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La colonne infernale Grignon/Lachenay à Cerizay, 3ème partie....
La colonne infernale Grignon/Lachenay à Cerizay
3ème partie
De Montigny à Saint-André-sur-Sèvre…
2ème partie ici.
Reprenons notre parcours avec Lachenay. On se demande ce qu’a pu faire ce dernier du 24 au 26 janvier 1794. L’ami Bruno Griffon de Pleineville me faisait remarquer récemment et avec raison qu’il a dû quelque peu s’ennuyer à Montigny. Au vu de la taille de l’église, qu’il semble avoir épargnée, il est peu probable qu’il y ait fait stocker des subsistances, qui d’ailleurs le seront à Cerizay (voir ici pour plus de détails). Malheureusement, il n’existe pas à ma connaissance de rapport de sa main mentionnant ses activités à la fin janvier 1794. Pour cette partie nous sommes donc contraints de nous fier au rapport d’Alexis Barillon, membre de la Société Populaire de Fontenay, qui a assisté à l’arrivée de Lachenay à Saint-Mesmin et dont j’avais publié le rapport ici.
Comme pour les deux premiers articles, nous allons tenter de reconstituer le parcours de Lachenay, cette fois depuis Montigny jusqu’à Saint-Mesmin, à partir des éléments que nous donnent le cadastre ancien.
Lachenay semble bien parti de Montigny ce 26 janvier 1794, par le chemin de la Preuille (qui s’appelle le Breuil à l’époque, un Breuil désignant un bois). Bizarrement, mais tout est bizarre avec la colonne de Lachenay, il ne semble pas avoir envoyé de détachement sur sa gauche pour incendier les villages situés sur la route de la Forêt-sur-Sèvre à Cerizay. La Chanelière et le Magny semblent ainsi épargnés. J’imagine que Lachenay est très pressé par les objectifs de Grignon et de son chef Turreau, qui s’imagine pouvoir tout brûler en 15 jours, en plein hiver...
En revanche, le sort sera rude sur la route de Beauchêne pour les villages de la Fichaudière, la Rigautière et la Vieille-Cour. La Rigautière est rayée de la carte. Jacques Brillant et sa femme Marie-Anne Bourreau sont massacrés* tandis que Lachenay va faire noyer dans un lavoir les habitants de la Vieille-Cour avant de mettre le feu aux bâtiments (1). Lachenay pousse jusqu’à Beauchêne et tente d'incendier la chapelle, sans succès. La vieille bâtisse, qui avait déjà connu les agressions protestantes, ne prendra feu que par la toiture. Des restes de charpentes brûlés se retrouveront tombés sur les voûtes, lors de travaux de réfection en 1949.
Lachenay arrive par ce chemin depuis Montigny:
L'une des maisons de la Vieille-Cour qui a vu l'horreur...
Lachenay ne s’attarde pas sur Beauchêne. Je suppose qu’il suppose que Grignon est en train de tout brûler sur Cerizay, alors qu’il est déjà à Montravers, comme nous l’avons vu précédemment. Jean-Baptiste Lachenay, poursuit sa route vers la Sèvre Nantaise et le Gué de l’Epine. Comme déjà dit, nous ne savons rien de la correspondance entre Lachenay et Grignon, sauf à considérer que Grignon était visiblement au courant de certaines affaires de son subordonné, notamment celle de la Vieille-Cour, qui se retrouve dans la correspondance produite par Savary, et que ce dernier n’a pas pu inventer. Où sont ces documents aujourd’hui ? Mystère. Et loin de soupçonner les « Communards » comme certains historiens politiques, je penche plutôt pour une disparition voulue par Savary lui-même, orchestrée dès le départ par Turreau, expliquant beaucoup de lacunes dans les écrits de Savary, et ainsi de suite.
On ne sait si en passant au Gué de l’Epine, Lachenay fait incendier les fermes de la Pigerie et de l’Ermitage. A cette époque, il y a au Gué de l’Epine, un gué, comme son nom l’indique, et un pont sur le bras de la Sèvre le plus important.
Cadastre de 1809 des AD79, 3 P 51/4 :
Tournant sur sa gauche, Lachenay se dirige vers Saint-André-sur-Sèvre. Sans doute brûle-t-il la Naulière (Roullère sur le cadastre) avant d’incendier la Boutinière, puis le Gué-au-Beau (prononcer « Guiôbô » ou « Yôbô » en Poitevin), puis le Terrier, et une humble maison, qui a disparu depuis longtemps mais qui apparaît mentionnée comme masure sur le cadastre de 1809 sous le nom de « Poirier ». A cette époque, un bras de la Sèvre longe littéralement le chemin. Juste histoire de souligner l’ancienneté des lieux et le voisinage de la Sèvre Nantaise, fréquenté depuis le néolithique et des temps immémoriaux : une francisque mérovingienne avait été découverte par Gabriel de Fontaines en 1892 au Gué-au-Beau (2).
