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    1796 : Un Républicain s'alarme de la loi sur le divorce... 

         

     

     

    Loi sur le divorce....Nous entrons là, dans le phénomène du cliquet, c'est à dire qu'une loi votée dans un système de gauche n'est jamais remise en question par la ''droite'' qui vient aux affaires après la ''gauche'', puisque la droite et la gauche appartiennent au même système mis en place par la gauche : la République.

    En 1796, comme nous allons le voir, on s'alarme sur la nocivité du divorce, c'est trop tard, la loi sur le divorce n'a été abrogée que sous la Restauration et a été réhabilitée bien sûr, par la 3ème République.

    L'auteur d'un billet dans la Feuille Nantaise du 15 février 1796 nous dit que : ''bientôt la France sera un lieu universel de prostitution'', quelle clairvoyance ! Nous y sommes.

     

    « Les loix ont tranché les nœuds de l'autorité paternelle et ceux du mariage, ont ouvert la porte au libertinage ; elles démoralisent chaque jour les rapports sociaux, et la conduite de quelques hommes en place semble légaliser la dépravation des mœurs. Presque partout il en est résulté la dissolution des familles par la division des époux ; la ruine, l'abandon et l'opprobe des enfants, par les divorces sans pudeur. Bientôt la France sera un lieu universel de prostitution, si l'on ne se hâte pas d'arrêter les désordres occasionnés par la trop grande latitude donnée à la loi du divorce. 

    Voici ce qui vient de se passer dans une commune. Ces exemples scandaleux méritent d'être mis sous les yeux des législateurs. 

    Un tailleur marié depuis trois ans, et père de famille étoit amoureux d'une jeune personne ; dont il ne pouvoit obtenir les faveurs qu'en l'épousant : elle lui conseilla de divorcer. Il n'avoit aucun reproche à faire à sa femme, dont la conduite étoit honnête et laborieuse ; mais, entraîné par sa passion nouvelle, il imagina de déshonnorer publiquement son épouse pour avoir un motif légitime de divorcer avec elle. Il lui dit un jour que soupant chez un de ses amis, il rentreroit fort tard, et lui conseilla de se coucher de bonne heure. Ayant mis son ouvrier (laid et difforme) dans la confidence de son projet de divorcer et du nouveau mariage, il l'avoit engagé à prendre sa place au lit de sa femme quand elle seroit bien endormie ; il lui fit espérer qu'il pourroit l'épouser, et que, pour récompense de ce service essentiel, il lui cèderoit son fond de boutique. Les conventions étant faites, et l'ouvrier étant couché, celui-ci se relève pour aller trouver la femme de son maître endormie. 

    Vers minuit, le mari arriva chez lui avec l'ami chez lequel il avoit soupé sous prétexte de boire ensemble ''la goutte nationale''. 

    Il fait tapage en voyant l'ouvrier couché avec sa femme ; cette innocente créature est réveillée par les clameurs, elle ignoroit qu'un autre que son mari eût souillé sa couche nuptiale. Il l'abandonne et publie l'aventure, il obtient le divorce et épouse ensuite sa maîtresse. La femme protesta inutilement de son innocence ; elle pleura amèrement et rejeta les consolations de l'ouvrier perfide : celui-ci fit enfin l'aveu de la vérité. 

    Les nouveaux époux criminels furent généralement méprisés : mais la malheureuse épouse divorcée conserva l'estime publique : elle vient de mourir de chagrin.

    Un homme en crédit arrive dans la même commune. Bientôt il est entouré d'intrigants qui remarquent sa passion naissance pour une jeune et jolie femme mariée qu'il avoit vu en public, chacun d'eux s'empresse de seconder ses intentions criminelles. On trouve le moyen de l'introduire chez le mari et chez les parents de l'épouse. On entraîne celle-ci dans des sociétés dangereuses, et on lui inspire de l'aversion pour son époux qui l'aimoit éperduement et qui jouissoit de l'estime publique.

    Le mari représente à sa femme et à ses parents que les assiduités de ce nouveau ''Dieu du jour'' nuisent à sa réputation ; mais on l'accuse de jalousie, on l'accable de reproches – L'homme en crédit et les suppôts de son intrigue conseillent à la jeune femme de divorcer; il lui promet le mariage. Les parents ambitieux de celle-ci favorisent ce divorce injuste et immoral : l'époux vertueux est sacrifié ; il est plongé dans l'infortune.

