au niveau duquel se greffe un quatrième boyau.

    Une feuillure (figure 1, F4) indique que ce couloir pouvait, peu après son ouverture, être obstrué par une porte. Cette galerie, longue de six mètres, remonte vers la surface et se termine, par un coude, par un effondrement. Ce point correspond probablement à un ancien accès depuis l’extérieur. Or l’effondrement se localise sous la nef de l’église. Depuis l’église il y aurait donc eu deux accès, l’un depuis la chapelle Sainte-Anne et l’autre depuis la nef.

    Après l’ouverture de ce boyau, la galerie annulaire rejoint le débouché de la salle A, terminant ainsi l’anneau. C’est à ce niveau, à peu près en face de l’ouverture de la salle A, qu’a été découverte une poterie juste après la mise à jour du souterrain, lors des premières explorations du réseau. La poterie était en place et peu endommagée. Il s’agit d’un vase muni de deux anses.

    L’analyse pas thermoluminescence ayant donné une datation à nos yeux aberrante (du Ier au VI° siècle après J-C), nous avons contacté M. Gendron, conservateur des musées de Niort. Celui-ci nous a confirmé le caractère aberrant du résultat de l’analyse par thermoluminescence. Il lui paraît évident que ce vase ne peut-être antérieur à l’époque gothique et opte d’une façon assez catégorique pour la fin du Moyen Age. Bien que n’ayant pas eu ce vase en main, Monsieur Gendron considère qu’il pourrait dater du XIV° siècle (peut-être du XV° siècle).

    Monsieur Laffargue nous a par ailleurs confirmé une datation autour du XV° siècle. Cette poterie correspond certainement à une relique du mobilier des utilisateurs du souterrain. Son âge permet de dater l’une des occupations du réseau.

    Etude de trois souterrains....

     

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    LIENS AVEC L’EGLISE ET DATATION

    Tel qu’il apparaît actuellement, le souterrain annulaire est en relation évidente avec l’église du Pin. Il a existé, semble-t-il deux accès depuis l’édifice religieux, l’un sous la chapelle Sainte-Anne, l’autre sous la nef. L’église dont la dédicace est à Notre-Dame aurait remplacé un lieu de pèlerinage à Notre-Dame. Elle a subi de nombreux remaniements depuis sa construction. Elle a notamment été restaurée à la fin du XIX° siècle. C’est à cette époque que Bélisaire ledain l’a étudiée, s’opposant aux plans de restauration de l’architecte du diocèse de Poitiers. Il nous donne une description de l’édifice avant les travaux et apporte une datation.

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    Ainsi, pour lui, la nef date de la première moitié du XI° siècle, le transept, le chœur et le sanctuaire ont été construits entre 1100 et 1125. Au XV° siècle, le fond de l’abside a été remplacé par une muraille droite, et un nouveau clocher, carré et adjoint d’une tour d’escalier à pans coupés, a été édifié. En cette fin de XIX° siècle, il constate que la voûte de la nef est en grande partie détruite et ce, sans doute, depuis les guerres de religion.

    Nous avons vu précédemment que les trous d’aération ta3 et ta4 aboutissaient dans les fondations de l’église, au niveau de la nef. Cette erreur d’orientation permet de considérer que l’édifice religieux était déjà construit lors du creusement de ces trous d’aération. Ainsi, le forage des ces trois conduits localisés dans la partie sud de l’anneau, serait postérieur à 1050. En outre, les traces du dispositif de creusement (petites niches superposées creusées dans la paroi à l’aplomb du trou d’aération) sont identiques à celles observées dans le souterrain de Prinçay que nous avons daté du XV°-XVI° siècle. Ainsi, ces trois trous d’aération ont certainement été creusés durant le bas Moyen Age, et sans doute plutôt vers la fin de cette période.

    Autre élément de datation, la poterie trouvée dans le souterrain et estimée du XIV°-XV° siècle. Cette fois, il ne s’agit pas de la datation d’une époque de creusement, mais de la datation d’une période d’occupation. Ainsi, les éléments de datation à notre disposition permettent d’envisager un aménagement du souterrain après 1050, même plutôt vers la fin du bas Moyen Age, et une occupation du souterrain aux XIV°-XV° siècles.

