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Sciées vivantes....
Sciées vivantes…
Les abominations de la Flocellière…
Le mardi 28 janvier 1794, la colonne infernale de Grignon arrive à la Flocellière. Je ne publie pas ici tout le détail des dénonciations publiées par Lequinio mais seulement ce qui concerne quelques détails sur les massacres dans la paroisse. Ces témoignages émanent de Vincent Chapelain, dont nous avons déjà parlé (1).
On trouve aux Archives Nationales, un « Mémoire pour Grignon » de 85 pages, assez cocasse, dénonçant justement Vincent Chapelain, maire de la Flocellière, qui a osé s’élever contre la conduite de Grignon (2). Je cite (p. 33) : « Chapelain ne débite que des mensonges ». Les explications qui y sont données sur les causes de la Guerre de Vendée sont si rocambolesques que je n’estime pas indispensable la lecture de cet ouvrage, sauf peut-être afin de mieux comprendre comment les assassins de 1794 tenteront de se justifier après Thermidor. Le témoignage, entre autres choses de Chapelain sur la Flocellière :
« Grignon m'enjoignit de le suivre à la Floutière, dont j'étois maire ; j'offris de lui donner une liste de grands coupables ; il me dit que c'étoit inutile ; il fit égorger les hommes de ma commune sans me consulter ; la troupe pilla, incendia à tort, et à travers ; je le mentionne pas les cadavres épars faits par le soldat ; on viola les femmes, et même trente passèrent sur une de 70 ans ; un oeil poché et d'autres désagrémens, n'en exemptèrent pas une autre. On coupa un patriote et sa servante, en morceaux, ainsi que deux vieilles femmes, dont l'une étoit en enfance, etc. etc ; quatre pages d'etc. etc. etc. Dix-neuf prisonniers envoyés du Boupère, et faits par la garde de cette commune, furent égorgés par ordre de grignon ; on en fusilla encore cinq d'une seule métairie de la Floutière ; quatre-vingt hommes, femmes et enfans se retiroient à la Châteigneray, avec des laissez-passer de la municipalité de St. Mars ; six soldats les arrêtent, les conduisent à la Floutière ; Grignon fit casser la tête à six hommes, et ne renvoya que les vieillards, les femmes et les enfans. Il refusa de rendre aux femmes et aux enfans des morts, l'argent qu'ils avoient.
Grignon me dit, qu'en entrant dans la Vendée, il avoit juré d'égorger tout ce qui se présenteroit à lui ; qu'un patriote n'étoit pas censé habiter ce local ; que d'ailleurs la mort d'un patriote étoit peu de chose, quand il s'agissoit du salut public ; je lui dis que cette dernière proposition étoit une vérité, mais qu'il ne falloit pas en abuser, du reste qu'il y avoit bien des patriotes qui, pour le bien public, affrontoient les dangers.
Je lui disois un soir : il y a quelques métairies ici où l'on trouveroit bien de l'argent ; il crut que je voulois les faire piller, et me dit : voilà où je vous connois républicains ; je baissai les yeux et ne répondis pas. Il disoit un jour : on est bien mal-adroit, on tue d'abord ; il faudroit d'abord exiger le porte-feuille, puis l'argent, sous peine de la vie, et quand on auroit le tout, on tueroit tout de même...»
Ce texte est connu, comme d’une manière générale, les dénonciations exposées par le pourtant « très républicain » Joseph Lequinio. On pourrait douter un tant soit peu de ce témoignage mais nous avons la chance d’en avoir l’écho dans un témoignage vendéen déjà publié par ma femme ici et mais que je me permets de vous livrer à mon tour. Si on peut avoir le doute de la source, avouez que les faits racontés cadrent plutôt bien avec ce que nous avons vu plus haut :
« ...B : Et ensuite que s’est-il passé ?
SV : A la Flocellière, je me cachais, surtout après Noël 1793, vu ce qui était arrivé à Savenay. Puis Séguy, procureur de la commune et Guignard, secrétaire, ont été guillotinés à Fontenay après avoir été dénoncés. Moi aussi j’avais fait partie du comité de la Flocellière.
B : Vous aviez peur ?
SV : Plus que ça, oui. Un véritable pillage du bourg, des hommes égorgés, des femmes violées et même coupées en morceaux. Les gars Lumineau massacrés à la Fromentinière, des demoiselles de Marboeuf sciées vivantes, tu m'entends, sciées vivantes. »...
Bien entendu, le château de la Fromentinière actuel n’existait pas. La Fromentinière sur le cadastre de 1840 des AD85 (3 P 090 AD 011).
Attention, le Nord se situe sur la gauche du plan.
Sur la vue aérienne de Géoportail. On comprend que le côté Est a probablement été reconstruit tandis que la partie Sud a disparu. A quoi ressemblait le logis en 1794 ?
On comprendra aisément que la forme de la cour du logis a dû bien changer depuis 1794 et que les bâtiments situés au Sud sur le cadastre ont aujourd’hui disparu.
Sur place :
Ainsi, encore une fois, ces détails de la petite histoire qui font la grande…
RL
Juillet 2018
Notes :
(1) « Guerre de la Vendée et des Chouans, par Lequinio, représentant du peuple, député par le département de Morbihan. » Paris, Pougin, An III, octobre 1794.
(2) Archives Nationales, AD XVIII C 306-16. Ouvrage in-8, édité le 25 décembre 1794.
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