-
Massacres à Saint-Michel-Mont-Mercure....
La colonne infernale de Grignon à St-Michel-Mont-Mercure…
Il faudrait arriver à produire un jour un atlas détaillé de toutes les marches et contremarches des colonnes infernales, village par village et ferme par ferme. Ce serait un travail long et fastidieux mais ô combien passionnant, autant pour l’auteur que le lecteur. Comme ce n’est sûrement pas demain la veille que je m’attellerai à un tel chantier, je préfère vous présenter de temps en temps un carottage de ces parcours de feu et de sang, avec le plus de détails possibles. Ma femme avait déjà évoqué le sort de Saint-Michel-Mont-Mercure ici et à mon tour, je me penche sur le sujet pour rappel mais aussi pour quelques précisions de terrain.
On trouve une relation de l’abbé Billaud dans les bulletins paroissiaux de Saint-Michel qui n’est pas sans intérêt (1). Reprenons son texte en y ajoutant quelques détails de circonstances.
« Qu'est-ce qui se passait, pendant ce temps-là à St-Michel ? Vit-on là aussi les Colonnes Infernales ? Oui. La colonne de Grignon mit tout le pays à feu et à sang.
Grignon campa avec ses bandits, à la Flocellière, pendant 3 jours: du 27 au 30 janvier 1794. Puis le 31 janvier, Grignon se dirigea, par St-Michel, sur les Herbiers. Ce fut, à Saint-Michel, le jour du grand massacre. »
En effet, Grignon arriva à la Flocellière au soir du 27 janvier tandis que son second, Lachenay, est à Pouzauges le 28. La petite ville est incendiée. Ce dernier part opérer ses massacres à la Meilleraie le 29 janvier. Les deux chefs se retrouvent à Pouzauges où a lieu le fameux épisode du viol et de la tuerie des femmes prisonnières du château. Puis Grignon pousse une pointe vers le Boupère avec un petit détachement de vingt-cinq à trente hussards, avant de renvoyer un détachement pour l’incendier malgré les tentatives de négociations avec les habitants, majoritairement républicains. Le 31 janvier est bien la date à laquelle Saint-Michel-Mont-Mercure est incendié sur le parcours de Grignon qui se dirige vers les Herbiers pour y rejoindre Amey. Pendant ce temps, Lachenay, qui vient de brûler Rochetrejoux fera massacrer 200 personnes au Parc Soubise de Mouchamps. Laissons la parole à l’abbé Billaud pour la suite concernant Saint-Michel-Mont-Mercure :
« De fait, on ne sait pas trop ce qui s'est passé. On sait pourtant que les bleus, après avoir livré le bourg aux flammes, partirent vers l'Epaud. Là, leur colonne se coupa en deux. Une bande descendit vers la Croix-Barra et les Herbiers ; l'autre descendit, par la Chambaudière vers Saint-Paul en Pareds. Evidemment, tous les villages trouvés en chemin, furent brûlés ; les habitants furent massacrés ! Les anciens se rappellent encore certains faits. »
Je ne vais pas développer ici ce qui se passera jusqu’à Saint-Paul-en-Pareds, cette partie étant l’objet d’une future sortie sur le terrain des « Amis du Pont-Paillat » où nous reprendrons le plus exactement possible le chemin pris par la colonne infernale. L’abbé Billaud poursuit :
« Le père Auguste Merle m'en a raconté. Il y eut un massacre à la Chambaudière ; les victimes, dont un Penaud, furent enterrés là où est maintenant la Croix de la Poizelière. Une seule maison fut épargnée ; elle appartenait, en ce temps-là, à un certain barbeau, notaire, qui était républicain... Plus loin, la Bonnelière aussi fut épargnée : c'est qu'elle appartenait désormais à l'État. L'État l'avait confisquée à Monsieur de Gourgeault, propriétaire, émigré. C'était maintenant un bien national. Le château fut en effet acheté, quelque temps après, avec la métairie et les moulins, par Monsieur Coquillaud. »
A la Chambaudière, il existe une Vierge à l’entrée du village et dans celui-ci une croix que voici. Je n’ai pas trouvé trace d’une « croix de la Poizelière » (2). Les lecteurs du blog connaissant les lieux peuvent me laisser un commentaire ou un mail afin d'aider à situer le lieu de ce massacre.
