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Insurrection contre les impôts en 1798....
La Chapelle-Saint-Laurent, Largeasse, insurrection contre les impôts en 1798…
Le temps m’avait manqué jusqu’ici pour vous présenter les documents qui vont suivre. Je connaissais leur existence aux archives départementales des Deux-Sèvres, il fallait juste les compulser de nouveau et les analyser un peu.
Nous voici au lendemain du coup d’état du 18 fructidor de l’an V (4 septembre 1797) et les persécutions reprennent de plus belle contre la religion catholique, ainsi que les vexations qui amèneront le nouveau soulèvement de 1799. Dans le petit coin qui nous intéresse, le port d’armes est interdit depuis le 21 février 1798 et Pierre Maupillier, oncle du Jacques Maupillier de Boismé devient « président de l’administration municipale » de la Chapelle-Saint-Laurent le 25 mars. Il le sera jusqu’en 1800.
La révolte commence à gronder une nouvelle fois, et dans le canton de la Chapelle-Saint-Laurent plus particulièrement contre les impôts. La population qui déjà exécrait la caste des fonctionnaires, va se montrer extrêmement menaçante.
Le problème éclate avec ce qui va suivre, dévoilant l’immense fossé entre les bourgeois, agents de la république, et le « vrai peuple », pas celui que l’on s’imagine dans les salons, mais celui qui s’agace des vexations permanentes de la part des nouveaux privilégiés. Et comme j’aime bien que le lecteur puisse se faire une idée par lui-même, je vous livre les documents tels quels. On commence au 26 thermidor an VI (lundi 13 août 1798) (1) :
« Séance extraordinaire du 26 thermidor
Aujourd’huy vingt sixième jour du mois de thermidor de l’an six de la République.
S’est présenté à l’administration le citoyen Charles Roy percepteur des contributions directes du canton de la Chapelle St Laurent, lequel a déposé un procès-verbal signé de lui, par lequel il appert que ledit Roy s’est transporté le vingt-cinq dudit mois dans la commune de Laregeasse pour y faire payer les contributions, d’après l’arrêté du département du onze messidor (29 juin 1798), et que les citoyens contribuables invités et présent ont déclaré qu’ils ne voulaient pas payer les premiers ;
L’administration municipale délibérant, oüi le commissaire du directoire exécutif,
Arrête qu’il sera de suite fait deux copies dudit procès-verbal, l’une pour le commissaire du directoire exécutif près d’elle, et l’autre pour l’administration centrale du département, afin qu’il soit pris les mesures (mot manquant, papier déchiré).
Fait et arrêté en administration à la Chapelle Laurent les jours mois et (mot manquant, papier déchiré). »
Suivent les signatures.
Le 10 fructidor (27 août 1798), les habitants de la petite commune de Trayes, se plaignent par une pétition que leur commune paie autant d’impôts que du temps où elle était réunie fiscalement à celle de Bouin. Ils présentent comme preuve les rôles de 1790 et 1791.
Voilà bien peu de choses, lorsque l'on apprend ce qui s'est passé ensuite avec un premier arrêté du 1er jour complémentaire de l'an VI (17 septembre 1798) :
« Le commissaire du directoire exécutif présent.
Vu le procès verbal dressé par le percepteur des contributions directes du canton de la Chapelle St Laurent constatant qu’hier trente fructidor (dimanche 16 septembre 1798) à deux heures environ après midy il est entré chez lui une troupe de paysans qu’il a reçus dans son bureau, comptant qu’ils étaient venus pour acquitter leurs impositions, mais qu’il a vu le contraire, lorsque ces individus au nombre de quatre vingt dix environ ont commenté par vomir des imprécations contre le gouvernement Républicain, contre le percepteur, contre l’administration municipale, et le commissaire près d’elle, et lorsqu’ils ont publiquement déclaré qu’aucun d’eux ne payeraient les impositions et qu’ils séviraient eux-mêmes contre ceux qui payeraient les premiers,
L’administration municipale délibérant,
Considérant que les quatre vint dix individus entrés chez le percepteur des contributions ont manifesté une rébellion ouverte contre les loix, les fonctionnaires publics et la rentrée des deniers publics ;
Que parmi ces individus, il y en avait au moins les deux tiers, qui, avait été invités par écrit à venir payer, ne s’étaient rendus que pour se révolter et empêcher de payer ceux qui étaient dans l’intention de le faire ;
Considérant que la sureté des Républicains, et des deniers publics, qui sont entre les mains du percepteur, a été comprise et qu’elle est encore ;
Que la plupart de ces mutins se sont vantés d’attenter à la vie du commissaire du directoire exécutif et des membres énergiques de l’administration municipale ;
Que, pour venir à bout de leurs desseins criminels, et s’emparer de la caisse du percepteur, ils saisiraient le moment où nous ne serions protégés par aucune force armée ;
Qu’en conséquence, d’après de pareilles menaces et d’après l’événement factieux d’hier, nous ne pouvons et ne devons point être privés de la force armée même pendant quelques heures ;
Que le cantonnement de la Chapelle St Laurent ayant reçu ordre de partir pour Bressuire avec armes et bagages ne peut nous abandonner à la mercy des paysans révoltés ;
Qu’il est urgent et conforme à l’intérêt de la République, à la sureté des Républicains et des deniers publics, qu’au moins une partie du détachement reste ici pour y monter la garde, jusqu’à ce qu’un autre détachement remplace celui-cy, s’il vient à nous quitter, afin que nous ne restions point sans troupes ;
Oui le commissaire du directoire exécutif.
