• Les mystères du Pont-Paillat....

      

     

    Les mystères du Pont-Paillat

     

     

     

    Ah ! Ces chemins poitevins, comme ils sont beaux et chargés de mystères. Nous allons parler si vous le voulez bien d’un endroit qui a vu les pas de monsieur Henri et qui malheureusement est en danger de nos jours. Il va nous falloir parler des combats du bois de Chèvres et surtout commencer par un petit cours de géographie de l’époque. La route de Bressuire à Châtillon-sur-Sèvre (1) passe par le célèbre « Bois-des-Chèvres » et suit précisément l’actuelle petite route qui borde le magnifique chemin de croix érigé par le Souvenir Vendéen en 1964. La route Bressuire-Châtillon file ensuite vers la croix de « Bel-Air » et se rétrécit pour ne devenir qu’un simple chemin qui enjambe le Pont-Paillat avant de se perdre dans les champs comme elle le fait d’ailleurs dans l’autre sens si on descend vers Beaulieu-sous-Bressuire. Les combats ici n’ont guère porté chance à l’armée vendéenne, mais le souvenir reste puissant et chaque parcelle de terrain en garde le souvenir.

     

    Le sinistre Westermann que vous connaissez tous, vient de brûler le bourg d’Amailloux le 1er juillet 1793 (2). Le bourg d’Amailloux, qui n’est pourtant pas l’un des plus royalistes est en flammes. Nous sommes bien avant l’époque des colonnes infernales. Ce trait parmi d’autres, nous prouve que la république n’avait pas besoin de Turreau pour s’adonner aux horreurs qui caractérisent une révolution qui n’a pu s’imposer dans un premier temps que dans la violence extrême et dans un second temps à force de mensonges. Illégalité d’abord, illégitimité ensuite. Si une révolution anti-république éclatait aujourd’hui, les partisans du drapeau tricolore hurleraient d’abomination et se croiraient dans leur bon droit. C’est à la fois comique et pathétique, mais revenons à notre peu sympathique Westermann. Le 2 juillet après avoir brûlé le château de Clisson en Boismé, demeure de Lescure, il marche sur Châtillon où sont cantonnés Lescure et Henri de La Rochejaquelein qui ont rejoint Poirier de Beauvais. Afin d’assurer les arrières du « boucher de la Vendée », le général tant décrié Biron fait poster deux bataillons à Parthenay et mille deux cents fantassins à Coulonges-sur-l’Autize. Biron est prudent car il sent que les rodomontades de Westermann pourraient bien tourner court… (3)