    Enfin, on apprend bientôt que le séducteur, qui se disoit libre, a dans son pays femme et enfants ; il divorce à son tour et voilà deux familles dans la plus grande désolation.

    La latitude du divorce sans bornes et sans causes légitimes est donc un genre de corruption, dont chaque individu peut user suivant ses goûts et ses inclinations. L'immoral et le riche égoïste en font tour à tour jouer les ressorts pour arriver à leur but.

    Il faut sans doute qu'on soit libre dans les mariages ; mais il faut en bannir la liberté du crime pour y attacher celle de la vertu.

    Ainsi donc, dès qu'une loi blesse en même temps les intérêts particuliers et publics, lorsqu'elle contrarie les lumières de la raison et les principes de la politique ; il est du devoir des législateurs de la rapporter, ou au moins de la modifier (Extrait du courrier de l'Egalité). »

     

    Pour terminer, un petit éclairage sur le phénomène du cliquet et ce personnage de ''droite'' qui, en 1796, s'indigne des excès de cette loi sur le divorce. Yves-Marie Adeline dans son ouvrage ''La Droite Impossible'' - Editions de Chiré, nous explique ce qu'est un homme de droite en 1789, et son évolution au cours des siècles suivants...

    « Car en effet, qu'est-ce qu'un homme de droite, ou ce qui ent tient lieu, en 1789, à la convocation des Etats généraux ? Un sujet de Louis XVI. Il est encore trop tôt pour qu'il se dise royaliste, mais enfin c'en est un, naturellement. Dans quelques jours cependant, il sera déjà « d'extrême droite », pour peu qu'il refuse le premier bouleversement imposé par la gauche : un serment au Jeu de Paume, et la constitution d'une assemblée nationale se substituant aux réunions par ordres – clergé, noblesse et tiers état. Etre de droite ne commence donc que le jour où, ayant accepté, ou au moins subi passivement cette initative de la gauche – donc acceptant d'entrer dans le mécanisme de la gaucheon se range, résolument tout de même, à la droite du Roi. Mais pour combien de temps ? Déjà la droite se subdivise entre les partisans d'une monarchie à l'anglaise et ceux qui souhaitent préserver les pouvoirs de la Couronne. A leur tour, les premiers sont d'extrême droite : on a déjà oublié la période d'avant la Constituante, il n'est déjà plus permis d'y penser. Mirabeau, animateur du Serment du Jeu de Paume, donc de gauche, en tient pour une monarchie constitutionnelle : le temps n'est pas loin où cette idée-là passera de la gauche à la droite, puis à l'extrémité de la droite, puis au néant. « Tenir le pas gagné », dira Rimbaud : un phénomène de cliquet permet de passer d'un cran à un autre, selon un processus non-rétrogradable. Un jour, l'homme de droite, quand il sera de nouveau autorisé à l'être, après que la Révolution ait été réputée ''finie'', ne sera plus désigné que sous l'étiquette ''conservateur''. Mais pour conserver quoi ? Légitimiste sous Louis-Philippe, il sera royaliste au début de la IIIe République, puis républicain de droite. Hostile à l'avortement avant Giscard, partisan de la peine de mort avant Miterrand, l'abrogation de l'un et le rétablissement de l'autre lui apparaissent aujourd'hui impensables, ou même indésirables : le cliquet est déjà fixé trop loin, il s'agit désormais du mariage des homosexuels, de leur possibilité d'adopter des enfants, de la légalisation de l'euthanasie, de droit de vote pour les immigrés, etc. La gauche poursuit sa révolution, la droite la subit, tout simplement parce que notre système politique a été imaginé par la gauche. La droite, volontiers appelée au pouvoir par le peuple, parce qu'elle ne manque pas de qualités de gouvernement, n'y sera jamais que locataire : le propriétaire est naturellement la gauche. »

    Simple à comprendre non ? En définitive, en République, le citoyen qui se dit de droite ou d'extrême droite est l'éternel cocu d'un système qui le méprise, et devient le complice de toutes les lois liberticides actuelles. Je lui conseille donc de continuer à faire son ''devoir de citoyen'', en allant voter pour des ''Républicains Conservateurs''.

     

    Sources 

     

    . Archives Départementales de la Loire-Atlantique, tous droits réservés – Extrait de la feuille Nantaise du lundi 15 février 1796. n°146 -26 Pluviôse an 4. 

