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Chanteloup et la Châtaigneraie, juillet 1794....
Affaires de Chanteloup et de la Châtaigneraie
Juillet 1794
« La Croix des Chouans »...
C’est une fois de plus un article un peu long que je vous propose ce soir mais qui éclaircira, je l’espère, les deux combats méconnus de Chanteloup et de la Châtaigneraie des 10 et 12 juillet 1794. J’avais déjà évoqué l’affaire de Chanteloup brièvement ici, ainsi que dans une petite balade dominicale ici. A la date du 10 juillet 1794, on évoque la plupart du temps l’exécution de Marigny, en oubliant que les « affaires » se succèdent à cette période entre les armées vendéennes et républicaines. Ce qui va suivre est bien entendu comme à l’habitude une étude locale des événements mais aussi un nouveau complément sur la formation du camp de Largeasse que j’ai déjà abordé à plusieurs reprises (1). Certains documents vous seront probablement connus par de précédentes études mais je me dois de les citer afin d’être le plus exhaustif possible. Afin de comprendre ce qui va se passer à Chanteloup, abordons la correspondance du général Bonnaire à son supérieur Vimeux, qui a remplacé Turreau à la tête des colonnes dites « agissantes » (2)
« Le 5 messidor (23 juin 1794),
Avertissement des habitants de l’Absie sur les incursions des brigands dans les communes environnantes ; ils enlèvent les bestiaux et emmènent les citoyens qu’ils surprennent. Suivant les rapports le parti de scélérats est encore nombreux : leurs rassemblements se font à Bressuire, Cerizay et Chanteloup. Il propose (Bonnaire) une attaque sur ces points. »
Le 7 juillet, c’est encore Bonnaire à Vimeux (3) :
« Un exprès m'annonce que la commune de l'Absie a été attaquée la nuit dernière par huit à neuf cents brigands. Les habitans se sont repliés sur Champdeniers. Je n'ai point encore de détails.
Je donne ordre au commandant Lapierre à la Châtaigneraie d'envoyer un fort détachement au secours de cette commune pour observer les mouvemens de l'ennemi et rassurer les habitans.
J'apprends qu'il existe un rassemblement à Chanteloup. On pourrait faire sur ce point une attaque concertée avec les troupes de Thouars, du camp de Chiché et de la Châtaigneraie. La marche et l'heure du rendez-vous seraient indiquées. J'attends tes ordres à ce sujet. »
Toujours au 7 juillet 1794, le « Tableau des opérations de l’Armée de l’Ouest nous renseigne sur ce qui se passe dans le Bocage. Je me permets de signaler au passage, l’incursion de Vendéens à la Chapelle-aux-Lys et à Bourneau pour les chercheurs que ces villages intéressent (4) :
« De Fontenay le Peuple le 19 messidor an 2
Rassemblement de brigands à Chanteloup. Projet d’attaque contr’eux, plan de marche. Le général Legros partiroit du camp de Chiché avec 1800 hommes d’infanterie et 200 cavaliers, laissant 400 hommes au poste (ce qui laisse entendre que le camp de Chiché était pourvu de 2 400 hommes à cette date) ; il passeroit par Boïmé. Les troupes de Thouars pousseroient de fortes patrouilles vers Chiché pour le protéger le départ des forces. La colonne de la Chateigneraye avec laquelle il marcheroit passeroit par St Pierre du Chemin et Moncoutant. La troupe de l’Absie passeroit par la Chapelle Seguin, Largeasse, la Chapelle St Laurent, et se réuniroit lorsqu’elle entendroit le feu. L’heure du rendez-vous seroit donnée. Il espère et demande des ordres pour l’exécution de ce plan.
Le 20 messidor
Détachement de 200 hommes envoyé pour inquiéter les brigands qui sembloient se porter sur la Chapelle aux Lys. Hier a 10 heures et demie, environ 40 brigands sont entrés dans le village de Bourneau, éloigné de Fontenay d’une lieüe sur la route de la Chateigneraye, et ont égorgé 4 républicains.
Le 21 messidor
Départ de la légion du Nord du camp de Chiché, par ordre du représentant du peuple Bourbotte. Exécution pour le 22 du plan d’attaque proposé le 19.
