• La colonne infernale Boucret/Caffin, 4ème partie....

     

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 4ème partie…

     

     

    3ème partie ici.

    Il semblerait que Boucret n’ait pas assez brûlé à la Tessoualle pour que Caffin en remette une couche. Boucret avait déclaré y avoir laissé 200 hommes, Caffin en trouve 150.

    Caffin, le 26 janvier depuis Maulévrier :

    « Un détachement de cent cinquante hommes, qui est resté à la Tessouale, a fait évacuer et incendier toutes les métairies qui sont sur la route de Saint-Laurent, où je dois me rendre demain, et où j’attendrai de nouveaux ordres. Pour ne pas perdre de temps, en attendant le détachement que tu m’annonces, je fais évacuer sept à huit métairies à l’entour de la ville, afin de les incendier. Je ne fais brûler, comme tu me l’as ordonné, que lorsque je suis assuré qu’il n’y a plus de subsistances. J’espère avoir ce soir plus de deux cents bœufs et vaches. Tous les bestiaux sont épars dans les champs.

    Hier, j’ai fait brûler tous les moulins que j’ai vus, puisque tous les meuniers et boulangers m’ont abandonné ; mais aucun de ceux que je rencontrerai n’échappera à ma vengeance (1).

    Aujourd’hui je peux faire brûler, sans courir de risque, les trois quarts de la ville, il ne faut pas tant de place pour un détachement de deux cents hommes.

    Malgré tous les soins que je me suis donnés, je n’ai pu faire évacuer encore toutes les métairies qui sont entre Maulévrier et les Echaubrognes. Il reste encore le bourg d’Isernay et les métairies auxquels on n’a pas touché, encore plus riches, dit-on que les Echaubrognes. En conséquence, je donnerai au détachement des renseignements et des ordres à ce sujet, comme tu me le marques. »

     

    A ce stade, les renseignements sur la marche de la colonne de Caffin sont assez flous. Est-ce le détachement de 150 hommes restés à la Tessoualle puis envoyé sur la route de Saint-Laurent qui va commettre ce que nous allons voir maintenant ? Ou est-ce plutôt le gros de la colonne en marche avant un contrordre ? Ou bien enfin est-ce lors de la marche définitive de celle-ci. Toujours est-il que l’état du village du Puy-Saint-Bonnet en 1812 (2) laisse perplexe. Il n’y a guère que trois kilomètres entre la Tessoualle et le Puy-Saint-Bonnet et je suis quasiment convaincu que c’est par là que la colonne de Caffin est partie pour incendier Saint-Laurent-sur-Sèvre. Passant probablement par la « Lande Bataillière », puis la « Lande du Chêne Rond », pour arriver enfin au bourg du Puy-Saint-Bonnet, dont l’incendie ne fait guère de doute.

    La chapelle et la lande du Chêne Rond :

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 4ème partie....

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 4ème partie....

     

    Parcours de tout ou partie de la colonne de caffin matérialisé en orange sur la carte IGN de Géoportail :

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 4ème partie....

    Sont incendiés : La Charuelle, le Bourg, le Chiron, la Merletière, la Boucherie, Chez Chupin, le Buisson et la Boissivière (3).

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 4ème partie....

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    Le Quarteron Moine et le Grand Chambord sont détruits, mais situés très au Nord-Ouest, aux limites de Saint-Christophe-du-Bois, on peut douter que ce soit l’œuvre de la même colonne.

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 4ème partie....

    Il n’y a part ailleurs pas de traces de destructions sur le cadastre cette dernière commune, pas plus que sur d’autres villages pourtant incendiés, tels Maulévrier, Toutlemonde ou Yzernay. Les campagnes de reconstruction ont-elles été aussi rapides, pour qu’en 1812, tout soit déjà reconstruit en Maine-et-Loire alors que ce département fut le plus mal loti en matière de dédommagements ?

    Bien entendu, d’autres fermes et hameaux ont sans doute brûlé, comme la Vergnais de la Tessoualle. Je ne présente ici que le bilan de ce qui peut être vérifié.

