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    L'attaque du camp de la Roullière vue par un républicain, 

    le lundi 8 septembre 1794, dans le feu de l'action...

     

           

                 

    L'attaque du camp de la Roullière....Le lundi 22 fructidor de l'an 2, « A la tête d'une avant garde de sept cents hommes, Charette surprend le camp de la Roullière à cinq heures du soir ; les avant-postes sont tués, et dans une charge rapide, les paysans envahissent le camp. Les huit cents défenseurs fuient vers Nantes sans avoir résisté.

    Les Vendéens pillent le camp. Pendant ce temps, un détachement républicain survient par la route de Montaigu*. Au moment où il s'apprête à attaquer l'avant garde vendéenne, Charette et Couëtus arrivent avec le gros de leurs forces.... les Bleus n'insistent pas et s'enfuient à toutes jambes vers Nantes, poursuivis par les Paydrets qui en massacrent un grand nombre. »

    Ce camp de la Roullière, n'est pas celui des Naudières. Ce dernier s'étendait du carrefour des Trois Moulins à la Morinière en bord de Sèvre et sur une étendue de deux kilomètres environ en direction de Ragon à Rezé. C'était un vaste bivouac qui abritait environ 6000 hommes et qui a été déserté en avril 1794 pour celui des Sorinières à la Roullière, lors de la restructuration des camps républicains. (l'Ami de Rezé n°73 de février 2014 - les Naudières de Yves Lostanlen).

     

    La Roullière est donc un camp retranché qui compte environ 800 hommes près de la route de Nantes à la Rochelle.

     

    Voici ce que nous dit Monsieur l'abbé Deniau au sujet de l'attaque du camp de la Roullière :  « La garnison est privée de ses officiers, Ils étaient tous à Nantes avec le commandant Jacob...... » - « Rendu à une faible distance, Charette fit distribuer de l'eau-de-vie à l'avant garde et harangua avec feu tous ses soldats : ''Allons, mes amis, la victoire ne sera pas difficile aujourd'hui, vous n'avez à faire qu'aux Berrichons et à des culottes de soie dont les portefeuilles sont bien garnis''..... L'espoir du pillage et les vapeurs d'eau-de-vie échauffent les têtes.... le signal donné, ils tombent sur une dizaine de soldats occupés à manger du raisin dans une vigne, et se précipitent dans le camp. La garde est surprise, les retranchements sont emportés ; les ennemis épouvantés ne prennent pas le temps de s'armer, et se sauvent, laissant leurs fusils en faisceaux devant les tentes.

    Les paysans pénètrent dans les tentes, plus préoccupés du pillage que de la poursuite des vaincus, lorsqu'un détachement républicain arrive par la route de Montaigu et fait les plus grands efforts pour leur arracher la victoire*...... Charette apparaît avec le gros de son armée et une nombreuse cavalerie*..... Dès lors la déroute des Républicains fut complète... le carnage ne cessa qu'aux portes de Nantes. » (Abbé Deniau Tome IV, pages 573,574).

     

    L'attaque du camp de la Roullière....

     

    Les Républicains pour pallier leur défaite, dirent que les volontaires de Charette s'étaient déguisés en hussards, et que, grâce à ce stratagème, ils avaient été surpris. Ils prirent sans doute les plumets en poil de bouc de ses chasseurs pour les plumets de leurs propres cavaliers.

    Et c'est ce que dit le Républicain Barbier, du 7ème Bataillon de Paris, dans une lettre adressée à la Citoyenne Barbier, rue aux Fers - n°45 - Section des Marchés à Paris. *Barbier arrive donc à la Roullière avec le détachement venant de Montaigu, peut-être arrive-t-il avec une avant garde vers 4 heures puisqu'il se reposait au camp depuis une demie-heure et situe l'attaque à quatre heures et demie... où alors déforme t-il les événements ?

     

    Il écrit juste après l'action, aux Couëts, au Sud de Trentemoult près de Nantes, le 25 Fructidor de l'an 2 (jeudi 11 septembre 1794) :

     

