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Torfou, victoire vendéenne....
TORFOU (19 SEPTEMBRE 1793), UNE VICTOIRE VENDÉENNE
Août 1793. La guerre fait rage en Vendée depuis six mois déjà. Les troupes républicaines ont subi d’importantes défaites face aux chefs vendéens charismatiques et entreprenants. La République aux abois décide d’y envoyer une troupe d’élite : l’armée de Mayence, commandée par le général Jean-Baptiste Annibal Aubert-Dubayet. Cette armée venait de capituler à Mayence à la suite d’une résistance opiniâtre. Le traité ayant stipulé qu’elle ne pouvait plus combattre les troupes de la coalition, c’est sur un théâtre intérieur qu’elle allait prouver sa valeur. Ses premiers pas en Vendée sont marqués par quelques succès. Par quel miracle cette armée, composée de soldats aguerris, devait-elle passer à l’histoire sous le surnom dérisoire de « l’armée de faïence » ?
Les Vendéens étant insaisissables, Aubert-Dubayet morcelle ses troupes en plusieurs détachements qu’il charge de découvrir l’ennemi et de le battre. L’objectif opérationnel est la ville de Mortagne où se trouve le grand parc d’artillerie vendéenne. Le général Jean-Baptiste Kléber commande l’avant-garde de l’armée de Mayence. Il doit longer la rive droite de la Sèvre (nantaise) et faire sa jonction avec le général Jean-Michel Beysser qui, lui, stationne à Montaigu. Kléber et Beysser marcheraient sur Mortagne une fois réunis.
La bataille
Il est 5 heures du matin ce 19 septembre 1793 quand le général Kléber, accompagné de son état-major ainsi que du représentant du peuple aux armées Antoine Merlin de Thionville, sort du château de Clisson pour rejoindre l’avant-garde de l’armée de Mayence, forte d’environ 3 000 hommes, quatre canons et deux obusiers. Après avoir passé cette troupe en revue, Kléber donne l’ordre au chef de brigade Jean Fortuné Bouin de Marigny de marcher en tête en direction de Gétigné, Boussay et Torfou. Après Gétigné, la progression est lente. Les pluies des jours précédents ont transformé les chemins encaissés en bourbier et les ruisseaux ont grossi. Kléber est inquiet : la campagne est déserte et il n’a pas de guide. Peu avant le village de Boussay, le chemin se sépare en deux ; celui de gauche passe au nord de Boussay, celui de droite traverse le village. Kléber prend celui de gauche et détache Bouin de Marigny sur le chemin de droite afin d’assurer son flanc droit et ses arrières. Faute d’ennemis, la traversée de Boussay se fait sans encombre et l’avant-garde se réunit à nouveau en vue de Torfou.
Plan de la bataille d'après l'ouvrage "La Guerre de Vendée" d'Auguste Billaud. La position des troupes est approximative. © Collection privée.
Le village est posé sur une hauteur ; le chemin qui y mène est très étroit, franchissant le ruisseau du Bon-Débit par un petit pont de pierre. Kléber décide d’envoyer quatre éclaireurs à l’assaut de cette hauteur, mais ils sont foudroyés par une vive fusillade qui tue trois d’entre eux. Les Vendéens sont maîtres du village. Aussitôt Kléber envoie ses chasseurs à cheval, suivis de l’infanterie. Un bataillon de grenadiers attaque le village par la droite, un autre par la gauche. Bouin de Marigny et ses chasseurs de la légion des Francs s’engagent par le chemin qui monte à l’église. Aidés de l’artillerie, et notamment des deux obusiers, les républicains mettent le feu au clocher et à plusieurs maisons environnantes. Débordés, les Vendéens sont obligés d’abandonner Torfou et retraitent vers le village de Tiffauges, célèbre pour son château médiéval ayant appartenu à Gilles de Rais, compagnon d’armes de Jeanne d’Arc plus connu sous le surnom de Barbe bleue.