Arrête ce qui suit :
Le commandant du cantonnement de la Chapelle St Laurent laissera la moitié de son détachement à la Chapelle pour y veiller à la sûreté des fonctionnaires publics et des deniers publics ;
Une expédition du présent arrêté lui sera remise pour être présentée au général ou commandant de la force armée à Bressuire.
Fait et arrêté en administration à la Chapelle St Laurent les jours, an et susdits. »
Suivent les signatures
Un nouvel arrêté suit :
« Le commissaire du directoire exécutif présent
Vû le procès-verbal dressé le trente fructidor par le citoyen Roy percepteur des contributions du canton de la Chapelle St Laurent, par lequel il est constaté que sur les deux heures après midy environ, pendant qu’il était dans sa maison occupé à recevoir les impositions de plusieurs contribuables des communes de Laregeasse, Clessé et Traye ; une troupe d’environ quatre vingt dix individus s’est introduit dans son bureau avec un air menaçant que là animés par quelques individus à leur tête ils se sont déchainé en injures contre le gouvernement Républicain, contre l’administration municipale et le commissaire près d’elle, ainsi que contre les Républicains amis des loix ; qu’il ont publiquement déclaré qu’ils ne voulaient payer aucune imposition et que ceux qui payeraient les premiers, auraient à faire à eux ; que le percepteur, le commissaire et le secrétaire de l’administration municipale alors présens pour engager les contribuables à acquitter leurs impositions auraient été sacrifiés à leur fureur, si ces mutins n’avaient un peu redouté la force armée du cantonnement ;
L’administration municipale délibérant ;
Considérant que la loi a été ouvertement violée ; que le percepteur, le commissaire et le secrétaire de l’administration parlant au nom de la loi, ont été insultés, menacés et réduits au silence par les vociférations et les clameurs injurieuses des quatre vint dix individus entrés comme par force chez le percepteur des contributions du canton ;
Considérant que, suivant le contenu du dit procès verbal, ils s’animaient et s’échauffaient les uns les autres en se poussant et se heurtant pour savoir celui qui tomberait le premier avec quelques autres d’entr’eux sur le percepteur, le commissaire et le secrétaire de l’administration ;
Qu’ils ont insulté, invectivé, menacé et repoussé l’épouse du citoyen Roy percepteur, et qu’ils ont voulu l’empêcher d’entrer dans sa chambre, en lui disant qu’elle ne devait pas se mêler de la guerre des hommes ;
Que cette conduite annonce évidemment des intentions hostiles et dangereuses, des esprits inclinés à la rébellion, une opposition formelle et coupable à la rentrée des deniers publics ;
Qu’à la tête de cet attroupement on a surtout signalé les nommés François Niort fermier au Boislemay (2) et François Frouin bordier à la Loge, commune de la Chapelle St Laurent ; René Fradin garde-champêtre de la commune de Pugny et Caduc de la Martinière commune de Chanteloup, qui tous les quatre paraissaient conduire les autres et les révolter conte la rentrée des impositions par les discours les plus incendiaires qu’ils tenaient ; que parmi les quatre on a remarqué derrière le nommé Alexis Grellier ; que les quatre individus ci-dessus dénommés étaient les boutefeux et les principaux moteurs de cet attroupement illégal ; qu’ils se sont mis hors la loi, en menaçant ceux qui avaient intention de payer, en détournant et arrêtant ceux qui venaient payer ;
Qu’ils ont donné par là l’exemple le plus funeste et le plus contraire aux loix ; et qu’ils ont été la principale cause que le percepteur n’a point fait de recettes dans un moment où plusieurs habitans paisibles de Traye, de Laregeasse et Clessé allaient payer, mais qui sont sortis sans rien donner, vu les menaces qu’on leur fesait ;
Considérant que cet attroupement paraissait médité de plusieurs jours, puisqu’il s’est trouvé un grand nombre d’individus, qui, quoique n’ayant pas été encore invités à se rendre, n’étaient venus que pour augmenter le nombre des mutins ;