Suit le 22 messidor le résumé du rapport de l’attaque de Chanteloup que Savary a publié tel que ci-dessous (5).
« Du 11 juillet
Le général Bonnaire, au général Vimeux. (Fontenay.)
Je te dois compte de ma marche sur Chanteloup. Je suis parti hier à une heure de la Châtaigneraie, sans rencontrer aucun obstacle jusque près de Chanteloup. Deux vedettes ont été tués à l’arme blanche. Mille à douze cents brigands armés occupaient le village. Avertis de notre approche, ils se sont embusqués hors du village, et ont un fait un feu de file si vif, que l’avant-garde, infanterie et cavalerie, a été repoussée et s’est repliée en désordre ; j’ai eu quelque peine à les rallier. Alors je me suis mis à la tête de la troupe ; l’attaque a été vive et les brigands ont été mis en fuite, laissant une soixantaine d’hommes sur la place, parmi lesquels étaient deux chefs, l’un La Rochejaquelin, et l’autre un curé revêtu de ses habits sacerdotaux.
Ce prétendu La Rochejacquelin était un jeune homme à qui on avait donné ce nom et sur lequel on a trouvé une lettre adressée, à Monsieur de La Rochejacquelin, adjudant-major de l’armée du Poitou, commandant la garde à Chanteloup. Signé Richard (6), le chevalier de Beaurepaire.
J’ai perdu quatre hommes, dix ont été légèrement blessés.
Le général Legros ne s’est pas trouvé au rendez-vous, attendu que l’ordre lui est parvenu trop tard. »
Retour sur les archives de Vincennes avec un bulletin le bulletin analytique suivant (7) :
« Parthenay, 23 messidor an 2, (11 juillet 1794)
Du général de brigade Legros au général en chef Vimeux
Marche sur Châteloup (sic) le 22 au soir, d’après l’ordre du général Bonnaire. Point de connaissance de l’ennemi – retour. »
La Croix dite « des Chouans » à Chanteloup ou plutôt à Courlay car elle est située sur le territoire de cette dernière commune. Cette croix nommée ainsi en mémoire des combattants Vendéens du 10 juillet 1794 fut redécouverte par l’historien local Pascal Paineau au début des années 2000. Celui-ci m'a signalé récemment que M. Bodin, de la ferme voisine de Puy Doré, lui avait raconté qu'un prêtre était enterré sous cette croix. Est-ce le curé revêtu de ses habits sacerdotaux dont parle le rapport cité plus haut ?
Son emplacement marqué d’une croix rouge sur le cadastre de 1809 des AD79 ( 3 P 79/1) :
Et sur l’IGN de Géoportail d'une croix bleue :
Intéressons-nous à présent à un combat à la Châtaigneraie, qui aura lieu dans la foulée de celui de Chanteloup. En effet, les républicains partis de la Châtaigneraie pour attaquer Chanteloup, ne s’attendaient probablement pas à être attaqués à leur tour, dans leur propre camp, dès le lendemain. Le 12 juillet, Vimeux est informé par Bonnaire d’une attaque en cours sur le camp de la Châtaigneraie. Il en prévient immédiatement le représentant du peuple Ingrand, député de la Vienne (8). Voici le rapport de Bonnaire à Vimeux (9) :
« Du 12 juillet,
Le général Bonnaire, au général Vimeux.
(La Châtaigneraie)
Le camp de la Châtaigneraie a été attaqué aujourd’hui par les brigands. Au premier avis que j’en ai reçu, je m’y suis transporté de suite, et à mon arrivée, les attaquans étaient en pleine déroute. Un des principaux chefs à été tué, on assure que c’est Mistouflet (note de Savary : « on ignore à qui s’appliquait ce nom de guerre » - Les républicains ne savaient pas que Stofflet était nommé ainsi par les siens). Une colonne les poursuit encore. Les brigands s’étaient rassemblés de plusieurs points pour l’attaque de la Châtaigneraie. Les braves chasseurs qui les ont poursuivis à trois lieues viennent de rentrer avec un drapeau blanc (10).
