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Savenay, victimes de leur confiance....
Savenay, victimes de leur confiance…
Cet article est tiré d’un dossier des Archives Militaires de Vincennes (SHD B 5/7-97) sur lequel nous aurons l’occasion de revenir très prochainement et qui sera l’occasion de démonter une légende tenace à propos de Savenay. Mais pour l’heure, attardons-nous sur le témoignage du chef de légion Buquet, ancien aide de camp du général Kléber qui écrit au général Damas le 13 juin 1805 pour lui raconter un mauvais souvenir…
RL
Décembre 2017
« Metz, le vingt quatre prairial an 13° de la république française une et indivisible
Le chef de la 18ème légion de la gendarmerie nationale
Au citoyen Damas, général de division,
Effectivement, mon cher général, madame Chateaugiron avoit eu la bonté de me prêter les manuscrits du général Kleber sur la guerre de la Vendée : je les ai passés au général Cataud et celui-ci au général Decaen : ils sont restés entre les mains de ce dernier et comme il est à Paris, je vous prie de lui faire redemander : je suis assuré de son empressement à vous les remettre. Ils finissent à l’affaire de Savenay dans laquelle le général a oublié de rapporter une anecdote que l’histoire doit conserver. Elancés de Savenay vers Montoire avec le général Marceau, quelques ordonnances et officiers d’état-major, nous avions laissé un grand nombre d’ennemis sur nos derrières : ils s’étaient rassemblés plus de 400 : ils avaient tué un officier d’état-major qui s’étoit avancé pour les sommer de se rendre ; je rétrogadai dans ce moment pour aller, par ordre du général Marceau, chercher une pièce d’artillerie pour mitrailler le reste de leur cavalerie embourbée dans les marais : ils firent feu sur moi : j’arrivai près de Kleber ; les représentants du peuple étoient avec lui : je lui parlai du danger que courait le général Marceau : je voulus inutilement faire marcher à son secours une cinquantaine d’ordonnances qui les accompagnaient : Beaupuis et Canuel aussi indignés que moi s’élancèrent pour aller prévenir Marceau de ce qui se passait sur les derrières : nous étions à une petite porté de fusil des brigans réunis : déjà je voyois un mouvement dans leurs fusils lorsque je me déterminai contre l’avis de Beaupuis à aller à eux : je pensois que si je parvenois à me faire écouter, Canuel et Beaupuis auroient le tems d’aller jusqu’à Marceau. Les brigans me laissent approcher ; je marche avec confiance jusqu’au milieu d’eux : je les engage à mettre bas les armes, je leur promets la vie ; je leur cite quelques passages de l’écriture sainte, j’appellai la religion à mon secours : je fis quelque sensation ; ils délibérèrent : un enfant de 14 ans au plus prétendait qu’on ne leur feroit pas plus de graces qu’à Nantes ; il osa tirer sur moi ; heureusement que son fusil ne partit pas. Je fus à lui sans me déconcerter ; je lui reprochai sa conduite ; j’invoquai l’honneur de ses camarades ; je soutins que son action étoit celle d’un assassin : elle fut désapprouvée. Quelques uns touchés de mes paroles se réunirent à moi pour engager les autres à mettre bas les armes : je m’éloignai un peu pendant qu’ils se consultoient : Marceau, Beaupuis et Canuel revinrent pendant ce colloque ; je fus les rejoindre sur la route avec ceux qui consentoient à me croire, comme moi les généraux promirent la vie aux brigans s’ils mettaient bas les armes : après un instant d’hésitation ils se déterminèrent à se rendre. Eh bien, ils ont été victimes de leur bonne foi : les représentants du peuple, Prieur de la Marne surtout, donnèrent ordre à Augier qui existe encore d’aller au devant de l’infanterie ; de former sur la route une espèce de bataillon et de faire un feu de banc sur les brigans à qui Marceau, Beaupuis, Canuel et moi avions promis la vie. Aucun d’eux n’échappa. Ce trait de barbarie me fait encore frissonner chaque fois que je me le rappelle. Il caractérise bien les représentans que nous avions avec nous.
Je viens seulement de recevoir votre lettre quoiqu’elle soit du 13 : mon collègue de Nancy me l’a fait passer : j’y répons de suite et à la hate. Je vous prie de présenter mes hommages respectueux à Madame Chateaugiron et à Madame votre épouse : agréez pour vous l’assurance de mon estime et de mon dévouement.
Buquet
Je vais écrire par ce courier au général Decaen. »
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