    REFLEXION QUANT A LA GENESE DU RESEAU

    Ce souterrain annulaire suscite diverses interrogations. Sa liaison à l’église ne fait aucun doute, mais l’a-t-il précédée ou lui a-t-il seulement succédé ? Le creusement des trous d’aération (figure 1, ta3, ta4, ta5) s’est fait, semble-t-il, alors que l’église était déjà édifiée, mais est-il contemporain de la conception de la totalité de ce souterrain, ou ne constitue-t-il que l’aménagement d’un souterrain préexistant ?

    On peut en effet se demander si le souterrain tel qu’il se présente actuellement a été creusé en une seule étape. En effet, pour un souterrain annulaire, il présente un plan assez complexe et quelque peu différent de celui des autres ouvrages étudiés en France. En règle générale, les chatières et les feuillures semblent absentes des souterrains annulaires. De plus, l’actuel couloir d’accès ressemble plus à un boyau de souterrain-refuge.

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    Etude de trois souterrains....

    Maurice Franc, spécialiste des souterrains annulaires de la Montagne bourbonnaise, nous a fait part de quelques hypothèses au sujet de l’éventuelle évolution du souterrain du Pin. En supprimant l’actuel couloir d’accès, le recoin B et la salle D, le plan du souterrain correspond à celui d’un annulaire type. La salle A constituant alors ce que Maurice Franc appelle « la chapelle » dans les souterrains annulaires du Bourbonnais, avec son trou d’aération.

    Selon lui, les autres trous d’aération (ta3, ta4, ta5) ne seraient pas contemporains de ce premier annulaire. Il est vrai que ta1 ne présente pas les niches destinées à accueillir le dispositif de creusement visible au niveau des trois autres trous. Les souterrains annulaires types ne présentent qu’un unique trou d’aération, dans la chapelle.

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    Ainsi, Maurice Franc envisage une évolution en trois étapes : un souterrain annulaire classique précédant l’église. Ensuite, la construction de l’édifice religieux tout en intégrant le réseau, et enfin, l’aménagment de feuillures et chatières permettant de conférer au souterrain un rôle refuge. Ces hypothèses, quoique hardies, nous paraissent fort intéressantes. Elles permettent d’expliquer les nombreux couloirs d’accès, l’existence de feuillures et la datation étonnante du bas Moyen Age pour le creusement des trois trous d’aération. Les souterrains annulaires semblent en effet plutôt dater, en France du haut Moyen Age.

    Cependant, il se peut très bien qu’il ait existé des souterrains annulaires présentant des chatières d’origine, leur implication cultuelle dans les rites de passage à travers expliquant leur présence. Ainsi, nous serions tentés, tenant compte de ces remarques et des connaissances actuelles sur les souterrains annulaires, de considérer un souterrain annulaire antérieur à l’église, c’est-à-dire à 1050, pouvant servir à des rites païens.

    Il aurait ensuite été récupéré par l’Eglise lors de la construction, en surface, de l’édifice religieux, l’entrée s’ouvrant sur la nef, alors qu’un autre accès pouvait exister sous la chapelle Sainte-Anne. Il aurait subi de nouveaux aménagements après la construction de l’église, dont le percement des trous d’aération ta3, ta4 et ta5, et aurait été occupé jusqu’au XIV°-XV° siècle.

    En conclusion, il apparaît que ce souterrain a connu un aménagement au moins partiel après 1050 et une occupation durant le XIV°-XV° siècle. Il appartient au groupe des souterrains annulaires dont l’origine semble pré-chrétienne et a été intégré à un ensemble cultuel chrétien. Il est particulièrement intéressant de noter à ce  sujet que les cultes de Notre-Dame et de Sainte-Anne sont souvent considérés comme des christianisations du culte celtique de la terre-mère. Ana, déesse-mère des Celtes, symbole de fertilité et déesse du monde souterrain, aurait en effet été tradivement christianisée en Sainte-Anne (au VIII° siècle), mère de la Sainte-Vierge.

    Le réseau a traversé les siècles, restant certainement accessible après les XIV°-XV°, puisque le souvenir de son existence demeurait encore dans les mémoires à la fin du XIX° siècle.

     

    La Combe à Courlay

    Le souterrain aménagé s’ouvre à proximité de la ferme de la Combe, au bord du chemin. Sa découverte en 1992, s’est faite suite à un effondrement de la voûte dans un champ. Le souvenir de son existence avait totalement disparu, semble-t-il de la mémoire des habitants du hameau. Le propriétaire des lieux a décidé de conserver l’ouvrage et entrepris son déblaiement. Si bien qu’aujourd’hui, il est possible pour visiter le souterrain d’emprunter l’accès d’origine qui n’était plus praticable depuis des années.