Voici quelques détails de cette affaire. Une colonne sortie du camp, qui s’était avancée à environ une lieue, a été attaquée à son retour par un grand nombre de brigands. Elle s’est bien battue, mais elle a été forcée de se replier précipitamment. Cette retraite a jeté l’alarme ; une partie du camp a pris l’épouvante, et est allé annoncer à Fontenay et à Niort que l’ennemi était maître de la Châtaigneraie. La moitié du camp est restée à son poste qu’elle a défendu opiniâtrement, et a donné la chasse complète aux brigands qui, dans leur déroute, ont perdu au moins cinq cents hommes. Le succès de cette affaire est dû aux commandans des bataillons du Bec-d’Ambèz (11) et deuxième de paris, qui, à l’aide du troisième de chasseurs à cheval et d’une partie de la gendarmerie, ont chargé impétueusement l’ennemi. Le camp s’est trouvé enveloppé par quatre mille hommes. Cent républicains ont été tués ou blessés dans cette affaire.
Six volontaires, prisonniers depuis trois semaines, sont rentrés. Il confirment la mort de La Rochejaquelein, à Chanteloup, et celle de Marigny, fusillé par ordre de Stofflet, le lendemain de la précédente attaque de la Châtaigneraie (note de Savary qui se trompe : « cette attaque avait eu lieu le 2 mai 1794, ce qui fixerait la mort de Marigny au 3 mai » - On sait que Marigny fut tué le 10 juillet et Savary n’a pas compris qu’il est en fait question de l’attaque de la Châtaigneraie qui vient de se dérouler. Savary a t-il bien lu ce qu’il a retranscrit ? car il est coutumier des « arrangements » avec les correspondances).
L’église de la Châtaigneraie en 1856 dans l’ « Album Vendéen » de Drake et Lemarchand :
On sait que le camp républicain était situé au Sud de la Châtaigneraie, tout près du bourg d’Antigny. J’en ai déjà parlé ici.
Continuons notre périple archivistique afin de mieux comprendre les faits : le 26 messidor (14 juillet), Vimeux demande des précisions à Bonnaire sur l’attaque de la Châtaigneraie (12) :
« J’ai reçu mon cher camarade, tes deux lettres du 24 courant dans l’une des quels tu me donne des détails subséquens de l’affaire de la Chateignerai, je les attendois avec impatience et je te félicite du succès que ton activité à procuré à la république ; je vais rendre compte sur le champ à la commission de l’organisation et du mouvement des armées de terre du rapport que tu me fais afin quelle y voyez les succès des chêfs et des corps qui se sont bien conduit. Je te prie en attendant de leur en témoigner ma satisfaction ; quand à ta seconde lettre il faut absolument t’occuper de la position que doit préndre un camp à Moncoutant ou à Largeasse, et l’établir le plus promptement possible. Il faut que la communication s’établisse par de larges ouvertures entre le camp de Chiché et de la Chataigneray intermediairement par celui de Largeasse ou Moncoutant. Il faut établir des patrouilles pour assurer cette communication aux quel on désigneroit le point ou elle se réncontreroient avec les patrouilles des autres camps. Je te préviens au surplus que je donne ordre au général Ferand de faire porter sans délai une colonne de 2000 a 2600 hommes de troupes fraiches à la Chateigneraye. Cette colonne est déstinée à faire une croisière de Chiché à la Chateigneraye pour protéger l’établissement du camp intermédiaire. Tu voudras bien prendre des mésures pour (que) cette colonne trouve des subsistances dans un de ces deux points. Signé le général en chef Vimeux. »
Ce que nous venons de voir annonce la nécessité d’un camp républicain supplémentaire. Décidément l’établissement de ce qui sera le camp de Largeasse n’est pas simple…
Le 14 juillet 1794, le général Vimeux écrit comme promis à Bonnaire à la commission de l’organisation des armées de terre (13) :
« Copie de la lettre du général Vimeux écrite de Niort le 26 messidor an 2ème de la République française une et indivisible.