Un autre calvaire existait à la Chambaudière sur le cadastre de 1965 (AD85, 2258 W 257/26). La croix de la photo est celle dans la parcelle vide. Celle aujourd'hui disparue, se voit ci-dessous au centre du village :
A nouveau l'abbé Billaud :
« On raconte aussi qu'à la Burlandière, les bleus, ayant pris un nommé Ravaud, lui enfoncèrent leur bayonnette dans le ventre. Le malheureux revint peu après, chez lui, en tenant à deux mains ses entrailles sanglantes, qui lui sortaient par plusieurs blessures ! »
« Imaginons un peu, si nous le pouvons, ce jour de cauchemar. Les bleus sont tout près, on le sait, ils sont là à la Flocellière ; ils viennent pour tuer et brûler tout... Sera-ce pour aujourd'hui, ou pour demain ? - Imaginons les coups de feu tirés au loin, dès le matin, qu'on entend le coeur serré, de la Cessière, de la Bessonnière, de la Chambaudière, de la Burlandière, des Brosses... et qui signifient que les bandits approchent ! Le bétail qu'on envoie dans les champs, pour qu'il ne périsse pas, égorgé ou brûlé, dans les étables. Les pauvres vieux, infirmes souvent qu'on ne sait comment cacher, et qui, résignés à la mort d'avance, disent aux enfants : "Allez-vous en ! Laissez-moi là! Cachez-vous !" et qui s'assoient au coin du feu, leur chapelet à la main, prêts à recevoir le coup fatal ! - Les enfants malades qu'on ne peut transporter et qui supplient leur mère de rester avec eux ; et les mères qui préfèrent mourir avec leurs petits, plutôt que de vivre sans eux ! - Et les métairies, et les villages qu'on voit de loin flamber comme d'immenses brûlots rougeâtres ! - Et les femmes blotties, tremblantes dans leurs cachettes avec des petits que la Terreur affole, et qui sans le vouloir font du bruit ! - Oh ! l'horrible instant où l'un des bandits arrive devant la cache et appelle ses camarades ! Les baïonnettes qui s'enfoncent dans les corsages ! les petits enfants, qu'on attrape dans les jupes de leur mère, qu'on empoigne par un pied, et dont on fracasse le crâne sur une pierre ! »
Les lieux sur l’IGN de Géoportail :
On pourrait penser ces dernières phrases sont quelque peu exagérées mais voici pour finir, le témoignage d’un républicain, déjà connu pour ses dénonciations contre Grignon (3), il s’agit de Vincent Chapelain.
«...On partit de la Flocellière (Floutière dans l’impression originale), après avoir incendié le bourg. Grignon m’ordonna de le suivre et de ne pas m’éloigner de lui ; dans la route, on pilloit on incendoit ; depuis la première jusqu’aux Herbiers, dans l’espace d’une lieue, on suivoit la colonne autant à la trace des cadavres, qu’elle avoit faite, qu’à la lueur des feux qu’elle avoit allumés ; dans une seule maison on tua deux vieillards, mari et femme, dont le plus jeune avoit au moins 80 ans... »
Saint-Michel-Mont-Mercure, dont la célèbre église couronnée du plus puissant des archanges est assise sur le point culminant de la Vendée, de toute la Vendée Militaire, a eu aussi son lot d’horreurs, dont la plupart restent encore à découvrir.
A bientôt…
RL
Mai 2019
Notes :
(1) AD85, Bulletin paroissial de Saint-Michel-Mont-Mercure, N° 55, 1950.
(2) Le seul village de « la Poizelière » existant dans la région se trouve sur la commune des Epesses, non loin de Mallièvre, très très loin du théâtre des événements décrits ici.
(3) Lequinio, op. cit., p. 48.
-
Commentaires