    Le lendemain, trois mille Vendéens du Bressuirais, du sud de l’Anjou et de Vendée départementale se postent sur cette ancienne route que nous avons décrite au début de notre article à hauteur de la ferme du « Bois-des-Chèvres », dans le bois lui même. Le combat est terrible, les bleus commencent par plier, ils ont déjà abandonné une batterie sur le terrain (4). Lescure qui observe le combat à la longue vue, se voit demander par un jeune officier de lui montrer l’ennemi. « Mais non, je vais vous le faire voir de plus près ! » et il se précipite à cheval entraînant la cavalerie avec lui. De son côté, Westermann, jurant et fulminant contre le peu de hardiesse de ses hommes, monte à la charge à la tête d’un groupe de tirailleurs. Richard Duplessis est gravement  blessé à un œil par une balle qui ressort à la nuque (5), le chevalier de la Bigotière a le bras fracassé par un boulet qui a aussi cassé son sabre. A ses hommes qui lui portent secours, il déclare : « Non mes  amis, laissez-moi et continuez à vous battre ; j’ai encore assez de force pour veiller à ma sécurité personnelle ». (6) Les Vendéens s’aperçoivent alors que pour s’assurer un maximum de sécurité, ils doivent absolument faire reculer 2 pièces de canons qui sont trop près de l’ennemi ; en effet il ne servirait à rien de gagner le matériel de l’ennemi si c’est pour perdre le sien ! Malheureusement, les soldats qui ont vu cette manœuvre, l’interprètent comme un recul de l’armée… Toute la troupe présente au Bois-des-Chèvres reflue ainsi au « Pont du Gué-Paillart ». De l’autre côté du pont campe depuis la veille une importante troupe d’infanterie vendéenne avec Poirier de Beauvais et le chevalier de Perrault (7). La première troupe fuyant le Bois-des-Chèvres s’arrête donc ici sur la hauteur qui domine le Pont du « Gué-Paillard » (8). Poirier de Beauvais et ses hommes essaient d’installer quelques batteries afin de stopper l’avancée républicaine depuis le pont. Louis Renou se battra ici même contre un grenadier républicain qui le blesse à la cuisse d’un coup de baïonnette et dont il casse la tête d’un coup de pistolet. Peine perdue, après un mouvement de reprise les Vendéens remontent désespérément sur Châtillon complètement paniqués. Poirier de Beauvais nous indique qu’il pouvait être «  deux heures et demie » (9). Il y a peu de perte pour les Vendéens dans cette déroute même si O’Daly eut son cheval tué sous lui…(10) Les Vendéens sont dans Châtillon, Poirier de Beauvais nous dit que cette troupe était peu aguerrie. On place des canons sur la route de Rorthais et sur le « chemin de gauche » (la route de Thouars). Les républicains avancent lentement craignant des embuscades vendéennes tandis que Lescure, Monsieur Henri et Stofflet font tout ce qu’ils peuvent pour ranimer le moral des troupes, sans succès. On connaît la suite. Châtillon envahi jusqu’à la reprise le 5 juillet et la monstrueuse déroute de Westermann dans le ravin de « Château-Gaillard ». Westermann sera complètement humilié et il rentrera quasiment sans hommes. Mais la république n’est ni avare en hommes ni en argent, elle doit s’imposer à tout prix et en particulier au prix du sang car elle est illégitime…

     

    Le 9 octobre, Chalbos et Westermann quittent Bressuire avec 11 000 hommes. Nouveau combat au Bois-des-Chèvres où les  6 000 hommes de Lescure, Stofflet et La Rochejaquelein  ne peuvent que se mettre en déroute après pourtant un semblant de victoire sur Chalbos. Ils disputent aux bleus deux pièces de canon. Le général Chambon, s’ écroule en criant « Vive la République, je meurs pour la patrie ! » Une fois de plus ce sont les grenadiers de Westermann qui vont rétablir la situation au profit de la république. Les villages de Saint-Aubin, Rorthais  et  Nueil sont incendiés. Les bleus se saisissent de l’habit de Stofflet qui le laisse sur le terrain in extremis, il tue trois chasseurs. Lescure est blessé au pouce par une balle. Une autre  balle casse le sabre de monsieur du Rivault et le blesse à la poitrine, le chevalier de Beauvollier et l’un de ses camarades sont enveloppés dans un chemin. Ils sautent par-dessus une haie et défendent leur vie au pistolet. On franchit dans la déroute le Pont-Paillat tout comme on l’avait fait 3 mois auparavant… Décidément le Bois-des-Chèvres et le « Pont-Paillat » ne portent pas chance à la Vendée ! Châtillon est pris le lendemain car les républicains rechignent à y entrer trop tôt. Ils préfèrent piller les villages alentour. Châtillon sera repris, puis repris par la négligence des Vendéens qui s’étaient un peu trop adonnés au vivres « liquides » laissés par Westermann. Tout le monde connaît cette histoire. Voilà donc les deux combats les plus connus du Bois-des-Chèvres.