    « Entrés à Montaigu le 22 prairial (10 juin 1794) nous en sortîmes le 22 Fructidor (8 septembre 1794) après trois mois justes d'emprisonnement dans son maudit château. Nous allions au camps de la Roulière placé à deux lieues de Nantes sur la route de la Rochelle : L'air retentissant de nos cris d'allégresse, la joie éclatait sur tous les visages. Nous arrivons fatigués d'une route de sis lieues faite par un mauvais temps – dont notre gaîté ne nous permettait pas de sentir l'incommodité. Déjà chacun se reposait sous sa nouvelle tente et commençait à gouter les douceurs du repos ; nous étions arrivés depuis une demie-heure, il était quatre heures et demie ; nous nous réjouissions, insensés et cependant la mort d'un vol affreux planant sur nos têtes comptait avec une joie féroce les victimes qu'elle allait frapper. Frémissez d'avance et gardez quelques larmes pour les manes de nos malheureux frères. Déjà nos postes sont égorgés ; et trois mille brigands, quoiqu'on dise qu'ils n'existent plus, surprennent le camp plongé dans la plus grande sécurité. Les balles sifflent de toute part, le sang coule, on n'a pas le temps de courir à ses armes, tout fuit ; l'arbre sacré de la Liberté tombe sous une hache impie, et le fer ennemis moissonne nos meilleurs soldats ; le feu dévore nos tentes et un immense amas de blé destiné à la subsistance du camp. *Une cavalerie nombreuse portant l'uniforme républicain s'avance sur nous tandis que nous soutenions la retraite contre l'infanterie des rebelles ; trompez par ce déguisement funeste et prenant pour nos hussards les cavaliers de l'infâme Charrette, nous les conjurons de charger l'ennemi : nous prononcions notre arrêt, ils chargent en effet : cent sabres s'abaissant tour à tour sur nos têtes et guidés par leurs mains cruelles et fatiguées de carnage font couler des flots de sang Républicain ; la route est jonchée de cadavres. Je me vois, moi-même poursuivi par un cavalier ennemi qui en avait déjà haché huit ou dix et qui venant sur moi criaît – Ah foutre en voilà un qui a des épaulettes, il doit avoir de l'argent ; il est à portée de moi, il lève son sabre en criant, Vive le roi, sacré patau, fou moi à la guillotine, j'esquive le coup et je cherche à sauter un fossé plein d'eau – je le franchis mais un de mes pistolets tombe dedans : Il m'étais bien permis dans une pareille occasion de l'abandonner, mais j'étais révolté de l'idée de laisser des armes à de pareils scélérats, je me jette dans le fossé assez profond et je cherche de la main mon pistolet dans l'eau. Cependant le cavalier ennemi se penchant sur la droite et se baissant vers moi tâchait de me fendre le visage que je tournais de son coté en observant tous ses mouvements, et évitant tous ses coups : enfin je sens mon pistolet je le saisis et je le mets dans une de mes fontes. Je m'arme de l'autre et le tournant vers le brigand je lui ordonne en jurant de s'en aller – la peur d'une mort incertaine pour lui, vû l'incertitude où j'étais moi même de l'attraper le rendit stupéfait – je réitère en jurant, mon ordre absolu d'un ton impérieux, il fuit, je ressaute par dessus le fossé et j'échappe ainsi à trois autres cavaliers qui venaient seconder leur camarade. Cependant mes yeux inquiets cherchaient mon père que je ne retrouvais que sous les murs de Nantes- 

    Jamais les différentes actions ou le bataillon s'est trouvé l'an passé ne lui ont couté tant de monde que cette malheureuse affaire ; sur deux cent quatre vingt hommes, nombre au quel nous avait réduit la campagne dernière et les fatigues de celle-ci, nous avons à regretter soixante dix morts, et l'hopital regorge de nos blessés… 

    Tous nos effets sont perdus, il n'est pas un seul de ..... qui ait deux chemises : la caisse du bataillon est resté onze mille francs dans les mains des brigands. Adieu 

     

    Signé : J. Barbier père - et Barbier. 

     

    Nous allons être recomplettés demain avec des recrues et nous partirons pour Cherbourg incessamment ainsi écrivez-nous en mettant l'adresse suivante: BARBIER 7ème bataillon de Paris à Nantes ou à Cherbourg si le bataillon y est parti. »  A Nantes.

     

    Nous nous portons bien, mon père et moi quoique fatigués, nous avons reçu votre lettre datée du 5 Fructidor (22 août 1794). N'oubliez pas pour nous le C Denios et sa famille ainsi que tous nos amis de la section.

    L'attaque du camp de la Roullière....

     

    Alors que penser de cette lettre ? Qui est le citoyen Barbier ?

     

    1° C'est un jeune Volontaire originaire de Paris accompagné de son père     également soldat ; donc un jeune homme âgé de 18 à 20 ans, l'âge de son     père se situant entre 38 et 40 ans.

     

    2° C'est un sous-officier ou un officier à cause d'un signe distinctif : ''épaulettes'' et porteur de deux pistolets.

     

    3° S'il est le scribe de cette lettre, il est instruit et possède une belle écriture.

     

    4° Il est domicilié au n°45 rue aux Fers – Section des Marchés à Paris. La rue aux Fers est une rue ancienne de Paris dont une partie a partiellement disparue et une autre partie a été absorbée par la rue Berger. Cette rue commençait au n° 89 rue Saint Denis et finissait rue de la Lingerie et était située dans l'ancien quartier des Marchés. Elle était habitée par des marchands de soieries, les plus riches de Paris. Au XVIIIème, elle est habitée par des marchands de passementerie (Wikipédia). Donc le Citoyen Barbier faisait partie de la bourgeoisie parisienne.

