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Clessé : le combat de St-Benoist....
Le combat de Saint-Benoît de Clessé…
Lors d’une récente veillée dans l’antique maison de notre ami Christophe, nous avions eu l’occasion, au coin du feu, d’évoquer le combat de Boismé du Vendredi Saint 18 avril 1794, au cours duquel Marigny avait eu raison d’une colonne infernale. Nous avions parlé de Jacques Martineau et de ses états de service. Ce dernier mentionne les campagnes suivantes pour 1794 :
« …Dans l’année 1794, lui et son père prirent les armes et assistèrent pendant la campagne, 1° à la bataille de Chanteloup de Vezins, 2° à celle de Vezins, 3° à celle de St Pierre de Chemillé, 4° à celle du vendredi saint à Boëmé et 5° à la grande bataille de la Châtaigneraie où son père fut tué ; et après la mort de son père dans la même année il fut encore au choc de St benoist commune de Clessé. Pendant cette campagne, les républicains enlevèrent tous les effets et bestiaux et la maison paternelle de sa femme a subi le même sort… »
Copie de sa demande de pension : (1)
Nous allons voir dans les lignes qui suivent qu’il faut toujours reprendre les sources originales au lieu de donner carte blanche à un historien, fut-il Savary lui-même et ses correspondances qui ont été reprises et republiées à l’envi, y compris par l’incontournable Chassin. Ce n’est sûrement pas par mauvaise foi et tout le monde peut se tromper ou mal interpréter une correspondance.
Commençons donc, si vous le voulez bien par un état de situation du district de Bressuire découvert aux Archives Nationales (2). La position de celui-ci n’étant pas tenable à Bressuire, il avait été évacué à Saint-Jouin-de-Marnes, dans un pays plus favorable à la république. Le district est dans un état lamentable. Depuis les colonnes infernales qui ont échoué à exterminer totalement la population, le « vrai peuple », celui que la république ne veut pas voir, est à nouveau en état d’insurrection générale et le foutoir le plus total règne sur les pseudo-administrations gouvernementales. Les administrations de Thouars, Bressuire et Parthenay réclament les copies des lois de l’été 1793. Elles ont des difficultés à faire respecter la très centralisatrice loi du 14 frimaire. Il y est dit que les « scélérats doivent être entièrement exterminés », on y parle des « monstres qui égorgent tous ceux qui se présentent à leur vue », (vue 10 du document cité en note 2) en omettant bien entendu de signaler ce que la république à ordonné six mois auparavant contre ceux qui désormais, ne font que se défendre. On y signale que le « territoire du district de Bressuire est presqu’entièrement incendié et une grande partie de la population est détruite » (on se demande par qui, vue 13, ibidem) et « sans cesse tourmenté par des hordes de brigands ». Ce document est à lire en entier pour celui qui veut se faire une idée complète.
Copie de la vue 10 :
Les escarmouches, les vengeances et les règlements de compte vont bon train et comme jamais. Pendant ce temps, le gouvernement républicain, comme à son habitude ne cherche qu’à faire rentrer les « contributions » et les « confiscations » (je cite !) sur une population restante exsangue, ruinée et qui ne peut plus supporter d’engraisser les potentats locaux et les agents gouvernementaux.