A la commission de l’organisation et du mouvement des armées de terre
Je vous ais instruit que j’allois me porter le premier thermidor (19 juillet) a Fontenai le Peuple. Je vous adresse aujourd’huy la copie de l’ordre général de mouvement que j’ai donné pour l’armée de l’Ouest afin de resserer les brigands dans un cercle plus étroit par des camps ou la discipline se rétablira et qui se rapprochant insensiblement cerneront absolument nos ennemis.
Pour faciliter l’établissement d’un camp intermédiaire entre celui de la Chataigneraye et celui de Chiché, je donne ordre aujourd’huy a une colonne de 2 a 3000 hommes de partir de Pont Charron sur la route de Chantonnay a Fontenay pour se porter la croisière entre la Chataigneraye et Bressuire et couvrir par le pays de Thouars & qui est menacé. Cette colonne aura aussi pour objet de surveiller les rassemblemens des rebelles qui ont attaqué la Chataigneraye et qui paroissent en force sur ce point.
Salut et fraternité
Signé Vimeux
Pour copie conforme
Le commissaire... »
A suivre à la même commission (14). On apprend davantage de détails sur l’affaire de la Chataigneraie :
« Au quartier général de Niort le 26 messidor l’an 2ème de la Répubique française une et indivisible.
VIMEUX, Général en chef,
Aux citoyens composant la commission de l’organisation et du mouvement des armées de terre.
Citoyens,
Je vous ay prévenû par ma lettre d’hier que je vous feroi passer successivement les détails de l’affaire qui eu lieu le 24 à la Chatégneraye. Je vous adresse en conséquence copie de la lettre que je viens de recevoir deu général de division Bonnaire. Vous y verrez que les brigands ont perdû 500 hommes au lieu de 300 que vous avois d’abord annoncé par son premier raport. Vous y verrez encore que plusieurs républicains s’y sont bien conduits ; je vous citerai entre autres le nom du brave Ambroise Lataillède chasseur à cheval du 3ème régiment 12ème compagnie qui a poursuivi et tué un des chefs des rebelles ; le général Bonnaire dans les détails qu’il donne garde le silence sur sa propre colonne ; c’est un effet de sa modestie qui ajoute à son mérite ; je suis informé qu’il s’est conduit avec autant d’intelligence que de valeur ; il s’est précipité suivi de six cavalier seulement au travers d’une colonne ennemie qui étonnée de cette charge audacieuse a commencé à se débander et a entraine le reste dans une déroute entière.
Salut et fraternité
Vimeux »
On notera la différence de version par rapport à ce qu’a publié Savary :
« Copie de la lettre du général Bonnaire de Fontenay le peuple le 25 messidor an 2 de la république une et indivisible.
Au général en chef,
Je t’ai promis général de te donner un détail plus exact de l’affaire qui c’est passé hier matin a la Chataigneraye. J’attendais pour cela le rapport de la colonne qui était sortie du camp pour poursuivre l’ennemi ; comme elle s’était avancée environ d’une lieux a la poursuite de l’ennemi elle à voulu rentré a la Chataigneraye, mais une seconde colonne de l’ennemi l’en ayant empeché et les poursuivant au contraire vivement, les a forcé de se réplier meme en désordre, c’est ce qui fût cause qu’une partie du camp, est vénue semé l’allarme à Fontenay et meme a Niort, et à annoncé la prise du camp de la Chataigneraye.
Cependant général la moitié du camp resté a son poste là deffendû oppignatrement et à donné une chasse complette aux scelerats qui dans leur déroute ont abandonné environ 150 fusils et 300 piques ou faux après avoir perdu au moins 500 hommes. Le succès de cette affaire est duë au zele, a l’activité et a la prudence du commandant de bataillon du Bec d’enbes et deuzième de Paris, qui à l’aide du détachement des chasseurs du 3e régiment, et d’une partie de la gendarmerie resté ferme a son poste ont chargé impétueusement les brigands.
Les républicains repoussés par l’ennemi s’empressent de ce rendre à leur poste ; il en rentre a chaque instant et je crois pouvoir t’assurer que malgré le mauvais succès d’une partie du camp, qui c’est trouvé enveloppé par 4000 hommes, nous n’avons perdû dans cette affaire que cent républicains tant tués que blessés.
