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Paris - Saint-Maixent, la Guerre de Vendée (2)....
PARIS – SAINT –MAIXENT : LA GUERRE DE VENDEE
2EME PARTIE
Première partie ici.
Reprise de la correspondance du Conventionnel Jean-Philippe Garran de Coulon à son frère François Garran de Balzan.
Ses lettres permettent de comprendre la permanence de son comportement à l’égard de la Vendée. L’attitude de Jean-Philippe Garran s’explique aussi par les nouvelles qu’il reçoit de St Maixent, et les réponses que lui fait son frère nous en indiquent la teneur.
De 1793 à 1800, François Garran, comme la plupart de ses compatriotes à peur pour lui et sa famille. Il craint l’arrivée des Vendéens.
D’autres articles auraient été nécessaires pour vous communiquer tout le contenu de ces échanges, j’ai sélectionné les principaux, à suivre.
LA CORRESPONDANCE, suite des extraits.
17 août 1793
« On annonce dans ce moment ci, dans diverses parties de la salle qu’on a remporté à Luçon une grande victoire contre les rebelles ; le courrier vient dit-on d’arriver et la lettre est entre les mains du président (1). Ce qu’il y a de certain, c’est qu’on a eu sur eux un avantage dans une attaque qu’ils ont formée le 10 au Château d’Aux vis-à-vis de Nantes de l’autre côté de la Loire (2). Une grande partie de la garnison de Mayence doit passer le 19 à Orléans et elle sera bientôt à Tours... »
22 août 1793
« Nous n’avons point reçu, mon cher ami, la nouvelle d’une victoire aussi grande que celle dont tu me parles du côté de Saumur, mais seulement de divers avantages que les républicains y ont mis contre les rebelles. Quant à celle qu’on a remportée à Luçon, nous en avons reçu l’annonce deux jours après. J’espère que cette révolte sera bientôt terminée par les Mayençais qui doivent être à présent près de Tours (3)... »
10 septembre 1793
« On nous a hier annoncé à la Convention une nouvelle victoire remportée sur les rebelles près de Nantes (4). Vous êtes sans doute aussi instruit et probablement elle accélèrera la destruction de tous leurs rassemblements par l’exécution du plan qu’on a formé pour cela... ».
14 septembre 1793
« Nous avons de bonnes nouvelles soit d’hier soit d’aujourd’hui de Nantes, de Saumur et comme tu le sais sans doute des armées du Nord. Nous nous sommes aussi emparés des gorges d’Ollioules près de Toulon (5)...».
5 octobre 1793
« ...Il faut espérer que les nouvelles mesures que l’on a prises pour l’armée de l’Ouest et surtout son unité, procureront enfin les avantages si longtemps attendus. On nous a bien annoncé mais un peu tard les pertes que les armées de la R.P. ont éprouvées de ce côté-là. L’armée de Mayence, comme on nous l’a appris hier, marche sur Mortagne après avoir repris Montaigu et Clisson (6)… ».
8 novembre 1793
« ...Il n’y a point d’autres nouvelles que la prise de Laval (7) par les rebelles. Il est surprenant et fâcheux que les patriotes de ce département ne se soient pas réunis pour les mettre entre deux feux et achever de les disperser. Il faut espérer qu’on les poursuivra vivement. »
20 nivôse, l’an II (9 janvier 1794)
« ...Nous avons hier reçu la nouvelle de la prise de Noirmoutier. Ainsi, voilà la Vendée véritablement finie (8).
4 mars 1794
« …Je suis bien fâché des nouvelles inquiétudes que vous causent les rebelles. C’est par oubli que je ne t’ai pas mandé plutôt que c’était toi qui avais raison sur la prise de Cholet (9). J’avais mal entendu ce qui nous avait été lu à cet égard à la Convention. Il ne faut pas néanmoins s’alarmer. Car tout le mal qu’ils ont fait a été préparé par les terreurs paniques qu’ils ont eu soin de faire répandre... »
25 mars 1794
« J’ai oublié au dernier courrier de te marquer que Goupilleau m’avait dit que les rebelles avaient été battus et avaient perdu 500 hommes près Montaigu, je crois. Il ne parait avoir aucune inquiétude sur les restes de ces brigands non plus que plusieurs de nos collègues à qui j’en ai parlé... ».