     

     

     

     

    Le 14 mars 1794 Grignon vient d’incendier Bressuire et se porte sur Nueil et les Aubiers où il y aurait un rassemblement de « brigands » (11). Cette date est celle de massacres dans tout le secteur de Nueil et des Aubiers. Les listes sont longues et figurent dans le travail de Françoise de Chabot cité ci-après (12). Tout près du Bois-des-Chèvres se trouve la ferme de la Chagnelais qui est juste sur le bord de l’ancienne route de Bressuire à Châtillon et je vous le donne en mille, l’avant dernière ferme avant le Pont-Paillat ! A cet endroit un vieillard nommé Souchelot malade depuis 11 mois est brûlé vif dans son lit. Son fils revenant des combats quelques jours après retrouvera son cadavre au milieu des ruines de la ferme incendiée. (13)

     

    On retrouve dans la liste de Françoise de Chabot  une certaine quantité de Vendéens tués au Bois des Chèvres dans différents combats:

     

    -         Debry, de Châtillon  tué au Moulin aux Chèvres (date inconnue).

    -         Vion Jean, de la Chapelle-Largeau tué au Moulin aux Chèvres en 1793 (donc à l’un des deux combats précédents).

    -         Fradin Jean, des Aubiers 53 ans, tué au Moulin aux Chèvres, 1793 (idem).

    -         Supiot,  de Saint-Aubin-de-Baubigné tué au Moulin aux Chèvres (date inconnue).

    -         Morin, de Saint-Aubin également mort de blessures après le Moulin aux Chèvres (idem).

     

         -  Tisseau Alexis, né à Saint-Amand, 1748, tué au Moulin aux chèvres (date inconnue).

    -          Boishumeau fils, mort des suites de blessures reçues au Moulin aux Chèvres (date inconnue).

    -         Hérisset Jacques, journalier, 36 ans, tué au Moulin aux Chèvres le 14 mars 1794. Ce qui laisse entendre un combat à cette date à cet endroit, au moment où l’on brûlait vif le vieux Souchelot à La Chagnelais…

     

    Nous n’avons ici donné qu’une liste de morts au Bois-des-Chèvres. On peut trouver une foultitude de blessés ou de participants à ces combats.

     

     

    Les combats ont cessé, le béton gris et triste, typique des démocraties ignorantes et sans avenir détruit petit à petit l’âme de ce Bocage bressuirais qui s’appauvrit à mesure que la politique et son armada d’incultes s’avance. S’il est bien une image qui résume le système politique actuel, c’est une pelleteuse et des trous dans le sol….

     

     

     

    Et pourtant, cette nuit, un clair de lune blafard éclaire le pont Paillat dans un silence quasi sépulcral entaché par quelques bruissements animaliers dans les haies. Le sol y est boueux, envahi d’une herbe collante. Sous chaque caillou, sous chaque brin d’herbe, un débris de biscaïen, une larme versée par un Vendéen qui a perdu sa famille…. Votre serviteur, se décide à souffler la dernière chandelle de la maison, après un léger frisson… Comme une brume étrange à mes côtés, venue peut-être du « Bois-des-Chèvres » ou du « Pont-Paillat »…

     

     

    RL

    Janvier 2009

     

    (1)                     Mauléon s’est appelé ainsi de 1736 à 1965. Simple rappel pour ceux qui débutent en matière de Vendée.

    (2)     Nous étions tout près d’Amailloux avec notre précédent article sur les fameuses cloches de la Boissière-Thouarsaise. Nous ne faisons là qu’une petite balade dans tous ces vieux chemins que nous aimons tant…

    (3)                     Biron n’est pas un militaire très actif, on sait qu’il n’est pas très républicain au fond de lui même, mais c’est quelqu’un qui a compris que ces gens qui résistent à la révolution ne seront pas si faciles à éradiquer que l’on se l’imagine « à Paris »….

    (4)               Poirier de Beauvais, Reprint Pays et Terroirs,  op.cit.p. 63 et sq.

    (5)                    Mémoire de la marquise de La Rochejaquelein, op.cit p. 204.

    (6)                      Après avoir trouvé refuge dans une métairie des environs où il faillit être pris, il sera brancardé à Châtillon, amputé du  bras gauche, puis continuera la guerre jusqu’au Mans où il sera pris et fusillé avec son frère en décembre 1793. Poirier de Beauvais nous raconte sa rencontre avec lui alors qu’il vient d’être blessé, op.cit. p. 66.