Le poirier sur le cadastre de 1809 des AD79, 3 P 238/4 :
Il est dix heures du matin ce 26 janvier 1794, lorsque le Bourg de Saint-André est totalement incendié. Alexis Barrion entend depuis le bourg de Saint-Mesmin une « fusillade très vive » qui s’avère être le massacre de la garde nationale de Saint-André. On sait que le maire de Saint-André, Jean-Baptiste Garreau, devra sa vie à son portefeuille que les républicains lui volent (3).
« Le citoyen J.B. Garreau, maire et Pierre Beraud, agent national de la commune de Saint-André, déclarent qu'ayant été requis de se rendre à leur poste par l'administration de Bressuire en date du 2 pluviôse, pour y mettre en réquisition tous les charretiers de la commune, ils s'y étaient effectivement rendus pour y attendre le passage de la colonne, que même ils avaient fait partir toutes les charrettes afin de faire enlever les grains et les fourrages ; Qu'ils avaient fait la liste de tous les rebelles de leur commune afin de la donner au général de l'armée et faire brûler leur maison et épargner celles des patriotes ; Qu'ayant été avertis que la colonne arrivait, la municipalité avait été en écharpes au-devant d'elle et à la tête de tous les charretiers ; Que par une horreur, qui n'a pas d'excuses, on fit massacrer sous les yeux de la municipalité les charretiers qui étaient là par son ordre ; que lui maire, ne fut sauvé du massacre qu'au moyen de son porte-feuille qui contenait environ trois mille livres, et qu'il donna pour sauver sa vie à trois volontaires qui voulaient l'assassiner. On observe que la colonne, qui a fait tous ces massacres, est la colonne de Grignon.
Signé : GARREAU, maire de Saint-André ; BERAUD, agent national de la commune de Saint-André-sur-Sèvre.
Pour copie conforme à l'original resté entre les mains du soussigné
JARRY, administrateur du district de Bressuire. »
Le Bourg de Saint-André-sur-Sèvre, dont les ruines sont encore bien visibles, sur le cadastre de 1809 des AD79, 3 P 238/5 :
L'église de nos jours :
Le massacre du Pont des Colons indiqué par un crâne (création de ma belle-fille Mélissa) :
Est-ce à cette date qu’à lieu la tuerie du « Pont des Colons » et du « Chemin des Cercueils » ? Gabriel de Fontaines, l’historien de la commune, pense que les Bleus venaient de la Forêt-sur-Sèvre sous les Ordres de Daillac (le fameux Daillac qui n’a jamais existé et qui aurait commandé la seconde colonne de Prévignaud) (4). Je pencherai plutôt pour un unique massacre, englobant celui de la garde nationale. On sait qu’une fillette de 8 ans, Marie Millasseau survivra à cette boucherie de 65 personnes. Depuis, la légende raconte que 65 chandelles et 65 cercueils apparaissent la nuit en cet endroit, et qu’il en sera ainsi tout pendant que les victimes n’auront pas de sépulture décente.
Après ces joyeuseries tricolores, Lachenay part brûler Saint-Mesmin.
A suivre ici.
RL
Février 2019
Notes :
* Merci à madame Marie-Françoise B*** qui m'a communiqué un extrait du minutier du notaire Basty-Lafoi de Cerizay dans lequel est mentionné ce fait. AD79, 3 E 13219. Les victimes sont déclarées tuées par "'l'armée républiquaine le 25 janvier 1794". Sans doute en fait le 26.
(1) C’est à la Vieille-Cour que se trouvaient les « fâmeux idolâtres » dont Grignon décrit le départ au « quartier-général ». On sait qu’aux alentours de mars 1794, Marigny fera tuer 20 soldats républicains, qui sont enterrés juste en face de la Veille-Cour, de l’autre côté du carrefour.
(2) Bulletin de la Société des Antiquaires de l’Ouest, 1913, 3ème série, tome II, p.499.
(3) Revue Historique de l’Ouest, Leroux-Cesbron, 1897.
(4) Gabriel de Fontaines pense que les charretiers avaient été requis, non seulement à Saint-André, mais aussi à la Forêt-sur-Sèvre, Saint-Marsault, la Ronde et Courlay. Ceux de ces deux dernières communes auraient refusé de se rendre à la réquisition. In Revue Poitevine et Saintongeaise, Lacuve, Melle, 1891.
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