Maître de Torfou, Kléber voit enfin l’ennemi tant recherché. Toute la Grande armée catholique et royale est alignée en ordre de bataille, étendards déployés au vent. L’armée du Bas-Poitou, forte de 10 000 « paydrets », que commande le chevalier François Athanase Charette de la Contrie, est adossée à la Sèvre et au village de Tiffauges. A sa droite, Louis de Salgues de Lescure avec l’armée du Poitou et le généralissime Maurice Joseph Louis Gigost d’Elbée avec l’armée d’Anjou. Ces deux armées, fortes d’environ 25 000 hommes, sont en bataille, gardant le carrefour que forme la grand-route de Tiffauges à Cholet avec le chemin sortant de Torfou en direction de Mortagne.
Il est 10 heures. Les républicains sortent du village avec en tête une compagnie de sapeurs qui ouvre des passages à travers les champs. Merlin de Thionville commande la gauche, Kléber est au centre et Bouin de Marigny à droite. Les hommes de Charette, rangés en bataille sur la grand-route, se mettent à avancer vers le village par des sentiers et à travers champs. Ils tombent sur les chasseurs de Marigny qui les accueillent par une vive fusillade et les charges à la baïonnette. Eprouvés par les journées précédentes ou apeurés par la furie des Bleus, les paydrets se débandent dans un tel désordre que Charette lui-même est pris dans la tourmente et est obligé de retraiter jusqu’à Tiffauges.
Lescure, voyant la gauche de l’armée en difficulté avec un gros risque de contournement, réagit aussitôt. Il saute de son cheval, attrape un fusil de l’un de ses soldats et lance : « Y a-t-il 400 hommes assez braves pour venir mourir avec moi ? » A l’instant, les 1 700 hommes des paroisses des Echaubrognes et de Courlay, que l’on surnomme « les grenadiers de l’armée », accourent. Leur chef Jean-Baptiste Bourasseau est un commandant aguerri qui avait pris part à tous les combats. Rien ne l’arrête, pas même la meilleure armée de la République. Il entraîne après lui les volontaires des Aubiers et ceux des paroisses environnantes. Toute l’armée de Lescure est en marche. Buisson après buisson, longeant les haies, elle descend la colline qui mène au chemin de la Barre. Les premiers rangs tiennent ferme, mais l’enthousiasme est vite stoppé par les tirs précis des Mayençais.
C’est à ce moment que l’armée de Charette revient sur le champ de bataille, poussée de force par les femmes cachées dans les ravins des bords de Sèvre. Encouragé par les sonneurs des cornets à bouquin, le chevalier crie alors à ses paydrets : « Camarades, c’est ici qu’il nous faut vaincre ou périr ! » Les unes après les autres, les divisions s’avancent devant les Bleus et regagnent peu à peu le terrain perdu. Kléber croit alors que le général Beysser est enfin venu à son secours, comme prévu ; mais voyant dans sa lunette le panache blanc de Charette revenu sur le champ de bataille, il doute pour la première fois.
La ligne de front se stabilise sur le chemin de la Barre encaissé entre deux ravins. Les Mayençais vont y rester embusqués pendant près de deux heures, arrêtant tous les assauts vendéens de Lescure et de Charette. Kléber fait placer sur les hauteurs le seul canon dont il dispose, empêchant toute avancée des Vendéens. Bouvarel, soldat à la 32e demi-brigade, raconte : « Notre ligne se resserre, nous formons les colonnes et nous allons prendre l’offensive. Mais déjà les paysans n’ont plus besoin de chefs ; de leur autorité privée, ils commencent leur manœuvre favorite. Ils se faufilent au travers des haies, des genêts, des halliers dont le pays est couvert, se répandent sur un très grand front sans profondeur, et tournent ainsi, enveloppent nos colonnes, qu’ils attaquent avec des hurlements. On s’était approché de si près les uns des autres, que l’artillerie avait été inutile. Au moment où Kléber songe à la faire tirer, le bataillon de la Nièvre, qui en avait la garde, est écrasé, et les artilleurs sont égorgés sur leurs pièces. Singulier spectacle que celui de ces gars vendéens se jetant à plat ventre, au moment où la lumière du canon annonçait l’explosion, puis ils se traînaient à quatre pattes, par les haies, les fossés ; le canon tirait, ils se relevaient ; déjà ils recommençaient à ramper, et, de la sorte, en trois ou quatre bonds, ils étaient sur les pièces. »
Sur l’aile gauche des Bleus, Merlin de Thionville, que les Allemands surnomment « le Démon du feu », se bat comme un lion. Il va de droite à gauche, il harangue et ordonne, il encourage, mais rien n’y fait : les hommes de d’Elbée tiennent bon et gardent toujours la route de Mortagne, contrant les assauts des Mayençais.
