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Le mystère des canons vendéens dans la Loire....
Le mystère des canons vendéens dans la Loire…
Tout récemment, l’ami Nicolas rappelait sur son blog les recherches qui furent entreprises pour tenter de retrouver les canons de l’Armée Catholique et Royale dans la Loire à Saint-Florent-le-Vieil entre 2003 et 2005. A cette époque, je me souviens d’avoir eu à plusieurs reprises au téléphone M. Guy Wingel à qui cet article fera sûrement plaisir. Si les recherches entreprises pouvaient être pertinentes, notamment en face de l’Ile Batailleuse qui n’avait au passage, pas du tout la même forme en 1793 qu’aujourd’hui, on n’y trouva point de canons. Cependant, je me suis toujours étonné que l’on s’entête à rechercher des canons à Saint-Florent-le-Vieil quant on sait que le gros de l’artillerie ne passa pas avec les soldats et les non-combattant à Saint-Florent, mais en face d’Ancenis ! En effet, les artilleurs tentèrent dans un premier temps de passer à Saint-Florent, mais le poids des pièces et les barques déjà toutes monopolisées pour faire passer les personnes les en dissuadèrent. Certains canons encloués (1) sont jetés à la Loire mais vite retrouvés par les républicains. Ainsi les représentants Bourbotte, Turreau, Choudieu et Francastel s’exprimaient-ils en ces termes devant le Comité de Salut Public le 21 octobre (2) : « Nous avons trouvé à Saint-Florent quarante caissons d’artillerie et beaucoup de pièces de canon qu’ils avaient jetées à la Loire, n'ayant pu les emmener avec eux, et quantité de blés et farine.../... « La peur leur a fait abandonner devant Ancenis 11 pièces de canon qui sont restées en notre pouvoir (3). »
Vue du château d’Ancenis en 1856. Dessin de Thomas Drake, « Album Vendéen ».
La Marie-Jeanne, illustration de Crétineau-Joly, tome 1er, p. 142 :
D’Autichamp propose alors d’attaquer Ancenis avec 3 000 hommes, mais Lyrot, qui était précédemment passé par Champtoceaux réussit à prendre la ville avant lui. En effet, Ancenis et Oudon sont abandonnés par les républicains dans la nuit du 16 au 17 octobre 1793, vingt-quatre heures avant que le gros de l’armée vendéenne passe à Saint-Florent-le-Vieil. L’artillerie de la Vendée passe alors par le gué des Léards, à Liré, en face d’Ancenis, accompagnée de Marigny et de Philippe-Joseph Perrault, son second. Elle dispose de 36 canons selon la marquise de La Rochejaquelein (4), 32 selon Kléber (5), « 28 pièces, 22 caissons, des carrosses, des carrioles et des charrettes » selon Pierre Gréau (6) qui mentionne une centaine de pièces pour l’ensemble des divisions de l’armée vendéenne (ce qui fait une singulière réduction entre 100 et 28…). De son côté Poirier de Beauvais, précise simplement que l’armée vendéenne laissa beaucoup de caissons à Saint-Florent, mais précise que lui, Perrault et Des Essarts portèrent eux-mêmes les gargousses « pour exciter par notre exemple nos gens à en faire autant ». (7) Il passe ensuite « à gué un bras assez profond, à gauche de Saint-Florent ».
Les mémoires de Kléber sur le sujet précisant la présence de 32 canons :
On peut supposer qu’entre 6 et 8 canons sont abandonnés au gué des Léards, dont peut-être la « Marie-Jeanne » qui était fêlée, tandis que « Le Missionnaire » avait déjà terminé sa carrière dans les douves du château du Bas-Plessis. Ceci dit, rien ne nous prouve formellement qu’il y ait eu des pièces jetées dans le fleuve à cet endroit, hormis le témoignage de la marquise de la Rochejaquelein qui nous dit en parlant du passage des pièces en face d’Ancenis (7) : « On profita du Gué pour faire passer nos trente-six plus belles pièces de canon, des caissons, des bœufs et beaucoup de monde resté sur la rive gauche ; on jeta les autres canons dans l’eau. »
Le Missionnaire, illustration de Crétineau-Joly, tome 1er, p. 143.
Vous allez me demander ce que l’on attend pour aller chercher ces canons dans la Loire entre Liré et Ancenis. Je vous répondrai que cela va être compliqué, très compliqué… Tout d’abord, parce que le poids d’un canon de l’époque des Guerres de Vendée peut se situer entre une et deux tonnes ! Ce qui rend son enfoncement dans la vase inexorable et donc probablement au-delà des dix mètres de profondeur. Et pour compliquer le tout, le cours de la Loire a changé entre 1793 et aujourd’hui.
Si l’on calque la carte IGN et la carte d’état-major sur Géoportail, on s’aperçoit que la Loire à reculé d’environ 80 mètres :
Avec la carte de Cassini, l’effet est encore plus saisissant et la différence est de plus de 100 mètres :
La carte de Cassini étant très imprécise, jetons un œil au cadastre de 1831 (AD49, 3 P 4/183/2). Nous retrouvons à peu près la même différence qu’avec la carte d’état-major :
Alors ? S’il y a eu des canons jetés dans la Loire au Gué des Léards, où sont-ils ? Sous dix mètres de vase ? Sous un banc de sable ? Ou pire encore, sous la terre ?
Bon courage aux chercheurs…
RL
Août 2018
Notes :
(1) L’enclouage d’un canon consiste à enfoncer un clou dans la lumière de mise à feu afin de saboter la pièce au cas elle tomberait aux mains de l’ennemi.
(2) Les représentants à l’Armée de l’Ouest au Comité de Salut Public. « Recueil des Actes du Comité de Salut Public », Gallica, 1894, tome VII, p. 547 et sq. Loc. cit. p. 549. Cité par Pierre Gréau in « La Virée de Galerne », Pays & Terroirs, 2012, p. 98.
(3) Ibid, tome VII, p. 550.
(4) Mémoires, p. 275.
(5) Savary, tome II, p. 293. Mémoires partiels de Kléber aux Archives de Vincennes en cote 1 M 490, v. 52/84 via le site des AD85.
(6) Pierre Gréau, ibid.
(7) Poirier de Beauvais, op. cit. p. 155.
(8) Ibid.
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