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Le trésor de Stofflet....
Le trésor de Stofflet…
Dans différents articles de ce blog, il a été abordé à plusieurs reprises les trésors de Charette ; je dis bien les trésors car je n’imagine pas les grands chefs vendéens n’avoir qu’une seule cachette, que ce soit pour leur numéraire, aussi bien que pour leurs armes. En février et mars 1796, disparaissent les deux derniers grands chefs vendéens, Stofflet et Charette, après avoir attendu de vains secours d’une monarchie en exil qui préférait les apparences de complots en dentelle que l’approche du terrain. Stofflet et Charette ont eu certes leurs défauts mais on ne pourra jamais leur reprocher de ne pas avoir été fidèles jusqu’au bout. Et si pour une fois, nous parlions un peu du trésor de Stofflet ? Ca vous tente ?
Ce que je vais vous raconter n’a rien de nouveau pour « les initiés » aux Guerres de Vendée mais vous avouerez probablement après coup que cela vaut « son pesant d’or ».
On retrouve aux archives militaires de Vincennes un curieux billet rédigé à la va-vite de la main d’Hédouville et qui fut exploitée par Chassin (1) :
« A communiquer au général Hoche
Envoyé au général Hoche le ( ?) thermidor an 4
Reçu en messidor an 4 (soit aux alentours des 18 et 19 juillet 1796)
Stoflet avait ramassé un trésor qu’on peut évaluer à 4 ou 5 cent mille francs en or et argent, plus ou moins. Il n’a point voulu le faire connaître au prêtre Bernier, parce qu’il se défiait de lui.
Un ecclésiastique ou prêtre réfractaire dont on ignore le nom, mais qu’on pourrait peut-être parvenir à découvrir, en avait connaissance. Ce prêtre a déclaré le lieu où était caché ce trésor, a d’Autichamp qui l’a enlevé et l’a de nouveau caché.
On sait que Hénon de Maulévrier, dont le père était chantre de l’ancien curé de Maulévrier, était caissier de l’armée catholique. Il pourrait avoir quelques connaissances à cet égard.
Les anciens sous-chefs de l’armée de Stoflet sont très mécontents que d’Autichamp se soit emparé seul de cet argent et ils pourraient concourrir à faire trouver le lieu où il a été caché, surtout si on les intéressaient à cette découverte. »
Pas de signature. Le billet n’est pas officialisé.
On notera au passage l’éternel appétit d’argent des républicains, prêts à tout pour obtenir de l’argent. Il est bien évident que s’il y avait eu le moindre paysan pour fournir un renseignement, il aurait été de suite fusillé après avoir parlé. Bref, on sait que le 7 avril 1878, trois journaliers qui travaillaient à redresser une allée du château de la Morosière à Neuvy-en-Mauges avaient fait une curieuse découverte. Cet épisode est connu mais je mets le lien sur cette histoire ici. Depuis l’allée où fut trouvé le trésor est surnommée « l’Allée de la Boursée ».
La fameuse allée sur Géoportail…
...Et sur le cadastre de 1827 (à cette époque le trésor y est toujours) :
Le trésor retrouvé et qui représentait environ 40 000 francs de l’époque soit 127 000 € de nos jours était bien loin des 4 à 500 000 francs de 1796 décrits par Hédouville dans son courrier à Hoche (2). Un petit calcul savant nous fait obtenir 923 000 € dans l’hypothèse d’un trésor de 500 000 francs de 1795 (3). Si l’on doit tenir compte du coût de la vie entre l’époque de Stofflet et la nôtre, sans parler de la valeur archéologique et numismatique de la découverte d’une telle somme au bout de 220 ans, on arrive à quelque chose d’extravagant, sans doute au-delà des 4 000 000 d’Euros.
La Morosière fut le dernier quartier général de Stofflet mais il a eu certainement, comme Charette, d’autres caches pour son argent. D’ailleurs, on sait que Forestier amena en Angleterre « une bouteille contenant 1300 Livres Sterling » provenant de « l’une des caches de Stofflet » (4). Forestier et d’Autichamp ont donc eu connaissance de ces caches. Est-ce que tout a été récupéré ? Rien n’est moins sûr et que d’Autichamp a-t-il fait de ce qu’il avait trouvé, comme vu plus haut ?
Le chasseur de trésors Didier Audinot (encore lui !) raconte une trouvaille faite à La Tourlandry lors de la réfection du presbytère (5). Un ouvrier trouva, à 4 mètres de hauteur, sous le toit, dans un mur, une boîte de bois, contenant 188 des fameux « bons de Stofflet », dont on connaît l’histoire et qui avaient déclenché une polémique lors de leur émission. On sait par Coulon, le secrétaire de Stofflet qu’il y aurait eu une émission de bons à hauteur de 2 243 000 francs, soit 3 207 490 Livres, ce qui nous donne 4 554 636 €… A condition que cette émission de bons ait pu correspondre à un trésor réel et non un simple crédit sur le trésor royal à la Restauration, comme c'était probablement le cas. Les sommes citées ne sont bien entendu qu’un ordre d’idée selon des indices qui ne prennent pas en compte la différence de pouvoir d’achat et les besoins entre les deux époques.
Arrêtons de nous donner le vertige avec des chiffres et réfléchissons un peu ensemble où pouvaient se situer les cachettes de
Stofflet.
La forêt de Vezins avec la Bauge des Buissons et le Cimetière des Martyrs figurent en tête du classement, notamment le puits qui alimentait en eau le camp ravagé le 25 mars 1794 par les « infernaux ». Le château du Lavouër, encore sur Neuvy-en-Mauges, pourrait être une piste mais celui-ci était le lieu de cachette de l’abbé Bernier. Gageons qu’au vu de ce qui a été dit plus haut, Stofflet n’avait guère confiance en lui sur ses derniers moments. Cet individu, bouffi d’orgueil et prêt à trahir pour sauver sa peau et acquérir quelques honneurs à donné au cours de l’histoire, des gages de sa duplicité.
Mais alors, que reste-t-il ? La Saugrenière ? Il est peu probable que Stofflet ait eu le temps d’y cacher quoique ce soit, mais sait-on jamais. Qui sait si la ferme du « Pé-Grimault », où les chevaux de l’état-major de Stofflet étaient à l’écurie le soir du drame, n’a pas quelque chose à raconter… La Saugrenière et le « Puy-Grimault » (dit « Pé-Grimault ») sont des endroits fascinants dont on ne repart jamais sans une rêverie profonde.
Reste un endroit dont nous n’avons pas encore parlé, bien loin des terres de Stofflet : le château de La Roche-Faton, à Lhoumois dans l’Est des Deux-Sèvres, en pleine Gâtine parthenaisienne. C’est là, dans la chapelle, que fut enterré Charles d’Autichamp, à sa mort, en 1859… Pouvait-il être encore en possession de quelque argent de l’armée de Stofflet ?
RL
Décembre 2017
Notes :
(1) SHD, B 5/35-87, v. 8/9, repris par Chassin, « Les Pacifications de l’Ouest », tome II.
(2) On sait que le Franc remplace la Livre à partir du 3 germinal de l’an III (7 avril 1795). Il vaut 1 Livre et 3 deniers.
(3) J’ai d’abord converti la somme en Livres Tournois pour trouver un semblant de correspondance avec l’Euro.
(4) Chassin, ibid, tome III.
(5) « Trésors enfouis des Guerres de Vendée et de la Chouannerie », L’Etrave, Beauvoir-sur-Mer, 2002.
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