    La célèbre ferme des Rinfillières (nommée « Reffilières » sur la carte de Cassini, « Ressiguières » sur la carte d’état-major et « Resfiguières » sur le cadastre de 1812), qui rappelons-le dépend du territoire du Puy-Saint-Bonnet et non de Loublande comme on le croit souvent, ne semble pas avoir été incendiée. Il est probable que sa situation très au Sud-Est du bourg, l’ait protégée. Néanmoins, une tradition locale a retenu un massacre au pied du coteau, dans le contrebas au Sud de la ferme. Est-ce en rapport avec le passage de la colonne Boucret/Caffin ? Rien ne permet de l’affirmer ni davantage d’écarter cette possibilité.

    Toujours de Caffin, le 27 janvier :

    « La tête de ma colonne était déjà sur la route de Saint-Laurent, lorsque ta lettre, qui m’annonçait la position de l’ennemi, m’a été remise. Le détachement que tu m’as envoyé pour garder les magasins, n’étant que de deux cents hommes, dont la moitié sans armes, j’ai jugé que j’étais obligé de faire rétrograder ma troupe. J’ai été prendre une position sur les routes de Vezin et de Chemillé. J’ai de suite envoyé un piquet de cavalerie à la découverte. A peine arrivé dans les landes Genty, il a aperçu l’ennemi et l’a débusqué. Voyant l’ennemi rentré dans le bois et ne connaissant pas sa force, il s’est replié sur la colonne que j’ai fait avancer jusqu’à la lande où j’ai pris position. Un détachement du soixante-dix-septième, envoyé en avant, a reconnu le bivouac des brigands dans le bois à côté de la lande ; il a pris dix-huit chevaux que tu recevras demain matin. Le bois a été fouillé, les brigands n’ont pas paru, leurs corps-de-garde a été brûlé ; mais je ne puis te dire leur direction.

    Voici une preuve de leur scélératesse : on a trouvé dans leur bivouac le père et le fils massacrés, attachés l’un à l’autre.

    Ceci ne m’a pas empêché de faire l’enlèvement des grains, quoique tous les coquins de préposés soient partis. J’ose assurer que si j’avais quitté Maulévrier, l’ennemi aurait égorgé le détachement de deux cents hommes, car il est instruit de tous nos mouvemens, aussi je fais tuer tout ce que je rencontre. »

    Bien que très proche de la forêt de Vezin-Maulévrier, les Landes de Genty ou Gentil, n’étaient pas boisées à l’époque. Comme leur nom l’indique, ce sont… des landes.

    Ici sur la carte de Cassini :

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 4ème partie....

    Sur l’IGN de Géoportail, faisant partie intégrante de la forêt aujourd'hui :

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 4ème partie....

    Et sur le cadastre de 1812 (AD49, 3 P 4/73/1) :

    La colonne infernale Boucret/Caffin, 4ème partie....

     

    Le lendemain, 28 janvier, qui est aussi le jour de la mort d’Henri de la Rochejaquelein :

    « Je te préviens que j’ai fait éclairer ce matin les routes de Vezin et d’Argenton. Mes patrouilles n’étant pas encore rentrées, je ne puis te donner aucune nouvelle sur la marche des brigands. Je t’annonce que je n’ai plus que pour un jour de pain et de farine. »

    Puis le surlendemain 29 janvier :

    « Hier, vers une heure de l’après-midi, mes postes avancés sur les routes d’Argenton et Vezin ont entendu battre la charge ; j’en ai été instruit aussitôt, et je suis allé prendre position sur la route de Vezin, mais on n’a rien découvert (4).

    Ce matin, à la réception de ta lettre, j’ai fait battre la générale, et je me mets en marche à sept heures pour fouiller la forêt de Vezin, conformément à tes ordres.

    Je n’ai reçu de pain que pour la distribution d’aujourd’hui, il sera dû demain ; je t’en préviens, afin que tu donnes des ordres en conséquence. »

    Le 31 janvier, toujours Caffin :

    « Je te préviens que tout le village d’Ysernay a été incendié hier sans y avoir trouvé ni homme ni femme. Il restait quatre moulins à vent que j’envoie incendier ce matin, n’en voulant pas laisser un seul.

    Pour seconder tes désirs, je pars aujourd’hui pour Saint-Laurent que j’espère brûler demain, pour me rendre après-demain à la Verrie, où je dois rester jusqu’à nouvel ordre.

    J’ai fait brûler ce matin toutes les maisons qui restaient à Maulévrier, sans en excepter une seule, si ce n’est l’église où il y a encore beaucoup d’effets qu’il serait à propos d’envoyer chercher de suite.

