• Un capitaine de gendarmerie en jugement....

     

    Angers (Maine et Loire) en ce 27 frimaire de l'an III.

     

    Un capitaine de Gendarmerie jugé pour concussion, dilapidation d'effets appartenant à la République, vol d'argenterie et fusillades arbitraires...

     

     

     

    Un capitaine de gendarmerie en jugement....Depuis le 22 décembre 1790 et les décrets du 16 février 1791, la Maréchaussée est désormais intitulée Gendarmerie Nationale pour assurer la sécurité des biens et des personnes à l'intérieur de la République. Nous verrons comment elle s'en acquitte...

     

    Déjà en 1793, la gendarmerie devait avoir un sérieux problème de recrutement à tous les niveaux de sa hiérarchie ; la gendarmerie, arme d'élite ? Je vois déjà des sourires s'esquisser avec raison... En effet, vraiment cette 36ème Division de gendarmerie n'a pas bonne réputation : Des gendarmes voleurs et violeurs à Couziers en Indre et Loire, maintenant un capitaine prévenu de concussion, de dilapidation d'effets appartenant à la République, de vol d'argenterie et d'avoir ordonné arbitrairement des fusillades dans la Place de Doué la Fontaine ; et l'ensemble commandé par le général Jean-Antoine Rossignol, ancien lieutenant colonel de gendarmerie (Vainqueur de la Bastille), faisant l'objet de plaintes pour vol avec les généraux Haxo, Crouzat et Danican. (cf billets de Chemins Secrets – ''Le pillage par la troupe autorisé et encouragé par les généraux'' et ''Quand le gendarme devient voleur et trousseur de jupes...''). Ce ne sont pas les seuls, car en feuilletant rapidement les jugements nous découvrons le gendarme Charles Anna, condamné pour vol dans un château, le gendarme Pierre Gilet condamné pour vol de plomb, le gendarme Jean-Baptiste Buffet également condamné pour vol etc... (Sources SHD B/3/335-SHD B1 335- 36, SHD B1338-19). Inutile d'évoquer chaque cas, cela deviendrait fastidieux et stérile en raison du nombre.

     Un capitaine de gendarmerie en jugement....

     

    Officier de gendarmerie ci-contre

     

    Par contre, il conviendrait de s'attarder sur l'origine de cette situation déplorable, cela ne serait-il pas tout simplement la conséquence d'une volonté politique, d'un recrutement décidé pour la circonstance et provenant de la tourbe, de cette populace, des vainqueurs de la Bastille, de ces massacreurs de septembre, meurtriers de la princesse de Lamballe... puis des Vendéens ? -

    Gravure illustrant le massacre de la princesse de Lamballe par la populace parisienne.  Source :''Le Forum de Marie-Antoinette''.

    Un capitaine de gendarmerie en jugement....

     

     

    Réponse : Les archives des régiments conservées au Service Historique de la Défense (Vincennes) Class 28YC pour les registres matricules de la gendarmerie 1792-1815 font apparaître que les 35e et 36e Divisions de Gendarmerie sont venues combattre les ''Brigands de la Vendée'' (royalistes). Que le général Rossignol, ancien lieutenant-colonel de gendarmerie a commandé la 35e division composée des ''Vainqueurs de la Bastille''... Inutile d'aller plus avant, vous aurez compris la provenance des militaires de ces deux Divisions. Cela fait partie des ''heures les plus sombres de la gendarmerie'', il y en aura d'autres, et cela ne lui fait pas honneur.

     

    La 35e Division de gendarmes à pied ou des ''Vainqueurs de la Bastille'' a été formée durant l'automne 1792.

    La 36e Division de gendarmes à pied a été formée le 27 février 1793 à Paris et comprend deux bataillons à quatre compagnies et une seule compagnie de canonniers.

    Une Division de gendarmes de la Vendée formée à Tours le 23 mai 1793 qui ne reçu pas de numéro composée d'un bataillon et une compagnie de canonniers – Dissoute le 17 avril 1795, probablement anéantie dans les combats en Vendée. (sources : SEHRI, site des volontaires des armées de la République).

     

    En effet, les gendarmes sont incorporés dans les Colonnes Infernales. Pierre Montagnon dans ''Son Histoire de la Gendarmerie'', je le cite : «  Des éléments de la gendarmerie sont envoyés à l'Ouest dans la malheureuse guerre de la Vendée. Ils accompagneront les terribles colonnes infernales du général Turreau et de ses semblables, payant le prix fort lorsque le sort des armes leur est défavorable... ». D'ailleurs, le général Duquesnoy, commandant l'une de ces colonnes, l'un des plus féroce, pratiquant la terre brûlée, n'était-il pas un ancien gendarme ?

     

     

    Afin d'illustrer mes propos et de terminer cette série de billets concernant les bons souvenirs laissés par la gendarmerie de la République dans les départements de l'Ouest pendant les guerres de la Vendée, laissons place au jugement « du capitaine Jean-Jacques Guillemette, officier de la 36e Division de Gendarmerie à pied, ex-commandant de la Place de Doué et commandant temporaire de Chinon, prévenu de concussion, de dilapidation d'effets appartenant à la République, de vol d'argenterie dans un château près de Brissac et d'avoir ordonné arbitrairement des fusillades dans la Place de Doué ».