21 août 1794
« Ta dernière lettre, mon ami, m’a fait beaucoup de plaisir en m’apprenant la déroute des rebelles à la Chataigneraie qui leur donnera sans doute une si bonne leçon qu’ils n’oseront plus revenir ni là, ni dans votre voisinage (10). L’exemple fait sur les volontaires qui ont fui lâchement, en répandant de mauvaises nouvelles, empêchera aussi probablement qu’on ne vienne perpétuellement vous alarmer. Les restes de guerre ne peuvent effectivement inquiéter qui sont très voisins des brigands, et j’espère même que ceux d’entre eux qui n’étaient pas menés par les autres, profiteront de l’amnistie dont tu m’as parlé, et qui me parait si humaine, qu’il me faudrait bien des raisons pour la trouver impolitique. Au reste, le C. Le Brun m’a assuré qu’il avait passé par Orléans une partie considérable de l’armée de la Vendée qui allait rejoindre celle du Nord, dans laquelle elle va se fondre à ce qu’il parait. Ils y verront de bons exemples, et des officiers qui ne se sont pas comportés comme la plupart de ceux qui les ont alternativement commandés. Le Brun (11) porte à 30 000 hommes au moins les troupes qui sont ainsi passées, et qui vont augmenter la force de cette armée victorieuse. Il n’y a point eu des nouvelles hier, et l’on n’en annonce pas encore aujourd’hui. Mais on m’a parlé dès il y a 3 jours d’une insurrection à Amsterdam d’où le stathouder était parti. Comme cette nouvelle ne se confirme pas, je conclus qu’elle est au moins prématurée... »
30 septembre 1794
« Divers officiers généraux de l’armée de la Vendée ont hier été décrétés d’accusation (12)... »
4 ventôse, l’an III (22 février 1795)
« ...Lefebvre la Chauvière, (13) notre collègue de Nantes, annonçait hier une lettre où on lui disait que la paix avec Charette était effectivement conclue. Mais cette lettre était du 25 pluviôse et j’en ai vu une du 26 écrite par un membre de la municipalité de Nantes, qui nous indiquait que des espérances et rien encore d’arrêté. Comme on est en mesure de bien se battre et qu’on est disposé à leur accorder tout ce qui est juste, il est à croire que la guerre de Vendée ne se renouvellera pas. On doit présenter incessamment à la Convention un projet de décret pour la liberté des cultes... »
24 février 1795
« Il est certain mon ami (comme tu le sais probablement et surtout comme je pense que tu le sauras quand tu recevras cette lettre) que la paix est faite avec les rebelles de la Vendée, du moins avec Charette et les principaux d’entre eux (14). Ils ont remis leurs armes, se sont rendus à Nantes, criant vive la R.P ont été au spectacle avec les patriotes (15). La ville a été illuminée. C’est ce qu’annoncent une quantité de lettres de Nantes. On dit seulement que Stofflet n’est pas du nombre. Il est heureux que le décret sur la liberté des cultes ait été rendu avant les nouvelles parce qu’il n’aura point l’air d’être arraché par la force, comme il aurait paru l’être, s’il eut été rendu après, quoique les bases en eussent été arrêtées, dès il y a du temps, entre les 3 comités réunis et qu’il fut même prêt depuis quelques jours, ainsi que je te l’ai indiqué dans quelques-unes de mes lettres. J’espère qu’il va bientôt faire rentrer dans leurs foyers les véritables brigands qui viennent vous dévaster et qu’il sera facile de réduire ceux d’entre eux et qui continueraient leurs brigandages. Puissent ces espérances se réaliser bientôt. Puisse notre pays reprendre bientôt sa tranquillité et son bonheur... »
15 mars 1795
« Au milieu des inquiétudes, qui tourmentent notre pays, je m’occuperai peu du tort personnel que les brigands peuvent nous faire, quoique nous eussions grand besoin qu’on ne détériorât pas cette pauvre acquisition des Chasteliers, (16) si ma sœur n’y était pas intéressée... »
Abbaye des Châteliers, propriété des Garan, située sur les communes de Fomperron et Chantecorps (AD79, 40 Fi 5228) :
16 juin 1795
« J’ai oublié de te dire dans mes dernières lettres et notamment dans celle d’aujourd’hui, que toutes les nouvelles de la Vendée nous annoncent que les agitations qu’on y éprouve encore ne sont pas inquiétantes, et qu’on est en bon train de soumettre définitivement les chouans, qui sont néanmoins plus difficiles à réduire. Ce ne sont pas là des nouvelles annoncées officiellement à la Convention mais pour un grand nombre de nos collègues me l’assure uniformément, notamment De Launay (17), un des plus estimables d’entre eux, qui est arrivé depuis quelques jours ».