Six volontaires récemment parmi nous après avoir été retenus prisonniers trois semaines par les brigands m’ont assuré que la Roche Jacquelin avait été tu a l’affaire de Chanteloup et que sa perte affligeait beaucoup les brigands. Ses même volontaires ainsi que deux brigands blessés que l’on a ramassé sur le champ de bataille, nous ont... (papier déchiré)... avait fait fusillier Marigny le... (papier déchiré)... de l’affaire de Chanteloup par suite d’une... (papier déchiré) ...particullière.
Ainsi cette affaire loin d’être inquiétante pour la république est un nouveau succès pour elle. Sois assuré général que nous prendrons toutes les mesures nessessaire pour assurer sa tranquillité.
Les officiers de ton état major te remettront le chapeau du chef tué dans l’affaire et le drapeau blanc pris par les chasseurs sans culottes.
Salut et fraternité
Signé Bonnaire
Pour copie conforme
Le général en chef
Vimeux »
Voyons à présent un tout autre son de cloche de la part d’un officer sans-culotte du nom de Lanzero qui donne sa version à un citoyen Mercier. Le document est malheureusement incomplet (15). J’ai signalé les passages manquant par des points de suspension :
« Au camp devant la Chateigneraye le 3e thermidor deuxième année républicaine (21 juillet 1794)
Je crois devoir te donner mon cher ami, Mercier le détail des deux affaires que nous avons euës avec les rebelles vendéens, que je t’ai annoncées par ma précédente du 24e du passé ; jour mémorable pour la garnison qui était ici. Accorde moi quelques instans pour lire ma longue période ; tu y verras avec peine comme bon républicain à qui le sort de tant des braves gens ait confié. Le détail le plus exact de ces deux malheureuses affaires et les faits que je te rapporte devraient être connûs s’il était possible dans toute la république, pour que l’on vit l’incapacité ou la malveillance des généraux qui nous commendent cette année. Je laisse à te prudence le droit de les transmettre au comité de salut public, qui désire autant que nous la fin de cette guerre. Si les moyens sages qu’il à indiqués par un de ses arrêtés du 14 messidor pour y parvenir, ne sont point entravés dans leur marche, nus pouvons espérer d’en voir la fin. Il y à longtemps que la Vendée serait purgée de cette horde de brigands si nous avions eu des généraux républicains et désinteressés, qu’ils eussent surveillé les mouvemens de l’ennemi, ils auraient vû que c’était l’affaire de 8 jours pour tout terminer. Je ne me permettrai aucune réflexion à ce sujet, mais en homme libre je dois dire la vérité et toute la vérité.
Le 22e messidor l’armée campée devant la chataigneraye s’est mise en marche vers minuit : on la faite marcher tout d’un trait sur Chanteloup à 5 mortelles lieuës du lieu de nôtre départ. Il était dit que nous devions faire une jonction à 7 heures du matin avec la colonne campée devant Siché (Chiché), à deux lieues de Chanteloup et attaquer en même temps les imbécilles fanatisés qui étaient audit Chanteloup.
Le général Bonneraire (sic), qui nous commandait, était à son rendez-vous, nous fait arriver à l’heure indiquée à (une) demie lieue de l’ennemi. La disposition de la marche pour faire l’attaque à été changée ; ce général ne connaissant le terrain que l’ennemi occupait que pour l’avoir vû imparfaitement sur le papier ; il combine avec son état major qu’il faut faire marcher toute la cavalerie en avant et à cinquante pas de la colonne ; il fait porter des tirailleurs à droite et à gauche, à la vérité un peu trop éloignés pour pouvoir la prôtéger. Je t’observe que la majeure partie de nôtre cavalerie était des gendarmes dans le genre de ceux que nous avions l’année dernière. Les avant postes de l’ennemi sont égorgés par un piquet des chasseurs à cheval que nous avions pour escorter le général. L’ennemi instruit de nôtre apprôche, s’est embusqué dans un champ de genet, il à laissé approcher nôtre cavalerie apportée de pouvoir la cribler : et dans le fait, il à fait un feu si bien nourri quelle à été surprise et forcée de faire rétrograde sur la colonne ; ce qui à mis le terreur dans la majeure partie de nôtre armée et la mise dans un désordre affreux à un point qu’il à été impossible de l’arrêter. La partie de l’avant-garde qui avait portée sur les flancs, à été obligée de soutenir le feu d’environ 500 brigands ; ce feu à roullé pendant une demi heure : si malheureusement les brigands avaient eu connaissance de nôtre désordre, peut-être qu’ils ne nous auraient pas cédé le terrain comme ils ont fait et qu’il .../... cheval, tandis que deux bataillons, plusieurs compagnies franches, et tout la cavalerie, étaient au pré derrière la Chataigneraye, ou ils sont devenus inutiles.