Le coup de grâce
Il est midi quand Kléber aperçoit dans sa lunette des troupes sortant du chemin de la Tellandière. Ce sont les uniformes bleus-gris des Angevins de Charles Melchior Artus de Bonchamps. Forts de 5 000 hommes, ils arrivent de Cholet. Kléber, dans un cri de colère, s’exclame avec son accent alsacien : « Ah ! le sale queux de Ponchamps, que fient-il faire ici ! Nous sommes foutus ! » Aussitôt, Bonchamps, en fin stratège, lance sa cavalerie que commande le jeune général Henri Forestier. A travers les fourrés et les haies, elle se taille un chemin et débouche sur les arrières des Mayençais de Merlin de Thionville. Dès la première charge, la cavalerie angevine enlève deux canons et les artilleurs sont sabrés. C’est la confusion la plus totale sur l’aile gauche des Mayençais. Pour y remédier, Kléber détache un de ses bataillons pour renforcer l’aile gauche, mais le mouvement est si rapide que toute l’armée croit à une retraite. Kléber essaie tant bien que mal de rétablir la situation, mais c’est en cet instant qu’il reçoit une balle à l’épaule. Affaibli, son armée débordée, il ordonne la retraite en direction de Clisson.
De là, l’armée de Mayence va suivre un long chemin de croix. Après avoir franchi le Bon-Débit, elle remonte le défilé en direction de Boussay. C’est ici qu’un caisson se brise, obstruant tout le passage. Kléber doit se résoudre à abandonner son artillerie : 4 bouches à feu sont laissées aux Vendéens. Il envoie une ordonnance aux généraux Canclaux (commandant en chef à Nantes) et Aubert-Dubayet pour leur demander des renforts. Et le calvaire continue… Harcelés par la gauche, bousculés par la droite, les Mayençais abandonnent tout sur leur passage : les bagages, les fusils, les munitions. Des corps jonchent le chemin de part et d’autre : les généraux vendéens ont décidé de ne faire aucun prisonnier.
Boussay est traversé, mais Kléber sait que sans renforts, il n’est pas sûr d’atteindre Clisson. Il doit retarder la poussée des Vendéens et ordonne au commandant Antoine Chevardin, chef du bataillon des chasseurs de Saône-et-Loire, de se sacrifier pour sauver le reste de l’armée. Le seul endroit stratégique entre Boussay et Gétigné est un petit pont situé au fond d’une vallée légèrement encaissée. Chevardin a une centaine d’hommes à sa disposition pour verrouiller ce passage. Pour les Vendéens, il est impossible de contourner l’obstacle : le ruisseau est trop large pour le traverser à gué. Alors l’assaut commence. Les uns après les autres, les hommes de Chevardin tombent. Chevardin lui-même est tué sur le pont. Les Vendéens finissent par passer.
Kléber arrive enfin à Gétigné et reçoit le secours tant attendu du général Louis Antoine Vimeux. Le pont sur le Ligneau est gardé par cinq canons et une avant-garde est postée en avant du village. Lorsque les Vendéens arrivent à Gétigné, ils balaient cette dernière. La canonnade des cinq bouches à feu du pont de Gétigné arrête enfin la chevauchée vendéenne. Ivre de fatigue et d’alcool, la Grande armée catholique et royale fait demi-tour. La bataille de Torfou est terminée.