    Une tranchée à ciel ouvert constitue son accès. Munie de marches, elle permet de s’enfoncer dans le sol et d’atteindre la roche (un schiste) dans laquelle a été creusé le souterrain. Après quelques mètres, la descente se greffe sur un boyau qui n’est plus à ciel ouvert, mais entièrement creusé dans la roche. Cette nouvelle galerie se termine rapidement en cul-de-sac sur la droite (au Nord), alors que sur la gauche, elle conduit au reste du réseau. De ce côté, juste après le débouché de la tranchée d’accès, se situent les restes d’une feuillure qui permettait de clore la galerie à l’aide d’un barrage de bois.

    La hauteur du couloir est alors de 1,65 m. Il faut donc se courber un peu pour progresser. Peu après, un trou vertical qui semble être un trou d’aération, s’ouvre au plafond. Creusé depuis le souterrain apparemment à l’aide d’un outil de type barre à mine, il s’avère plus étroit que les trous d’aération habituels (seulement 5 cm de diamètre). Ce couloir constituait l’unique accès à la galerie annulaire.

    Deux petites niches creusent les parois de l’anneau et un trou d’aération, semblable au précédent, perce la voûte dans sa partie occidentale. C’est à proximité de ce trou d’aération que bée l’ouverture marquant l’effondrement à l’origine de la découverte du souterrain. Il faut noter qu’au niveau de l’anneau, il existe encore une certaine quantité de remblais, et nous pouvons seulement établir que la hauteur de la galerie dépassait par endroits 1,30 m.

    Etude de trois souterrains....

     

    Peu d’éléments sur ce souterrain. Il s’agit d’un souterrain annulaire, creusé dans un schiste dur, avec une feuillure et deux trous d’aération. Comme tous les souterrains annulaires, il s’ouvre à proximité immédiate d’habitations. Il a été découvert de nombreux tessons de poterie lors du déblaiement et il semble possible d’en dater une partie de la fin de bas Moyen Age (certains paraissent d’ailleurs appartenir à des vases très voisins de celui trouvé dans le souterrain annulaire du Pin).

    Ainsi ce souterrain annulaire aurait pu connaître une utilisation vers la fin du Moyen Age.

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    Le Plessis-Prévôt à Combrand

    L’accès à ce souterrain aménagé se situe dans une grange appartenant au hameau du Plessis. Cette entrée semble constituer un des accès d’origine du souterrain. Le couloir est d’abord à ciel ouvert, puis il s’incurve, présente une portion couverte par de grandes dalles jointes grâce de petits blocs, et enfin il devient rectiligne, voûté en plein cintre et entièrement appareillé.

    Cette disposition, une galerie recouverte de dalles ou présentant une voûte construite, est typique des couloirs d’accès de nombreux souterrains aménagés. En effet, du fait de la proximité de la surface, les maîtres d’œuvre, creusaient souvent une tranchée à ciel ouvert qui s’enfonçait dans la roche. Creusement et évacuation des déblais étaient alors plus faciles. Tant que la profondeur était insuffisante, ils recouvraient, après creusement, la tranchée par des dalles ou une voûte construite, de façon à former un couloir. Puis lorsqu’ils se trouvaient suffisamment profond pour laisser au-dessus des boyaux une épaisseur de roche qui garantissait la solidité de la voûte, ils taillaient directement le couloir au cœur de la roche.

    Le couloir appareillé rectiligne présente une feuillure (figure 3, F1). Il s’agit d’un intéressant dispositif de fermeture. Dans la paroi droite, à 0,70 m du sol, se trouve une ouverture rectangulaire. Il s’agit du débouché d’un volume libre, ménagé dans l’épaisseur de l’appareillage et qui correspond à celui d’un madrier de plus d’un mètre long. Dans la paroi opposée s’ouvre une niche parallélépipédique dont l’ouverture présente des dimensions identiques à celle qui fait face.

    Cet aménagement accueillait certainement un dispositif de fermeture à barre filante. Un madrier était rentré dans le volume ménagé dans la paroi droite, il pouvait glisser et venir se ficher dans la niche préservée dans la paroi opposée. Il suffisait alors de bloquer le dispositif grâce à une cheville de bois pour former un barrage dans le couloir. Le système de fermeture à barre filante semble assez rare, le seul autre que nous connaissions se situe dans un souterrain du nord de la Vienne.