    . La Droite Impossible de Yves-Marie Adeline – Editions de Chiré, Aôut 2012 – pages 22 et 23 . 

    . Photo : de l'auteur. 

     

                                                              

     

    X. Paquereau pour Chemins Secrets 


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    Un couple du Choletais martyr sous la Révolution

     

     

    Thérese Rose Herault, naquit le 20 décembre 1754, dans la commune de Mallièvre, en Vendée. Fille de François Herault, marchand et de Françoise Elisabeth Richard.

    Un couple du Choletais martyr sous la révolution....

     

    Elle se maria le 20 mai 1776, dans la paroisse Notre Dame de Cholet, en Maine et  Loire, avec Pierre Tristan Rose Cesbron, sieur des Crances, né en 1754, négociant. Il fut guillotiné en 1791.

    De cette union, ils eurent 5 enfants :

    -                           -   François Cesbron des Crances, né le 21 mars 1777 à Cholet,

    -                           -   Rose Elisabeth, 1778 – 1779,

    -                           -    Pierre 1780,

    -                           -    Henri 1781,

    -                           -    Celeste Marie-Charlotte, née le 10 novembre 1784 – 1851.

    Elle habitait au 25 rue du Devau à Cholet dans une belle demeure bourgeoise construite en 1775. Cette femme était infiniment respectable et recommandable. Très  pieuse, elle soutenait la cause des prêtres réfractaires.

    Un couple du Choletais martyr sous la révolution....

    Suite à une dénonciation, elle fut arrêtée le 16 mars 1794, par ordre des représentants Hentz et Francastel, avec sa fille Céleste, âgée de 9 ans. Elles furent emmenées, avec  beaucoup d’autres, en direction de la prison d’Angers. On raconte que certains réfugiés de Cholet, pendant le trajet se seraient exclamés : « Une bonne tête à la guillotine ; il y a longtemps qu’elle devrait y être. Nous n’en serions peut-être pas où nous en sommes ».

    Arrivée à St-Georges-sur-Loire pour y coucher, elle aurait dit à sa fille devant une des femmes de l’auberge de la croix blanche : « Ma fille, si on me fait mourir, demande à mourir avec moi. La nation n’est pas faite pour t’élever ou te nourrir ».

    Elle comparu devant la commission militaire dans l’ancienne église des Jacobins à Angers, le 22 mars 1794. Elle n’aurait jamais cru être dénoncée, n’ayant jamais fait que le bien. A son procès, elle aurait répondu qu’elle aimait mieux mourir que de trahir sa conscience. Voici quelques extraits :

    « Etes-vous toujours restée à Cholet pendant que les brigands ont été en possession du pays ?

    -                          -  Oui, mais je sortais de chez moi à chaque attaque ou combat ».

    -                          - Quels sont les chefs ou brigands qui ont logé chez vous à Cholet ?

    -           - Il en vint tant que je ne me rappelle pas leurs noms, mais c’était contre mon gré.

    -          - Etait-ce Rabin, curé de Cholet et brigand lui-même qui était votre confesseur ? 

    -                      - Non, c’était un des prêtres de St Pierre de Cholet ».

     

    Elle fut condamnée à mort pour les motifs suivants :

    -                           "Avoir eu des intelligences avec les brigands de vendre, avoir servi leurs projets contre révolutionnaire en restant constamment avec eux, à Cholet, navoir évacué Cholet qu’à l’approche des troupes républicaines, et ce pour suivre les brigands dans leur marche vagabonde et liberticide, avoir voué au mépris le plus profond les patriotes emprisonnés à Cholet, avoir crié hautement « Vive le Roi, la Paix, la Religion », avoir illuminé la façade de sa maison lors des succès des brigands sur les armées de la République, avoir provoqué au rétablissement de la royauté et à la destruction de la République Française."

    Elle sera exécutée le 22 mars 1794, à 4 heures du soir sur la place du ralliement à Angers. L’abbé Gruget  fut le témoin de sa mort.