Qu’après être sortis de la chambre du percepteur ils ont encore formé divers attroupemens dans le bourg de la Chapelle St Laurent pour arrêter ceux qu’ils croyaient disposés à venir payer ; qu’ils se sont ensuite réunis à l’auberge des trois marchands chez le nommé Giret boulanger, refuge ordinaire de ceux, qui n’aiment ni la République ni ses loix (note en marge : « et qui lui-même fesait partie de l’attroupement ») ; que là ils se sont encore déchainés contre le gouvernement actuel, qu’ils ont taxé d’injustice ;
Qu’ils ont ensuite fait menacer le citoyen Beaudet commissaire du directoire qu’il n’existerait pas longtemps, qu’ils lui en voulaient particullièrement ;
Que les cinq principaux de cet attroupement étaient aurefois les membres des comités des rébelles vendéens ;
Que l’événement fâcheux qui a eu lieu, n’est dans le fond rien autre chose que l’ouvrage des trames ourdies dans les bois et autres repaires par les émigrés cachés et les prêtres fanatiques et insoumis, pour qui la paix et la tranquillité sont un tourment ; qui sont transportés de rage à la vue des triomphes de la République, et qui voient avec désespoir la rentrée des impositions ; qui corrompent généralement l’esprit public de nos malheureuses contrées, et qui font jouer tous les ressorts du fanatisme, de l’ambition, pour y rallumer et secouer les brandons de la guerre civile ;
Qu’en conséquence la loi ne doit plus protéger des individus, qui sont en rébellion ouverte contre elle ;
Qu’en outre cette rébellion est cause que le percepteur a donné sa démission, vu les menaces qu’on a faites d’attenter à sa vie ;
Oui et le requérant le commissaire du directoire exécutif : arrête ce qui suit :
Article 1er
L’administration municipale déclare à ses concitoyens que les nommés françois Niort fermier au Bois**** (Bois Guillemet), François Frouin bordier à la Loge, commune de la Chapelle St Laurent, René Fradin garde-champêtre de la commune de Pugny et Caduc de la Martinière, commune de Chanteloup, sont les principaux autheurs de l’attroupement qui a eu lieu le 30 fructidor chez le percepteur des impositions, la principale cause des insultes et menaces faites aux fonctionnaires publics, et des imprécations vomis contre le gouvernement ; ainsi que l’opposition ouverte à la rentrée des deniers publics.
2.
En conséquence une copie du procès-verbal dressé par le percepteur sera remise au commissaire près cette administration avec une expédition du présent arrêté pour être le tout envoyé desuite au commissaire central du département des Deux-Sèvres, afin qu’il soit pris des mesures vigoureuses contre les cinq individus cidessus dénommés, et qu’ils soient traduits devant les tribunaux compétens comme s’étant ouvertement opposés à la rentrée des impositions et s’étant par là déclarés en rébellion conte les loix.
Fait et arrêté en administration au lieu ordinaires des séances à la Chapelle St Laurent les jours, mois et aux susdits. »
Suivent les signatures.
On peut ainsi présager aisément de ce qui se passera l’année suivante, de la part d’un pays pourtant ruiné et exsangue.
RL
Août 2018
Notes :
(1) AD79, L 228. Un grand merci une nouvelle fois au personnel des archives de Niort pour sa gentillesse et son aide, toujours la bienvenue, de la part de vrais passionnés d’histoire.
(2) Le « Bois Guillemet » de la Chapelle-Saint-Laurent, orthographié « Bois Glumet » sur le cadastre de 1811.
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Commentaires
1798-2018 : et ça continue cette république qui pue la charogne.
On s'agace aussi en 2018 des vexations permanentes de la part des nouveaux privilégiés, de la bande à Macron avec ses radars racketteurs sur les routes du royaume des banquiers.
Il ne Il ne manque pas de sites pour exprimer une colère sans doute respectable. Restons ici aux questions historiques.
Merci encore aux chercheurs.
Cordialement