L’armée vendéenne laisse sur le champ de bataille environ 300 tués et blessés. Pour les républicains, les dégâts sont considérables. L’avant-garde de Kléber est décimée de plus de la moitié de ses effectifs. Le jour même, à Saint-Lambert-de-Lattay, les Angevins de Cady et de La Sorinière battent le général Duhoux d’Hauterive et le repoussent jusqu’à Angers ; la veille, à la deuxième bataille de Coron, les généraux républicains Ronsin et Santerre ont été défaits par les Vendéens de Piron. Le 21 septembre, Charette et Lescure battent le général Beysser à Montaigu, et le 22, le général Mieszkowski est mis en déroute à Saint-Fulgent. L’armée de Mayence est contrainte d’abandonner toutes ses positions et de rentrer à Nantes ; les Vendéens la surnomment par dérision « l’armée de faïence ».
Mais un nouveau plan d’invasion du territoire vendéen est élaboré par le général Canclaux. Cette campagne prendra fin à Cholet le 17 octobre 1793 par la défaite de l’armée vendéenne.
Sur les traces des armées
Nous commençons notre visite du champ de bataille de Torfou à Clisson. C’est de ce château construit au XIIIe siècle que le général Kléber part rejoindre son avant-garde le matin du 19 septembre 1793. Pour marcher dans les pas de Kléber, nous prenons la rue de l’Echelle du château, puis la rue de la Collégiale, pour déboucher au pont sur la Sèvre (XVIIIe siècle). Après avoir traversé la Sèvre, nous tournons à droite au premier carrefour (rue Saint-Antoine) pour franchir le pont sur la Moine (XVe siècle). Nous continuons cette route assez pentue pour arriver à la chapelle Notre-Dame de Toutes-Joies. L’avant-garde de l’armée de Mayence se tenait dans les champs autour de la chapelle. En 1793, ces champs étaient couverts de vignes.
À partir de là, nous allons suivre la marche de l’avant-garde. Cette troupe entra à Gétigné par la rue des Moulins, puis traversa le village par la rue des Trois-Quartiers et la route de Gatz. A la sortie du bourg, la route carrossable s’arrête et nous poursuivons notre promenade sur un chemin creux. Nous retrouvons la route au sud du village de l’Annerie. Après quelques centaines de mètres la route s’interrompt à nouveau. Nous prenons le chemin en face, longeons un haras pour déboucher au hameau des Pimpennières. La route se poursuit jusqu’à un grand virage à droite. En 1793, la route allait tout droit : une haie en direction de la voie ferrée marque son emplacement. Arrivé à la voie de chemin de fer, nous devinons un carrefour sur l’ancienne route. C’est ici que Bouin de Marigny se sépara de l’avant-garde en empruntant le chemin de droite (une petite haie marque le début du chemin) alors que Kléber suivait le chemin en face (une grande rangée d’arbres nous indique la position du chemin).
À partir de cet endroit, laissons la marche de Kléber – que nous étudierons lors de la retraite – et suivons Bouin de Marigny. Après quelques mètres à travers champs nous retrouvons la route vers Boussay. Nous entrons dans le village en longeant le cimetière ; le champ jouxtant ce dernier servit de quartier général à Kléber le lendemain de la bataille avant son repli vers Nantes. La traversée du bourg se fait par la rue des Tisserands, la place de l’Eglise et la rue des Trois-Provinces. Sorti de Boussay, nous poursuivons la route jusqu’à un carrefour en T. L’ancienne route allait tout droit, puis après avoir traversé le hameau de la Gressière, nous trouvons un grand virage à droite avec un petit chemin creux venant de la gauche. C’est à cet endroit que l’avant-garde de l’armée de Mayence se réunifia et reprit sa marche sur Torfou. Nous traversons ensuite le village de la Maigrière, puis une grande propriété agricole par un petit chemin blanc, pour rejoindre la route de Clisson à Mortagne. L’ancienne route continue en face vers une propriété privée où nous devinons son passage vers le pont du ruisseau du Bon-Débit. Nous entrons dans Torfou par la rue Saint-Sauveur qui débouche face à l’église. Le monument date du XIXe siècle car il fut incendié lors de la bataille et détruit en 1794 par le passage des « colonnes infernales ». Une petite chapelle derrière l’église fut érigée au début du XIXe siècle pour recevoir les restes des victimes vendéennes de la bataille.