A 6 heures et demie, comme le feu s’engageait, l’officier général Communeau, avec les adjoints et autres de sa suitte paraissent en parcourant la ligne de l’armée et se trouvent cernés (comme nous l’étions) il ramasse toute la cavalerie qui était dans cette partie, il profitte de la trouée qu’avait faite 1500 hommes du bataillon des sans-culottes, la bayonnette en avant, et battent en rétraite jusqu’à colonges (Coulonges-sur-l’Autize), distance de 5 lieuës d’ici. Conséquament l’ennemi se trouve chassé par les républicains sans culottes, tandis que le restant de la colonne brigantine poursuit et met en déroute la partie gauche de nôtre armée. Nôtre compagnie qui était derrière les jacobins avec environ 40 hommes de la 1ère réquisition habillés comme les brigands, (il) nous à fallu faire face à la colonne du centre de ces coquins, tandis que leur colonne de gauche cernait la Chataigneraye. Nous avons suivi le mouvement de l’ennemi et soutenu leur feu jusqu’à ce que nous avons vû que nous ne pouvions plus y résister. Nous avons traversé quelques jardin qui nous ont conduits sur la terrasse des jacobins ou nous nous sommes mis en bataille, incertains pendant quelques minutes que ce fut nos frères qui vinrent joinde leur poste ; nous avons .../...
...Déjà formée. Ducos, se met à la tête de notre compagnie avec une partie du bataillon du Bec-dambès, et la cavalerie qui à semblant de charger ; les gueux des brigands prennent la fuite et vont se ralier dans un champ sur une hauteur. Nôtre infanterie les à poursuivi jusqu’au bas de la lande où ils étaient, voyant que cette mauvaise cavalerie ne chargeait qu’au pas d’infanterie pour lors n’a pas voulu s’exposer à la poursuivre.
Pendant ce long intervalle, je vois arriver un chasseur à cheval du 3ème régiment qui annonce que son escadron qui était parti le matin pour aller à Fontenay-le-peuple revenait à nôtre secours. Ces braves arrivent au galop, et n’attendent point qu’on leur dise de se porter sur l’ennemi ; ils volent, ils les poursuivent. Ce mouvement vigoureux leur fit faire encore une rétrograde, ils se portèrent sur une hauteur dans une lande ou ils se réunissent en bataille. Les braves chasseurs à cheval, n’écoutant que leur courage foncèrent intrépidement le sabre à la main sur cette nombreuse colonne de fanatiques, quelques compagnies de la gendarmerie suivirent ces braves et font le carnage que peuvent faire des hommes qui combattent pour la liberté, mettent cette horde de scéllérats dans une déroute complette et en font une déconfiture.
Un fait qui mérite d’être connû. Cent de ses scéllerats se sont avancés à nous dans le temps que nous étions en si petit nombre, en nous disant qu’ils se rendaient avec leurs armes pourvû que (nous) voulussions poser les notres. Le nombre de 40 hommes que nous étions n’était pas suffisant pour nous livrer aux propositions de ces polissons, qui peut-être venaient pour nous surprendre. Les colloques finies sans avoir aucun résultat, ses gueux se sont repliés sur leur troupe qui était à distance de deux cents pas de nous sans livrer un coup de fusil : nous en avons fait de même ne voulant engager un combat qui serait devenu préjudiciable au gain de cette affaire.