    Le bourg de Tout-le-Monde a été incendié avant-hier.

    Tu observeras au citoyen Beaudesson que je laisse encore quantité de grains et de fourrages dans les métairies que je n’ai pas fait brûler. »

    Nous arrêtons ici de suivre la marche du binôme Boucret/Caffin. Une fois passés en Vendée, il est difficile de suivre les incendies sur un cadastre beaucoup plus récent que celui des Deux-Sèvres et du Maine-et-Loire. Encore une fois et malgré les horreurs commises, on ne peut que se rendre compte de l’ineptie de Turreau et l’absurdité de son plan. La république est incapable de sustenter ses soldats et la question du pain manquant se répète chaque jour. Le 29 janvier, Boucret demandait à Turreau 2 000 rations de pain « pour me mettre en avance » (5). Ceci indiquant clairement qu’il ne dispose pas de plus de 2 000 hommes. Comment peut-on sérieusement espérer, avec seulement 2 000 hommes par colonne, qui de sucroît n’ont rien à manger, ratisser une aussi grande étendue de terrain ; à fortiori incendier, bois et forêts sous la pluie, en plein hiver et tenter de récupérer en même temps grains et fourrages sans le moindre matériel de transport adéquat ?

    Avec le recul de 220 ans d’histoire, on peut saisir l’impéritie de ces personnages qui, ne sortant jamais sur le terrain, n’ont aucune idée de la vraie vie. On peut le comprendre d’autant plus aisément, qu’aujourd'hui encore, ce sont ceux qui sont le plus déconnectés de la réalité qui ont souvent le plus grand pouvoir de décision. On en voit quotidiennement les effets… Mais avant de conclure, réfléchissons un peu à ce qu’ont pu penser les autorités républicaines locales. On annonce des armées en marche contre les royalistes, on les accueille à bras ouvert et en remerciement des municipalités en écharpe se font fusiller, des villages patriotes sont incendiés et on désarme les gardes nationaux avant de repartir, les laissant à la merci des royalistes qu’on n’a même pas cherché à poursuivre. Il y avait de quoi se poser des questions sur les véritables motivations de Turreau et de ses généraux. C’est peut-être aussi pour cela que le système des colonnes infernales fut si longtemps occulté ; parce que la terreur portait en elle-même les germes de la contre-révolution…

    RL

    Juin 2019

     Article connexe ici.

     

     

    Notes :

     

    (1)  Caffin qui se plaignait plus haut que tous les meuniers et boulangers étaient en fuite. Mais qu’en aurait-il fait s’il en avait rencontrés ? La réponse semble être dans la phrase à laquelle renvoie cette note…

    (2)  Le Puy-Saint-Bonnet, à l’époque en Deux-Sèvres, fut rattaché à Cholet et au Maine-et-Loire en 1973. Curieusement, son cadastre napoléonien est consultable aux AD49 tandis que celui de 1967 l’est aux AD79…

    (3)  La ferme de la Boissivière, est aujourd’hui disparue. Elle était située au Nord-Est de l’actuelle carrière de la Roche-Atard, juste à la limite du département de Vendée. Son emplacement figure encore en tant que bâtiments ruinés sur le cadastre de 1967 (AD79, 1908 W 38/1). La carrière fut creusée en 1973.

    (4)  Note de Savary : « C’est dans ce moment, le 28, que la Rochejaquelein fut tué par un volontaire qu’il poursuivait (voir lettre de Poché, commandant la place de Chollet, du 21 février, au général en chef). »

    (5) Savary, tome III, p. 98.

     

     


  • Commentaires

    1
    Dimanche 30 Juin 2019 à 13:20

    Les motivations de Turreau consistaient à se faire bien voir par le Comité de Salut public qui lui avait confié cette mission ; c'était un pur opportuniste, un modèle de « sans-culottisme ». Accessoirement il espérait aussi tirer une gloire personnelle en mettant fin à la guerre, pensant que les « brigands », écrasés à Savenay, n'auraient plus de forces à lui opposer.
    On avait donc affaire à un opportunisme politique doublé d'une incompétence militaire, aggravée par une ignorance complète du terrain. Il fallait bien ça pour oser proposer d'anéantir la Vendée dans une « promenade » de 15 jours !

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