Nous quittons maintenant Torfou par la rue Charles-Foyer pour rejoindre les positions vendéennes. Après avoir passé la ferme de la Masse, une croix sur la gauche nous signale l’entrée du chemin de la Barre. Ce chemin parallèle à la grand-route de Tiffauges à Cholet servit de ligne de front pendant la bataille. Charette tenait la position entre la croix et le village de la Barre. Nous continuons sur le chemin de Sainte-Anne vers Tiffauges. C’est dans ces ravins qu’étaient cachées les Vendéennes qui ramenèrent Charette sur le champ de bataille. Arrivé sur la route de Tiffauges à Cholet, nous prenons à gauche pour visiter les autres positions vendéennes. Lescure tenait le centre et d’Elbée la droite jusqu’au hameau de la Folie qui marquait en 1793 le carrefour entre le chemin de Clisson à Mortagne et la route de Tiffauges à Cholet.
Nous poursuivons la route pour arriver au carrefour de la Colonne. Edifiée en 1826 à l’initiative du marquis de la Bretesche, propriétaire des terres environnantes, cette colonne de granit haute de 8,65 mètres et de 1,30 mètre de diamètre commémore la bataille. En 1829, un avocat nantais Charles Massé Isidore écrivit : « Vers le milieu de la colonne, faisant face aux quatre grandes routes, des couronnes de chêne également en bronze entourent les noms des héros que la victoire couronna dans cette journée : Bonchamps, Charette, d’Elbée, Lescure ; chaque nom fait face au côté par où ces illustres chefs arrivèrent sur le champ de bataille. » En 1830, ces inscriptions furent retirées par la monarchie de Juillet. Il faudra attendre 1975 pour que la colonne retrouve ses inscriptions.
De la colonne, nous continuons la route vers Cholet et après deux kilomètres, nous tournons à gauche au village de la Tellandière. C’est à partir de ce chemin que Bonchamps fit son mouvement de contournement pour déboucher sur les arrières de l’armée de Mayence au village de la Gautronnière. Une croix commémorative marque l’endroit face au chemin de la Barre. Kléber, vaincu, ordonne la retraite. Celle-ci s’effectue par le même chemin. Nous repassons le pont sur le ruisseau du Bon-Débit et remontons le défilé vers la ferme de la Maigrière. C’est dans ce défilé que l’armée de Mayence perdit toute son artillerie. Nous continuons notre route vers le hameau de la Gressière, mais à l’endroit où Kléber rallia toute son armée – un grand virage à gauche – nous empruntons le chemin creux de droite. De là, nous continuons le chemin pour entrer à Boussay par l’Ecorchevrière et la rue Romaine. Face à l’intersection de la rue Romaine et de la rue Charles de Gaulle commence le « chemin des morts ». Une croix avec plaque commémorative évoque le calvaire de l’armée de Mayence. Nous poursuivons ce chemin d’abord carrossable puis signalé par une haie d’arbres, traversons la voie ferrée et retrouvons la route jusqu’au village des Pimpennières.
Nous continuons notre chemin sur environ 500 mètres. Au fond d’une petite vallée plus ou moins escarpée, nous trouvons un petit pont de pierre traversant le ruisseau appelé aujourd’hui ruisseau de la Badrillère et qui marque la limite de la commune de Boussay avec celle de Gétigné. C’est dans ce lieu que nous pourrions situer le sacrifice des chasseurs de Saône-et-Loire du commandant Chevardin. Ce pont est le seul présent sur le cadastre de 1809 entre Torfou et Gétigné. Les autres ruisseaux étaient traversés par des gués. L’endroit paraît donc le plus plausible pour cet épisode par rapport à certains récits.