    « Depuis la prison jusque sur l’échafaud, elle ne cessa de chanter des hymnes et des psaumes, avec Mr David, qui la conduisait sous le bras, parce qu’elle était boiteuse. Elle monta seule sur l’échafaud, ôta elle-même sa coiffe et son mouchoir et, après avoir crié : Vive le Roi, et avoir fait à Dieu le sacrifice de sa vie, elle reçut le coup de mort et, avec la mort, la couronne du martyr. »

     

    Marie-Laure Allard pour Chemins secrets

     

    Sources :

    AD85 et AD49, registres paroissiaux.

    « L’Anjou Historique », N°6, mai 1905, Mémoire de l’abbé Gruget.

    Photo provenant du blog « Vendéens et Chouans ».


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     Aux alentours de Chemillé en 1795…    

        

     

           Le 12 Germinal de l'an III, le général divisionnaire Caffin, (ancien commandant de la Colonne infernale n°3 avec Boucret, un triste sire, un massacreur de femmes et d'enfants) est à Chemillé.

    Ce premier avril 1795, il pense que les femmes sont cachées dans les genêts et se met en devoir de les faire rentrer chez elles pour les protéger.

    C'est à mourir de rire, lui qui, en 1794 avec sa colonne, violait, pillait, incendiait, empalait les religieuses de Saint-Laurent-sur Sèvre.... Un monstre devenu tout à coup secouriste ?

    Il ne va pas rencontrer grand monde, la campagne est devenue un désert et pour cause...

     

    Caffin à Chemillé en 1795....

            Voici la lettre de cet assassin :

     

    « Copie d'une lettre du général divisionnaire Caffin, datée de son quartier général à Chemillé, le 12 Germinal, adressée au représentant Bezard. 

    Citoyen, 

    Je suis arrivé hier soir à Chemillé sur les huit heures. En passant à Lambert (Saint-Lambert), quelques brigands restés embusqués dans les maisons, nous ont tiré quelques coups de fusil, et n'ont blessé personne. 

    Une lieue plus loin, nous entendons un feu bien soutenu ; j'ai pressé ma marche, une lieue plus loin, j'ai rencontré un convoi qu'ils avoient attaqué ; ils m'ont tué un gendarme et blessé deux autres dangereusement, à notre arrivée, les brigands ont pris la fuite et tout est arrivé à sa destination. 

    On n'a trouvé aucune résistance à Chemillé, la troupe y est entrée dans le meilleur ordre, et nous sommes bivouaqués un quart de lieue au dessus de la ville. On ne peut savoir où ils peuvent être assemblés. Nos patrouilles vont jusqu'aux Gardes, Trémentines et Jallais, on ne rencontre personne, si ce n'est quelques hommes épars. 

    Tous ont abandonné leurs domiciles ; je crois les femmes cachées dans les genêts. Je vais tâcher de les faire rentrer chez elles ; je les protégerai. 

    J'attends ici de nouveaux ordres.  

    signé Caffin. » 

     

    Sources 

     

    . Archives Départementales de Maine et Loire tous droits réservés – Extrait des Affiches d'Angers page 7/32. 

    . Photos : Vitrail de l’église des Lucs-sur-Boulogne, tirée de l'ouvrage « Les Guerres de Vendée, la vérité dévoilée »  de Mme Boulestreau. 

     

                                                              

     

    X. Paquereau pour Chemins Secrets 


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    La colonne infernale Boucret/Caffin, 1ère partie…

     

     

    Le 26 décembre 1793, Commaire écrit depuis Saumur à François-Xavier Audouin, adjoint du ministre de la guerre pour lui parler de diverses affaires de la guerre. Vers la fin de sa missive, il annonce (1) :

    « J’ai fait filler par Chollet environ 1500 hommes commandés par le général Caffin et autres troupes qui réunies feront tous ce qui dépendra deux pour exterminer le reste de cette race impure. J’ai donné des ordres pour empêcher qu’ils trouvent aucune subsistance. Les ordres les plus formels sont aussy donnés pour qu’on épargne rien et qu’on ne laisse rien au pouvoir des brigands fuyards sous peine d’être regardés comme traitres à la patrie ; tu peux être sûre que je ne négligeray rien pour accélérer leur perte, enfin mon amy je crois qu’il ne faut plus qu’une chasse et nous serons purgés de cette horde détestable. »

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 1ère partie....

    S’en suit un éloge sur le républicanisme de Grignon frais émoulu au grade général de brigade.

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 1ère partie....