Il était onze heures quand nous sommes rentrés dans nos camps respectifs ; approchant midi, le général Bonnaire, Lapierre et tous les autres rongeurs de nation sont arrivés, charmés dans le fond de leur ame que tout fut fini. Ce général, machine, sans prendre aucun renseignement sur ce qui s’était passé, ou bien imparfaitement, en à fait une longue rélation, et à ozé s’en attribuer toute la gloir ; et donner des louanges à ceux qui n’ont rien vû ni rien fait pour contribuer au gain de cette affaire.
Voila donc deux affaires parfaitement conformes pour les combinaisons militaires, nous avons vû dans les deux affaires, les deux armées confonduës les unes aux autres, se donnant la chasse mutuellement ; voilà l’ordre qui à régné. Il est donc probable que des soldats qui savent oublier la tactique militaire pour être conduit au combat.../...
...chôse pour nous.
J’ai reçu une lettre du brave général Chalbos, j’i vois avec peine qu’il ne peut m’accorder la place que lui avais demandée, à cause qu’il à trouvé son état major complet. Mais il me donne espoir.
Adieu cher ami je tembrasse de tout mon cœur et suis pour la vie ton camarade républicain
Lanzero »
On se souvient des nombreux combats qui ont eu lieu pour la prise de la Châtaigneraie et ce, bien après les deux passages de l’armée vendéenne en route pour Fontenay. Ainsi, les 30 mars 1794 (16), 25 avril (17) et 2 mai (18). Sans doute, y aurait-il des études à mener sur chacun d’entre eux.
RL
Septembre 2018
Notes :
(1) Il serait fastidieux d’énumérer dans le texte, tous les liens hypertexte concernant le camp républicain de Largeasse et je préfère laisser le lecteur utiliser la fonction recherche du blog afin de mieux collationner les informations y afférantes.
(2) SHD B 5/9-57, v. 8/11 Bulletin analytique seul (document manuscrit sans formulaire) se rapportant au Tableau des opérations de l’Armée de l’Ouest. B 5/10-1, v. 17/26, dont je cite l’extrait supra.
(3) Savary, tome IV, p. 11 et 12. SHD B 5/9-73, v. 18/21, Bulletin analytique seul.
(4) B 5/10-1, v. 18/26.
(5) Savary, tome IV, p. 22 et 23. SHD B 5/9-79, v. 9/12, bulletin analytique seul.
(6) Ma femme a depuis déjà longtemps une biographie en cours sur Louis Richard pour son blog « La Maraîchine normande ». Ce dernier, marchand de moutons, habitait la Brechatière de Cirières au moment de la « Grande Guerre ». C’est un personnage connu dans le Cerizéen. Officiellement tué en février 1796, selon un rapport de Hoche, il l’aurait en fait été en novembre 1795 aux dires de sa fille.
(7) SHD B 5/9-79, v. 12/12, bulletin analytique seul.
(8) SHD B 5/80, v. 141/148. Registre de correspondance de Vimeux, p. 279.
(9) Savary, tome IV, p 23 et 24. SHD B 5/9-80, v. 3/17.
(10) Une note du « Tableau des opérations de l’Armée de l’Ouest précise qu’un « brave chasseur a arraché le drapeau après avoir tué 4 brigands qui le défendoient ». SHD B 5/10-1, v. 18/26.
(11) Le département de la Gironde est renommé « Bec d’Ambès » (lieu de confluence de la Garonne et de la Dordogne) par les terroristes après la chute des « Girondins ».
(12) SHD B 5/9-82, v. 1/13, bulletin analytique seul renvoyant au registre de correspondance de Vimeux en B 5/81, v. 2 et 3/129. Je cite le registre in extenso. Extraits également en B 5/83, v. 14 et 16/19.
(13) SHD B 5/9-83 v. 5 et 6/19, + v. 14 à 16/19 bulletins analytiques compris.
(14) SHD B 5/9-83, v. 7 à 13/19 avec une seconde copie. Bulletins analytique compris.
(15) SHD B 5/9-91, v. 1 à 5/21, bulletin analytique compris.
(16) SHD B 5/8-99.
(17) SHD B 5/8-122.
(18) SHD B 5/9-3 et B 5/9-5.
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