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Les trésors et les armes de Charette....
Les trésors et les armes de Charette…
On sait combien tout ce qui concerne les trésors cachés des chefs vendéens et chouans peut passionner les lecteurs. Un récent article de ce blog concernant le trésor de Stofflet a vu une affluence particulièrement importante il y a quelques jours. J’ai déjà abordé plusieurs fois les possibilités et les mystères des cachettes de Charette. Aujourd’hui, je vais vous parler de trésors qui ne sont pas forcément en monnaie sonnante et trébuchante et qui, pour ceux que nous allons aborder, ont de toute manière été découverts par les républicains. Ceci étant, rien ne nous dit qu’il ne reste rien à découvrir sur les lieux cités.
J’avais déjà parlé ici des caches d’armes de Charette et comme vous le savez, le travail n’est jamais terminé sur la petite histoire de notre Vendée.
Les archives militaires de Vincennes sont encore une fois une mine d’information particulièrement prolixe.
On y trouve notamment ceci (1) :
« Armée des côtes de l’Océan
Division du Sud
23 janvier 1796
Copie de la lettre du général de brigade Gratien au général en chef Hoche
Du quartier général du château Chantenay
Le 3 pluviose 4° année républicaine
Accusé réception le 25 ( ?) pluviose
J’ai le plaisir de vous annoncer, mon général, que je me suis emparé de deux pièces de huit que le cabinet d’angleterre avait vomi sur nos côtes à la Buye du Bec l’année dernière ; ces pièces sont le Brulant et le Bosquet. Je me suis également emparé de tout l’attrait attaché à ces pièces tel que s*** (illisible) et étoupilles, prolonges, leviers, refouloir, sceaux, chaine etc et diverses munitions dont voici le détail
9 barils de poudre
2 caisses de pierre à feu
19 caisses à gargousse
3 caisses de boëte à mitraille
18 caisses de boulet sabotés
1 caisse d’étoupille et de lances à feu
1 coffret.
Ces deux pièces de canon avaient été mises dans l’étang de la Jarie et avaient été retirées et enfouie dans un champ où l’on avait semé du bled lequel était déjà germé. Ces munitions étaient dans un caveau pratiqué dans le bois de Monges proche celui des Gast, recouvert par des planches et de la terre dans laquelle on avait mis des plantes vives ; les affûts étaient dans l’étang de la Jarie. Je ferai passer le tout à Nantes ainsi qu’environ trente voitures de cuir provenant d’un magasin appartenant à Charrette que j’ai fais enlever à Recrédit village dépendant du bourg de Saligné.
Je vous salue. Signé Gratien
P.S. Etant obligé d’envoyer à Nantes escorter ce... » (fin de la phrase manquante)
***
Le château de Chatenay et non Chantenay, situé au Nord-Ouest de Saint-Denis-la-Chevasse est le quartier général des républicains à cette époque. Charette n’est plus vraiment maître en son pays depuis déjà un petit moment.
Puis, toujours en travaillant sur les archives militaires, on trouve cela (2):
« 20 pluviose an 4
Armée des Côtes de l’Océan
9 février 1796
Copie de la lettre du général de brigade Gratien au général Hoche quartier général de Saligné, le 20 pluviose, an 4°
Je suis enfin parvenu, mon général, à découvrir un magasin à poudre appartenant à Charette ; il était caché dans le bois des Essarts ; je l’ai fait enlever et transporter à Saligné. Il a 64 barils de 100 livres chacun. Je me suis également emparé de 11 caisses de balles à fusil cachées dans le bois des Gasts, avec deux forges de campagne. Je vais faire conduire le tout à Nantes, sous deux jours, ainsi que quelques voitures de cuire que j’ai fait enlever dans une tannerie situé au Poiré.
Signé Gratien
Pour copie conforme
Le général de division chef de l’état major général
Hédouville »
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Comme nous l’avons déjà à plusieurs reprises sur ce blog, les lieux hypothétiques où Charette aurait pu cacher de l’argent ou des armes sont légion. Une tradition voudrait que dans une fuite depuis la forêt de Grasla, il aurait jeté un mystérieux caisson dans le puits de la ferme de l’Audrière (ou Andrière selon l’orthographe des cartes et cadastres) de Chauché (3).