    Après la feuillure, la galerie appareillée se poursuit, et, dans la paroi, s’ouvre un goulot. C’est à quatre patte que se franchit cet accès appareillé de section rectangulaire. Il débouche dans un réduit ovoïde taillé dans le chaple (granite altéré). Depuis l’intérieur, on se rend compte que le boyau d’accès était à l’origine plus haut, et que c’est la construction de l’appareillage qui l’a réduit à un goulot.

    Difficile d’attribuer une fonction à ce réduit, le goulot peut avoir un rôle défensif, mais la salle semble trop petite pour abriter un ou plusieurs réfugiés, et il n’existe pas de tuyau d’aération. Il pourrait plutôt s’agir d’un magasin, une ouverture de petite taille étant plus facile à clore hermétiquement.

    Peu après cet accès, la galerie principale n’est plus appareillée et creuse directement la roche. Elle devient plus étroite et plus irrégulière, décrivant des coudes.

    Il subsiste dans ses parois des traces de feuillures (figure 3, F2, F3) alors qu’un effondrement s’observe au niveau d’un élargissement. Peu après, le couloir se sépare en deux branches. Juste au niveau du carrefour, un trou d’aération est percé dans la voûte (figure 3 : ta1). La branche gauche se compose d’un couloir qui, après deux mètres, donne accès à deux galeries  en cul-de-sac. Il est en fait possible de les considérer comme deux salles dont les ouvertures se font face. L’une d’elles, sur la gauche, présente à son entrée une feuillure en virgule qui semble destinée à fermer la « salle » depuis l’extérieur.

    Assez longue et plutôt étroite, cette « salle » présente au-dessus du sol un élargissement ou une sorte de niche qui semble correspondre à une portion de roche plus friable qui, en s’effritant, a ménagé un volume libre. La « salle » qui lui fait face, sur la droite, ne présente aucun aménagement. Il s’agit d’une galerie en cul-de-sac, à son extrémité, un petite rebord ménagé dans la roche. Son creusement est-il achevé ?

    Etude de trois souterrains....

    Etude de trois souterrains....

    Au niveau de la galerie principale, s’ouvre l’autre branche du souterrain. Le nouveau boyau, dans lequel il faut se courber, présente, au niveau d’un coude, une ouverture dans sa paroi gauche. Celle-ci débouche dans un réduit (figure 3, D) dont l’accès pouvait se clore par une feuillure. Ce réduit, creusé un peu en contrebas, était, lors de notre visite, envahi par des eaux stagnantes et la présence de fentes de circulation d’eau nous fait penser à une fontaine. Il faut noter que, dans la voûte du petit couloir d’accès, juste avant la feuillure et à la limite du couloir principal, s’ouvre un nouveau trou d’aération (figure 3, ta2).

    Après ce réduit, la galerie principale se poursuit et, sur la gauche, un nouveau boyau. Il se ramifie en deux courtes galeries sans issue dont l’une semble inachevée (à l’est). Un trou d’aération perce la voûte au point d’intersection entre le couloir d’accès et les deux galeries (figure 3, ta3). Après ce boyau, le couloir principal présente une taille moins régulière. Sinueux, muni de trois trous d’aération, il devient de plus en plus encombré par des remblais et finit par être impraticable après une dizaine de mètres.

    Curieux souterrain que celui du Plessis-Prévost. Il s’agit d’un souterrain aménagé mais, s’il n’est pas annulaire, il ne nous semble pas vraiment refuge. Certes, il possède des feuillures, mais il ne semble pas destiné à accueillir des réfugiés. Il est impossible de reconnaître une organisation défensive, même rudimentaire, les salles ne semblent pas destinées au séjour d’hommes, et seuls les trous d’aération paraissent attester d’une occupation humaine.

    Son creusement dans une granite dur a pu limiter le travail des maîtres d’œuvre et peut-être est-il inachevé en partie ? En outre les effondrements de la partie terminale nous empêchent d’en savoir plus... A Cadiou, commune de Cirières, il existe un souterrain du même type : un réseau tout en galeries avec de nombreux embranchements. Ce type de réseau répond certainement à une préoccupation humaine précise, mais elle nous échappe encore.