    (7)              Voir à son sujet la note N° 1, p. 218 des Mémoires de la Marquise de La Rochejacquelein, op.cit.

    (8)                    Vous avez bien compris que le pont que l’on nomme ainsi en 1793 est bien sûr notre « Pont-Paillat ». Pour ceux qui connaissent le « Pont-Paillat » pour y avoir été réellement et pas simplement en en parlant depuis une carte approximative, nous savons que l’ancienne route de Châtillon se perd dans les champs sitôt le pont franchi. Ceci dit, il y a bien une hauteur aussitôt après le pont (de nos jours la simple entrée d’un champ) et la configuration du terrain n’a pas changé depuis 1793. Si l’on part du Bois-des-Chèvres, l’ancienne route se poursuit en pente douce avant d’aborder un chemin creux en pente un peu plus rapide qui arrive au pont. L’autre versant, sur la hauteur est une position idéale militairement parlant, mais le chemin ici n’existe plus, c’est de nos jours l’entrée d’un champ comme nous venons de le dire. En lieu et place de Poirier de Beauvais et de son artillerie, de paisibles vaches blanches paissent paisiblement.

     

    (9)                     Poirier de Beauvais, op.cit. p. 64.

    (10)               Voir à son sujet la note N° 2, p. 144 des Mémoires de la Marquise de La Rochejacquelein, op.cit.

    (11)               Savary, tome III, op. cit., p. 291.

    (12)               Un canton du bocage vendéen Souvenirs de la Grande Guerre, Melle 1891.

    (13)               Ibid, p. 96. Orthographié « Chapelais » dans F. de Chabot et « Chanelais » sur la carte de Cassini. Ces histoires de vieillards brûlés dans leur lit sont légion en Vendée. A châtillon, il y en a une également.

     

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    Illustration tirée du tome IV de Crétineau-Joly, p. 272.

     

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  • Commentaires

    3
    JACOB GUY
    Vendredi 14 Février 2020 à 09:40

    bonjour LOUP

    je révise.....!!!!!!

    Guy.......          :)

     

    2
    Le Loup Profil de Le Loup
    Mercredi 21 Novembre 2012 à 20:42

    Merci monsieur.

    Je viens d'en profiter pour améliorer la mise en page qui n'était pas terrible. Lorsque j'ai créé ce blog, mon navigateur internet ne me permettait pas tout ce que je voulais.

    J'ai des amis bretons qui sont férus de chouannerie et une épouse ferue de chouannerie dans toute la France (Normandie, Sancerrois, Jura, déportations au Pays Basque, etc) :

    http:// shenandoahdavis.canalblog.com

    Il reste de cette époque une certaine amitié entre Bretons et Vendéens, quelque chose de profondément enraciné dans nos cultures.

    Le Pont-Paillat, pourtant aujourd'hui dénaturé par la proximité d'une 2 fois 2 voies, est l'un de mes lieux préférés. Quelque soit la saison, il y a quelque chose qui parle du passé et à la tombée du soir, on a guère envie de s'y aventurer...

    Merci encore pour votre commentaire, et bonne soirée.

     

     

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    1
    MEHEUST Bernard
    Mercredi 21 Novembre 2012 à 19:21

    Excellent article ! Je reste toujours surpris de voir tant de détails sur  les lieux, les dates et les différents protagonistes. La guerre de vendée m'a toujours intéressé car je suis breton et cette province a également été concernée par la chouannerie. Un de mes aïeux, prêtre réfractaire, a d'ailleurs été fusillé par les bleus le 27 février 1800 pour avoir refusé de prêter serment à la république.

    Le bois des Chèvres, j'y suis passé il y a quelques jours. Bravo au souvenir vendéen qui perpétue la mémoire de tant de gens qui se battus pour leur idéal. Merci encore.

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