Nous reprenons notre route vers Gétigné en empruntant le même chemin qu’à l’aller jusqu’au pont Ligneau. C’est ici que le renfort républicain arrivé de Clisson arrêta les Vendéens et que la bataille se termina.
Le général Royrand et le pont de Boussay
Depuis la fin du XIXe siècle, de nombreux historiens travaillant sur les guerres de Vendée nous disent que le général vendéen Charles Augustin de Royrand, chef de l’armée du Centre, fut présent à la bataille de Torfou et était chargé de remonter la rive gauche de la Sèvre et de prendre à revers l’armée de Mayence par le pont de Boussay. De tous les mémorialistes présents à la bataille, nul n’en parle. Le premier à en parler est Amédée de Béjarry, aide de camp du général, dans ses mémoires publiés et annotés par son petit-fils en 1884. Le récit de la bataille par Béjarry diffère totalement de celui donné par tous les contemporains et de celui de Kléber. Selon lui, Bonchamps était présent dès le matin à Torfou et ce sont ses troupes qui furent mises en fuite par les premiers assauts des républicains. Son amertume à l’encontre du général angevin est à son paroxysme quand il écrit : « On croit que l’armée de Bonchamps avait remporté ce jour-là une victoire sur les bords de la Loire, mais je n’ai pas le souvenir exact à cet égard. » Pour Béjarry, le véritable vainqueur de la bataille de Torfou est en fait Royrand, par son comportement au pont de Boussay. Mais dans le cadastre de 1809 de la commune de Boussay, il n’y a aucune trace d’un pont sur la Sèvre, à l’exception d’une chaussée à moulin en face du village de Charier ne permettant pas de faire traverser toute une armée. Le premier pont sur la Sèvre à Boussay fut construit entre 1819 (cadastre de La Bruffière) et 1858 (date de la construction de l’actuel pont Sainte-Radegonde sur la Sèvre). En conclusion, il est fort improbable que le général Royrand eût à combattre à cet endroit le commandant Chevardin chargé de protéger la retraite de l’armée de Mayence, faute de passage. De plus, une phrase dans les mémoires de madame de Sapinaud, qui se trouvait à Mortagne, jette un doute sur la présence du chef de l’armée du Centre à Torfou. Elle raconte : « Cependant l’armée de Mayence, après s’être emparée de Clisson, menaçait Mortagne. Monsieur de Royrand arriva sur les deux heures : “Envoyez, me dit-il, un courrier aux généraux pour les avertir que les Bleus seront dans deux heures aux Herbiers, mon cheval est crevé, et je n’en peux plus.” » Malheureusement, ce récit n’est pas daté, mais l’armée de Mayence marchait de Clisson vers Mortagne avant d’être battue à Torfou. Il est donc probable que Royrand était le jour de la bataille à Mortagne et pas le héros de Torfou décrit par Amédée de Béjarry.
Bruno Griffon de Pleineville pour Chemins secrets,
Article paru dans la revue « Traditions », N° 5, décembre 2015
Le pont où Antoine Chevardin et son bataillon se font massacrer lors de la retraite :
Croix marquant le début du chemin de la Barre :
Croix de la Morinière marquant le début du "Chemin des morts", qui mène du village au pont de Boussay. Sur la plaque commémorative la dernière phrase est inexacte car il n' y a jamais eu de pont de la Herse, seulement un gué :
Bibliographie
Amédée de Béjarry, Souvenirs vendéens, Pays et Terroirs, 2003.
Ch.-L. Chassin, La Vendée patriote (1793-1795), tome 3, Mayenne, 1973.
Jean-Baptiste Kléber, Mémoires politiques et militaires (1793-1794), Tallandier, 1989.
Mémoires de madame de Sapinaud, Loudéac, 1989.
Gustave Louis Eugène Piéron, Histoire d’un régiment : la 32e demi-brigade, 1890.
Bertrand Poirier de Beauvais, Mémoires inédits, les éditions du Bocage, 1994.
Jean Julien Savary, Guerres des Vendéens et des Chouans contre la République française, tome 2, Paris, 1824.
Photos de l'auteur.
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