     

    Ce capitaine est pourtant accusé de faits distincts et bien précis, mais curieusement les preuves s'évanouissent ..... il est acquitté. L'intéressé bénéficie-t-il de protections ? Comme nous allons le voir, la sécurité des biens et des personnes est entre de bonnes mains pendant toute cette période...

     

    «  Du 27 frimaire, an 3 de la République française, une et indivisible, (Mercredi 17 décembre 1794).

     

    Vu l'acte d'accusation rendu par le citoyen Paul Pierre, officier de police militaire à l'armée de l'Ouest, résidence d'Angers, contre Jean-Jacques Guillemette, âgé de trente deux ans, natif de Neuilly, district Denis, département de Paris, capitaine de la trente-sixième division de gendarmerie à pied, commandant de la Place de Chinon, ci-devant commandant de celles des Sables et de Doué, prévenu de concussion, de dilapidation d'effets appartenant à la République, et d'avoir arbitrairement ordonné des fusillades dans la Place de Doué :

     

    Lecture faite de la loi du cinq pluviôse, relative aux faux témoins, après avoir entendu les témoins assignés dans cette affaire, l'accusé, son conseil et la déclaration du juré de jugement, portant qu'il n'est pas constant, que plusieurs voitures contenant des effets appartenant à la République, provenant des émigrés, et venant d'Argenton-le-Château, Concourson et Pierre-à-Champs, ayant été conduite chez Guillemette, Commandant de la Place ; qu'il n'est pas constant qu'il se soit transporté avec quatre autres gendarmes, dans un château près Brissac, et qu'il en ait emporté l'argenterie ; qu'il ne peut être convaincu d'avoir donné à chacun de ces gendarmes, une somme de cinquante livres ; qu'il est constant que dans le courant du mois de frimaire, an deuxième de la République, il a été extrait des différentes maisons d'arrêt de la Place d'Angers, et conduit à celle de Doué, une quantité de sept ou huit cents prisonniers ; qu'il est constant que pour les faire entrer dans la prison qui leur était destinée, on a été contraint d'employer la force ; que Guillemette n'est pas convaincu d'avoir pris des mesures de sévérité, au delà de celles qui étaient commandées par les circonstances, et pour la sûreté de la Place qu'il commandait ; qu'il n'est pas constant qu'il ait été exécuté, à Doué, une ou plusieurs fusillades, sur les détenus, en vertu des ordres de Guillemette, sans qu'il ait été autorisé, et qu'il a répondu d'une manière satisfaisante à toutes les inculpations qui ont été dirigées contre lui.

     

    Le Tribunal, en exécution de l'article premier du titre XIII de la loi du 5 pluviôse, ainsi conçu : '' Lorsque l'accusé aura été déclaré convaincu, le président prononcera qu'il est acquitté de l'accusation et ordonnera qu'il sera mis sur le champ en liberté''

     

    Acquitte Jean-Jacques Guillemette de l'acte d'accusation rendu contre lui, ordonne qu'il sera de suite mis en liberté, et renvoyé à son poste ; que le présent jugement sera imprimé, publié, affiché dans toutes les divisions de l'armée de l'Ouest, et qu'à la diligence de l'accusateur militaire, il sera envoyé, dans le plus bref délai possible, tant à la commune de Doué, qu'à celle de Chinon, où il sera adressé aux Commissaires des guerres lesdites résidences, et au Commandant de la trente sixième division de la gendarmerie à pied, qui sera chargé d'en donner connaissance au corps

     

    Ainsi jugé et prononcé en Salle publique des audiences du tribunal criminel militaire du premier arrondissement de l'armée de l'Ouest, séant à Angers, département de Maine et Loire, par Chatillon, vice-président, le vingt-sept frimaire, an troisième de la République française, une et indivisible ».

     

    signé au registre : Chatillon, vice-président ; Pépin accusateur militaire ; Guillo, aîné, greffier.

     

    Pour copie conforme à l'original :

    signé Guillon, aîné, greffier.

     

    Un capitaine de gendarmerie en jugement....

    Un capitaine de gendarmerie en jugement....

     

     

    Alors ? Guillemette est-il innocent ou coupable ? En fait, le capitaine de gendarmerie Jean- Jacques Guillemette de la 36e Division de gendarmes à pied était un beau scélérat. Voici ce que nous dit Monsieur l'Abbé Deniau dans ''son Histoire de la Guerre de la Vendée tome III, page 293'' : «  Le 1er décembre 1793, après la fusillade sur la Roche d'Erigné les sept à huit cents royalistes qui restèrent furent conduits à Doué et la plupart engouffrés brutalement le 5 décembre dans des caves. Pour les forcer d'y entrer, le commandant de la place Guillemette les frappait à coup de sabre, et tira même trois coups de feu sur eux. Ils périrent en grand nombre... » Peut-être un début de preuves, de là à des fusillades, il n'y a pas loin... sachant que du 30 novembre 1793 au 22 janvier 1794 environ 380 Vendéens sont fusillés à Doué-la-Fontaine... par qui ? Pour le reste, la corruption des quatre gendarmes, le vol d'argenterie dans un château à Brissac, Dieu seul le sait !

     

     

     

    Sources : Archives départementales de La Vendée – Archives du Service Historique de la Défense à Vincennes -

    Crédit photo : Miniature d'un officier de gendarmerie Directoire-Consulat – collection Fraysse et associés.

     

     

    Xavier Paquereau pour Chemins secrets


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