S’il n’y a ni mystère sur le combat du Vendredi Saint 18 avril 1794 à Boismé ni sur celui de la Châtaigneraie du 25 avril, on se demande en quoi a consisté ce « choc de St-Benoist » et a quelle date il a eu lieu. C’est donc depuis la veillée chez Christophe que je me suis permis de me pencher un peu plus sur le sujet. On trouve dans l’ouvrage de Philbert Doré-Graslin à la date du 25 juillet 1794 (3) :
« Un détachement du camp de Chiché allant à Boismé et au château de Clisson, propriété de Lescure, essuie une vive fusillade. »
Il ne fait aucun doute que Philbert Doré-Graslin utilise comme référence la correspondance mis au jour par Savary (4) qui rapporte une lettre du général Bonnaire à Vimeux :
« Le général Legros m’annonce du camp de Chiché qu’un détachement sorti le 25, se dirigeant par Boëmé et Clisson, a essuyé une vive fusillade à laquelle il a riposté plus vivement encore. Il est rentré avec seize personnes trouvées sans armes et soixante-seize pièces de bétail. »
A ce stade, une petite enquête sur les archives du Fort de Vincennes s’impose et bingo ! le document original existe bel et bien… ou du moins son bulletin analytique (5) :
« La Châtaigneraie, 9 thermidor an 2 (dimanche 27 juillet 1794), du général divisionnaire Grignon au général en chef Vimeux,
Le général Legros lui annonce qu’un détachement sorti du camp le 7 (vendredi 25 juillet 1794) passant par Boïmé et rentré par Clizaye a ramassé, après avoir essuyé une vive fusillade, 16 personnes sans armes et 76 pièces de bétail. »
La cote de ce bulletin analytique nous renvoie sur la correspondance de l’Armée de l’Ouest. On y découvre une précision concernant 12 bœufs : (6)
« Legros lui annonce qu’un détachement sorti du camp le 7 passant par Boïmé et rentré par Clizaye a ramassé, après avoir essuyé une forte fusillade : 16 personnes sans armes, et 76 pièces de bétail, 12 bœufs gardés pour les charrois, le reste conduit au district. »
Nous ne faisons bien entendu pas le détail de toutes les sorties de troupes depuis le camp de Chiché qui ont eu lieu dans les jours précédents ou suivants et nous nous attachons spécialement à cette journée du 7 thermidor (25 juillet 1794). Nous ne pouvons que constater que Savary ne reproduit pas fidèlement la pièce originale. Incapable d’identifier ce lieu de « Clizaye », il entreprend de lui substituer celui de « Clisson », le célèbre château de Boismé mais il y a un problème et de taille !
Eh oui, Clisson se trouve à l’Ouest de Boismé et on voit mal pourquoi les troupes républicaines se seraient senties obligées de passer par ce lieu pour rentrer au camp de Chiché qui se trouve à l’Est ! Réfléchissons un peu… Les républicains opèrent une razzia et rentrent à Chiché après avoir essuyé une vive fusillade. Se pensant en sécurité, ils n’ont pu que descendre vers le Sud et ainsi rejoindre non pas « Clizaye » mais « Clessé » ! Bon sang de bois ! En effet, le risque semblait sûrement moins important de tomber sur des combattants vendéens en partant vers Clessé, appuyé par le camp de Largeasse, qu’en remontant vers le Nord, à fortiori si la colonne est chargée par des civils sans armes et des bestiaux que les insurgés ne manqueront pas de vouloir délivrer et récupérer.
C’est là qu’intervient la demande de pension de Jacques Martineau citée plus haut et son fameux « choc de St-Benoist ».
Maintenant suivons un peu la possible marche de la colonne républicaine depuis Boismé avec le cadastre de 1811 et les anciens chemins (celle de Chiché à Boismé est assez simple à reconstituer). Le grand chemin actuel de Boismé à Clessé n’existe pas, bien entendu.
De Boismé aux Bordes et à la Maurière sur le cadastre de Boismé, 1811 :
Sur le cadastre de Clessé, 1811. La Basse-Roche, la Haute-Roche, et Saint-Benoist. Attention à la désorientation de la feuille. Le Nord est à gauche du plan :
Saint-Benoist possède un point haut, couronné de deux moulins, lieu idéal pour les vendéens qui guettent leurs agresseurs. Les républicains rentrent au camp de Chiché, peut-être par Puy-Fleury (Pied-Fleury) et Laubreçais, peut-être par la route d’Amailloux. En tout cas, sûrement pas par Boismé, où ils sont déjà passés et encore moins par le château de Clisson qui est dans la direction opposée à leur retour. On notera qu'une tradition locale nous rapporte qu'une baïonnette aurait été trouvée lors de travaux à St-Benoist.
Ainsi, et grâce à la demande de pension d’un ancien soldat vendéen, peut-on s’expliquer un combat, bien peu cité et sur lequel tous les historiens ont recopié aveuglément Savary, sans chercher davantage sur l’incohérence de ce qui était reproduit.
RL
Juin 2017
Saint-Benoist et ses moulins :
Le chemin par lequel sont probablement passés les républicains (crédit photo : Angélique B-G) :
Notes :
(1 1) AD79, R/69, copie appartenant à Christophe.
(2 2) AN F7 3690/1-12
(3 3) Itinéraires de la Vendée Militaire, Garnier, 1979, p. 145.
(4 4) Tome IV, p. 45.
(5 5) SHD B 5/9-98, vue N° 19/19.
(6 6) SHD B 5/10-1 vue 20/26
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Commentaires
Merci Richard pour toutes ces recherches, de plus je connais très bien cet endroit y allant souvent ....
Rembar