28 juillet 1795
« Je suppose, mon cher ami, que vous savez déjà à Maixent la nouvelle victoire complète que la R.P. a remporté sur les émigrés à Quiberon (18). Tous ont été pris ou tués. Tu en verras le détail dans le journal de Louvet (19). J’espère mon ami que cet évènement va enfin décourager les brigands et donner les moyens d’écraser ceux qui persisteraient encore, en ranimant non seulement les patriotes, mais aussi les hommes les plus froids et les plus indifférents à la chose publique… »
29 septembre 1795
« …J’ai oublié de te dire depuis plus de 8 jours que 20 000 hommes de l’armée des Pyrénées occidentales allaient dans la Vendée. Peut-être y seront-ils quand tu recevras cette lettre ».
24 octobre 1795
« …Il ne faut point se décourager pour la Vendée. C’est beaucoup que d’avoir empêché la communication de Charette avec l’Angleterre malgré les efforts prodigieux de cette puissance pour cet armement devenu désormais inutile… ».
9 ventôse, l’an IV (27 février 1796)
« …Vous savez sans doute à présent la prise et le fusillement de Stofflet (19). J’espère que cet événement achèvera enfin la paix de la Vendée, surtout si l’on prend aussi Charette comme on l’espère ».
Source : Bulletin de la Société Historique et scientifique des Deux-Sèvres – Novembre 1987 – Pierre Arches.
Lettres Bibliothèque de Roure à Avignon. Espérandieu, papiers Garran, O 14,15,16,17.
(1) Ce sont les troupes commandées par le général Tuncq qui ont vaincu les royalistes le 14 aaût.
(2) Six cents Nantais gardaient le château d’Aux et repoussèrent les royalistes, cf Ch Chassin, La Vendée t.II P520.
(3) Les Mayençais arrivent en effet à Tours le 23 août.
(4) Le 7 septembre est lue à la Convention une lettre du représentant du peuple Louis Turreau (1761-1797) apprenant la victoire des Républicains au Ponts-de-Cé.
(5) Toulon avait été livré aux Anglais le 27 août.
(6) Sur cet échec et la controverse qui s’ensuivit. Cf Ch. Chassin, La Vendée..t III, ch XXXIV.
(7) Les Vendéens ont facilement occupé Laval le 23 octobre.
(8) L’ile de Noirmoutier a été reprise dans la nuit du 2 au 3 janvier grâce à l’exploit de Jordy. Ch Chassin, La Vendée…t V, pp 483-489.
(9) Le 10 février, la ville avait été occupée par les Vendéens mais reprise aussitôt par les Républicains.
(10) Les Vendéens commandés par Stofflet avaient surpris les Républicains dans la nuit du 11 et 12 juillet, mais ces derniers les chassent le jour même. Ch L Chassin, La Vendée patriote..p 529 et suiv.
(11) Le Brun est un ami de Garran.
(12) Le 29 septembre, à la Convention, les atrocités commises pendant cette guerre par des troupes républicaines sont dénoncées. Les généraux Turreau, Huché et Grignon sont ceux auxquels fait allusion Garran, cf Ch L Chassin, La Vendée…t.IV.p. 606 et suiv.
(13) Julien Lefebvre (de la Chauvière) (1757-1816), médecin à Nantes, représentant de la Loire-Inférieure à la Convention.
(14) Le traité de La Jaunaye, le 17 février 1795, va mettre fin, espère t-on à la guerre de Vendée parmi les commissaires signataires du traité, Lofficial et Menuau. Cf Ch Chassin, Les Pacifications.t.I, ch IV.
(15) Cf le Journal de Lofficial qui confirme ces faits dans Ch L Chassin, Les Pacifications..t I, pp 172-173.
(16) Le 14 mai 1791, par l’intermédiaire de Me Gibault, notaire, les Garran avaient au moins acheté trois parties du domaine de l’abbaye des Chasteliers vendu comme bien national (commune de Fontperron et de Chantecorps en Deux-Sèvres). Ces achats s’élèvent à 64 400 livres, Arch dép des Deux-Sèvres Q51.
(17) Pierre-Marie Delaunay (1755-1814), député du Maine et Loire à la Convention puis au Conseil des Cinq-Cents. Il a été l’un des représentants de la Convention près les armées et les départements de l’Ouest, en particulier lors des conférences de La Jaunaye.
(18) La défaite à Quiberon des royalistes est du 21 juillet.
(19) Stofflet a été fusillé deux jours auparavant.
Marie-Laure ALLARD pour Chemins Secrets
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