    Quelques jours plus tard, le 17 janvier 1794, Turreau annonce son plan de campagne. Pour la 3ème colonne, les ordres sont les suivants (2) :

    « Le général Boucret dont la brigade doit être réunie à Chollet, la divisera en deux colonnes, et fera le mouvement ci-après :

    1ère colonne. De Chollet, à Châtillon, aux Epesses.

    2ème colonne. De Chollet, à Maulévrier, Saint-Laurent. »

     

    Malheureusement, à partir de cet instant, nous n’avons plus, à quelques exceptions près, que les extraits de correspondance publiés par Savary pour suivre à la trace le binôme Boucret-Caffin (3). Partis de Cholet, au centre du territoire insurgé, les deux généraux ont pris la direction du Sud-Est, l’un vers la Tessoualle, l’autre vers Maulévrier. Pour ceux qui connaissent mal le secteur, je vous invite à suivre le déroulement des opérations sur une carte.

     De Boucret à Turreau le 21 janvier 1794 :

    « La Tessouale

    Je t’envoie quantité  de voitures chargées de grains. J’en ai encore à faire enlever une plus grande quantité. Je suis bivouaqué à la Tessouale : demain, je bivouaquerai à Moulins, et suivrai mon opération. »

    De son côté, Caffin qui se rend à Maulévrier, à dû passer par un ancien chemin, aujourd’hui disparu et noyé dans l’agglomération choletaise pour arriver par Mazières-en-Mauges, la grande route de Cholet à Maulévrier n’existant pas en 1794. Cette possibilité, tracée en orange sur le cadastre de 1811 des AD49 (cote 3 P 4/104/1) :

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 1ère partie....

    Un élément qui abonde dans ce sens : l’église du village de Mazières, encore en ruine sur le cadastre de 1811 (AD49, 3 P 4/203/7).

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 1ère partie....

    Caffin reconnait n’avoir quasiment rien incendié sur son parcours, par contre massacres, vols et pillage ont été bon train. Il s’en exprime ainsi à la même date que son collègue depuis Maulévrier.

    « Point de métairies, bourgs et villages sur la droite et sur la gauche à une lieue de Maulévrier, où je suis, qui n’aient été visités. Partout on y rencontre des grains et fourrages en quantité. Ne trouvant pas suffisamment de charrettes pour en faire l’enlèvement, je n’ai pu incendier. Je fais charger ici tous les grains, foins et subsistances qui, je crois, seront évacués demain. Je n’attends que ce moment pour incendier tout : en attendant, je purge le pays de tout ce qu’il peut y avoir de gens suspects, sans en ménager aucun.

    J’ai envoyé au village de Chanbreville, sur la gauche de Maulévrier, un détachement de cent hommes, avec l’ordre d’incendier tout ce qui pouvait l’être, selon tes ordres, ce que l’on a pu mettre à exécution, rapport à la grande quantité de grains et fourrages qui s’y trouvent, ne pouvant les faire enlever par défaut de charrettes.

    Ainsi, j’attends tes ordres pour savoir si je marcherai demain, avant que toutes ces subsistances ne soient enlevées et que le pays ne soit purgé. Je t’observe que ma destination n’est que pour Saint-Laurent et que je n’en suis éloigné que de trois lieues. »

    Petit problème avec le village de « Chanbreville » qui n’existe pas aux alentours de Maulévrier. Le seul « Chambreville » connu dans la région se situe à Saint-Sylvain-d’Anjou, très loin de Maulévrier. Il y a une ferme près de Saint-Aubin-de-Baubigné nommée "Chaudeville" mais trop loin de Maulévrier. Serait-ce possible qu'il s'agisse de la Crilloire ? On sait que le vieux château du lieu fut incendié en 1794 et apparaît totalement en ruine sur le cadastre de 1810.

    Pendant ce temps, Boucret, qui bivouaquait à la Tessoualle, vient d’incendier le village et se dirige vers le Sud-Est.

    En regardant le cadastre de 1812 de Loublande (5) on s’aperçoit que le village de la Petite Ecurie est largement en ruine. Cependant les maisons de la Grande Ecurie ne semblent pas avoir été touchées.

    AD79, 3 P 168/3 :

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 1ère partie....