Le village en 1838 (cadastre de Chauché) :
A mon humble avis, point de trésor de Charette à trouver à Sainte-Flaive-des-Loups (4), ni en forêt de la Chaize-le-Vicomte, à la limite, pourquoi pas dans la forêt du Détroit ou celle du « Creux-Jaune », un nom qui fait rêver, en Saint-Martin-des-Noyers, mais je crois que s’il reste encore quelque trace de Charette à découvrir, il faut plutôt les chercher au plus près des endroits qu’il fréquenta sur la fin de sa vie.
En revanche, le Bois des Gats, cité dans la première lettre de Gratien à Hoche nous prouve qu’il s’y trouvait bien quelque chose, quelque chose qui a été découvert. Gageons que si Gratien avait trouvé de l’argent, la première chose qu’il aurait faite aurait été de s’en vanter. Nous avons même là une bonne source de renseignements sur les méthodes employées par Charette pour cacher ses armes : un caveau creusé dans la terre, des planches recouvertes de terre et de la végétation par-dessus. Ne pensez-vous pas qu’il sera compliqué de retrouver quoique ce soit après plus de deux siècles ? A moins d’un affaissement de terrain curieux et limité à 2 mètres carrés…
Les lieux sur l'IGN Géoportail :
Notons au passage que la stèle du Bois des Gats, lieu de parachutage pour les résistants en août 1944, se situe pile-poil sur des lieux que Charette a fréquenté et là où se situaient là où il avait caché certains de ses biens. Ce n’est pas la première fois qu’apparaissent ces correspondances de lieux et de méthodes dans les pays qui ont résisté contre les envahisseurs, nazis allemands ou terroristes français. Les Chouans de Mayenne n’ont-ils pas usés des mêmes méthodes que Jean Cottereau aux abords de Laval, pour lutter contre les Allemands ?
Deux mots sur le château du Récrédit entre Saligny et Belleville-sur-Vie. C’est là non loin du bourg de Belleville, que Charette avait établi l’un de ses quartiers et que Gratien cite toujours dans sa lettre. La Maraîchine normande nous apporte quelques anecdotes ici.
Dans la seconde lettre publiée ci-dessus, où Gratien annonce avoir trouvé un magasin à poudre de Charette, il faut bien entendu comprendre le « Bois de l’Essart » et non celui des « Essarts » qui n’existe pas. Le Bois de l’Essart est tout près de la Bégaudière, juste au Sud-Ouest, le tout à environ 4 kms à l’Ouest de la forêt de Grasla… On voit donc le secteur sur lequel il pourrait y avoir encore quelque chose à trouver des armes de Charette ou pourquoi pas, d’éventuels trésors.
Bien entendu, les indications que je donne ne sont pas une invitation à aller fouiller n’importe où et n’importe quoi mais simplement dans le but de faire rêver un peu le lecteur…
RL
Décembre 2017
Notes :
(1) SHD B 5/34-49, v. 2 & 3/12.
(2) SHD B 5/35-32, v. 2/16.
(3) Didier Audinot, « Trésors enfouis des Guerres de Vendée et de la Chouannerie », 2002, cite l’anecdote en situant par erreur l’Audrière près du bourg de Saint-Denis-la-Chevasse. La métairie se situe en fait à la proche lisière Sud-Ouest de la forêt de Grasla.
(4) C’est depuis le château de la Lière, au Sud de Sainte-Flaive-des-Loups, que Charette a répondu à la lettre de Dumouriez l’invitant à se rallier à celui qui sera plus tard, Louis-Philippe, « Roi des Français ». A cette lettre datée du 18 octobre 1795, Charette répondra tranquillement le 21 novembre : « Mon cher Dumouriez, allez dire au fils du citoyen Egalité d’aller se faire foutre. »
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