     

    Conclusion

    Ces trois souterrains aménagés attestent de la richesse des découvertes qu’il est encore possible de faire dans le sous-sol de la région de Bressuire. Le souterrain du Plessis-Prévôt reste énigmatique quant à sa fonction, et l’étude de réseaux du même type permettra peut-être d’apporter quelques réponses. En revanche, l’étude des deux autres souterrains, et en particulier de celui de l’église du Pin, apporte des informations supplémentaires sur les souterrains annulaires.

    Ils s’ajoutent en effet à ceux déjà connus dans la région et nous avons des indications sur d’autres réseaux du même type à étudier. Il faut ainsi considérer outre le Massif central, le sud du Massif armoricain dans l’aire de répartition des souterrains annulaires français. Il est intéressant de noter que les deux grandes zones d’implantation des souterrains annulaires en France correspondent à deux massifs anciens, zones montagneuses (même si les reliefs restent modestes) à l’écart des grandes voies de communication.

    Etude de trois souterrains....

    Le souterrain du Pin confirme, du fait de sa liaison avec l’église, le rôle cultuel que semblent avoir tenu les souterrains annulaires. Il tend également à prouver que ces cultes d’origine païenne ont sans doute été récupérés par l’Eglise, voire entretenus par celle-ci.

    L’aménagement du souterrain du Pin semble bien s’être prolongé après la construction de l’église en 1050, et le réseau a connu une utilisation au XIV°-XV° siècle, même si cette occupation ne correspondait pas nécessairement à la fonction première du souterrain aménagé.

    La Thoérie (41) – Jérôme et Laurent TRIOLET

     

    NDLR : des photos en couleur du souterrain du Plessis-Prévôt sont disponibles ici. Le souterrain du Pin en photos ici.

     

     

    Notes :

    (1)  Madame Noëlle Pouplin, érudite locale, était maire de la commune au moment de la publication de cette étude (NDLR).

    (2)  ADDS, 16 F 55.

    (3)  Le chaple est le nom local donné au granite altéré (ou arène). Ici il s’agit d’un granite à biotite, appelé granite du Pin. Ce sont les circulations d’eau qui sont responsables de la forte altération affectant certaines portions du massif granitique.

     

    Bibliographie

    Raymond Proust : « Quelques ouvrages souterrains inédits du sud-est des Deux-Sèvres », in Bulletin de la Société Historique et Scientifique des Deux-Sèvres, 2e série, tome VII, 1974, n°2-3.

    Raymond Proust : « Les souterrains de Bonneuil et de la Méchinière », in Bulletin de la Société Historique et Scientifique des Deux-Sèvres, 2e série, tome XIII, 1980, n°2-3.

    Maurice Franc et Olivier Giron : « Les souterrains annulaires en Montagne bourbonnaise », in Les Amis de la Montagne bourbonnaise, 1987.

    Bélisaire Ledain : « Notice archéologique sur l’église du Pin », in Bulletin de la Société des Antiquaires de l’Ouest, 4e trimestre, 1869.

    BRHAM : « Le souterrain de la Renolière », in Les carnets du BRHAM, n°1, Mauléon, 1989.

    Jérôme et Laurent Triolet : « Souterrains du Centre-Ouest, Editions de la Nouvelle-République, Tours, 1991.

    Jérôme et Laurent Triolet : « Les souterrains ; le monde des souterrains-refuges en France, Editions Errance, Paris, 1995.

    Remerciements :

    Pour nous avoir permis de réaliser cette étude, nous remercions :

    Madame Noëlle Pouplin, maire du Pin ainsi que MM. Joël Touraine et Philippe Larus ainsi que le municipalité du Pin.

    Monsieur Maurice Franc.

    Monsieur Gendron, Conservateur des musées de Niort.

    MM. Christian Sicault et Luc Laffargue.

    Monsieur et Madame Guy Gatard ainsi que Monsieur Pascal Paineau-Paugoy.

    Monsieur Hay.

     

     


  • Commentaires

    2
    Aba85
    Vendredi 1er Mai 2020 à 16:00

    J'ai lu avec intérêt cet article car, habitant à Courlay, j'ai souvent entendu parler d'un second souterrain situé à Courlay. Si cela vous intéresse, il se trouve aux environ de la Plainelière, la Ripaudière et la Charpenterie. D'après le souvenir des habitants, il reliait plus ou moins ces villages.

     

      • Vendredi 1er Mai 2020 à 19:42

        Bien sûr que ça m'intéresse ! D'autant que je connais un peu les lieux (je suis de Cerizay). Je devais visiter celui de Combrand au printemps, mais hélas, le coronavirus est arrivé entre temps.

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