    Peut-être là qu’il faut situer l’anecdote suivante qui permettrait de comprendre pourquoi la Grande-Ecurie n’a pas brûlée (6) :

    « Un garde national qui, au cours d’un combat, avait eu la vie sauve grâce au fermier de la Grande-Ecurie, Vincent Ayraut, s’empressa de le prévenir du passage des incendiaires. Le cultivateur, usant d’un audacieux subterfuge, mit le feu à un hangar proche de sa maison et alla se cacher, avec sa femme et ses enfants, dans un champ de genêts, sans oublier d’y conduire aussi son cheptel. La colonne, apercevant la fumée, pensa qu’une autre bande était déjà passée par là et continua sa route. »

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 1ère partie....

    Parallèlement, une tradition locale nous amène à penser qu’un massacre aurait eu lieu aux Rinfillières, le célèbre village de Claire Ferchaud, en bas du coteau, dans le « Pré de la Marne ». Les Rinfillières dépendaient du Puy-Saint-Bonnet (rattaché à Cholet en 1973) mais très proche de Loublande.

    Comme il fallait s’y attendre, les fermes de l’autre côté du chemin de la Tessoualle à Moulins semblent avoir subi des dégâts plus ou moins importants. C’est le cas des Hauts-Arcis (les Bas-Arcis n’existent pas encore), de la Pommeraie, la Podinière et la Sablière. Le château de la Coudraie-Noyers ne semble pas avoir subi trop de dégâts mais deux bâtiments à l’arrière de l’étang sont totalement ruinés. On sait néanmoins que ce château a perdu une partie de sa charpente sur son aile droite, la toiture ayant été abaissée. Est-ce consécutif à un incendie ? Ruines également aux villages de la Plaine et de la Voie, tandis que le moulin à vent de la Voie (toujours visible de nos jours depuis la voie express) semble intact, ou plus sûrement reconstruit. Idem pour le moulin à eau.

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 1ère partie....

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 1ère partie.... 

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 1ère partie....

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 1ère partie....

    La route de l’époque menant de la Tessoualle à Châtillon suit ensuite approximativement un morceau du tracé de l’actuelle voie rapide, laissant le bourg de Moulins sur la droite et par lequel on accède par un autre chemin, toujours existant. La Grande Guinefolle (la Petite Guinefolle n’existe pas encore) et les Sanjus (nommé « Dessanjeux » à l’époque) sont la proie des flammes.

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 1ère partie....

     

    Voici ce qu’écrit Boucret à Turreau le 22 janvier 1794, une fois arrivé à Moulins :

    « Je n’ai rien de nouveau sur la position de l’ennemi. Le pays que je parcours est suffisamment fourni de vivres pour la troupe. Je trouve dans toutes les métairies quantité de pain cuit. Je n’ai besoin que de voitures pour faire charger les grains. Sois tranquille sur ma marche, et sois persuadé que je ne me laisserai pas surprendre : je serai demain à Saint-Jouin ou Châtillon. »

    Bien entendu, Moulins est incendié dès le lendemain. Sur ces dates, on a la confirmation des brûlements par le journal du gendarme corrézien Graviche qui nous dit ceci (4) :

    « Le 20, ordre de se tenir prêt pour le lendemain pour aller incendier.

    Le 22, incendie de la Tessoune (la Tessoualle), etc… 

    Le 23, incendie du bourg de Moulin et parti pour Châtillon. »

    Comme nous venons de le voir, une partie de la colonne de Boucret est passé à Moulins pour brûler le bourg, tandis qu’un détachement à dû filer directement en direction de Saint-Jouin-sous-Châtillon.

    Aperçu du parcours de la colonne de Boucret dans le détail sur les cartes IGN de géoportail :

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 1ère partie....

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 1ère partie....

     

    A suivre ici

    RL

    Juin 2019

     

     

    Notes :

    (1)  SHD, B 5/7-90, v. 8 et 9/15.

    (2)  Savary, tome III, op. cit., p. 42 et 43.

    (3)  Ibid, à suivre dans l’ouvrage.

    (4)  Ma femme a publié le journal de Léonard Graviche ici.

    (5)  Loublande est une commune créée en 1862 par détachement d’une partie du territoire de Saint-Pierre-des-Echaubrognes.

    (6)  Témoignage familial, repris par Maurice Poignat in « Le Pays du Bocage », 1984, p. 197.

     

     

     

     

     


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    Il est des pays où l'on est fier d'être Chrétien... 

     

     

    Bonne fête de Pentecôte, et dépaysement assuré. 

     

                                    

     

     X. Paquereau pour Chemins Secrets 


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