     

    J'ai cru reconnaître le citoyen Barbier en la personne de Jean-Pierre Barbier, capitaine de l'Empire, décoré de la Légion d'Honneur (Archives nationales – Leonore dossier LH/109/65). Mais la destruction des archives de Paris par les Communards en 1871 m'enlève toute possibilité de l'affirmer.

    Eléments plaidant pour cette hypothèse :

     

    Jean-Pierre Barbier est né à Paris le 18 juin 1776  et baptisé le 19 à Paris, il est le fils de Jean Barbier et de Michelle Tonnellier. Or le père de notre Barbier signe la lettre : J. Barbier, en 1794.

    En 1794 il est âgé de 18 ans, il est nommé sergent le 11 germinal de l'an 2 (31 mars 1794) ; donc il pouvait être avec son père également Volontaire au 7ème Bataillon des Volontaires de Paris. Il fait les campagnes de 1793 ans 2 et 3 à l'Armée du Nord, an 4 à l'Armée de l'Ouest.

    Il appert que L'Armée du Nord est commandée par Duquesnoy qui forme une division de 10 000 hommes composée de plusieurs corps de l'Armée du Nord et qui devient une Colonne Infernale sous Turreau. Le 10 février 1794, Duquesnoy est vainqueur de Charette à Legé. Donc Jean-Pierre Barbier est peut-être en Vendée...

    Jean-Pierre Barbier incorpore le 10ème Régiment d'Infanterie Légère, il est blessé par balle le 20 juillet 1793 près de Marchienne dans le Nord. Le 5 brumaire an 4, il est blessé par balle à Craon en Mayenne. Egalement blessé par balle à la bataille d'Eylau, il reprend une balle à la bataille d'Ekmül. Chevalier de la Légion d'honneur le premier octobre 1807, il est promu capitaine le 21 novembre 1809 et est nommé Capitaine-Adjudant de Place de Première Classe le 31 octobre 1814.

    En l'an 6 il est à l'Armée d'Angleterre, an 7 à celle du Danube, ans 8 et 9 à celle du Rhin ; an 12 et 13 au camp de Saint Omer, an 14,1806,1807,1808,1809 à la Grande Armée, 1810 aux Côtes de Brest ; 1811,1812 et 1813 en Espagne ; 1814 au blocus de Schelestall. (Sélestat, en alsacien Schlettstadt).  C'est un Monsieur qui a ''bourlingué''.

     

    Comparaison de signatures 1794 et 1819 : Jean-Pierre Barbier est à Toulon en 1819 et signe son Procès-Verbal d'individualité (voir signatures ci-dessous). Il est domicilié à L'Isle Port Croz et décède le 21 avril 1850 à Toulon.

    L'attaque du camp de la Roullière....

     

    Pour terminer, Jean-Pierre Babier épouse le 24 juin 1816 à Toulon (vue n°67/162 mariages) Mademoiselle  Marie-Anne Cazal, née à Bastia en Corse. 

    A cette occasion, Jean Barbier-père, marchand à Paris fait enregistrer par Maître Charles Bordin, notaire à Paris les extraits d'actes de naissance de son fils et de décès de son épouse Marie-Michelle Tonnelier ; et.... Maître Charles Bordin est domicilié au n°17 de la rue du Petit Lion-Saint-Sauveur, situé à cinq cent mètres de la rue aux Fers (7 minutes de marche).... Ces derniers éléments semblent confirmer que Jean Barbier et Jean-Pierre Barbier sont bien les auteurs de la lettre écrite le 25 fructidor de l'an 2 aux Couëts et ont survécus aux guerres de la Vendée.

      

    Sources :  Archives Départementales de la Vendée tous droits réservés, SHD B 5/10-50 vue n°4 et 5 – Archives de Loire Atlantique cadastre des Sorinières de 1827 -Itinéraires de la Vendée Militaire par Doré-Graslin Editions Garnier 1979, page 150 – Histoire des Guerres de Vendée, Abbé Deniau -Tome IV – Archives Nationales, Base Leonore – Les autres sources ont été énumérées dans le texte du présent billet- Archives municipales de Toulon, tous droits réservés. - Photo de l'auteur. 

                           

     

     Xavier Paquereau pour Chemins Secrets 

     

     


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    1791 : Châtillon-sur-Sèvre

    Saint-Aubin-de-Baubigné (2° partie)…

     

     

     

    « 2 sèvres

    Paris le 3 février 1791

    Habitants de St Aubin

    Contre le Directoire de Chatillon

    Troubles

     

    Messieurs du Directoire du département des Deux-Sèvres a Niort

     

    J’ai mis sous les yeux du Roi, messieurs la lettre que vous avés écrite le 29 janvier a M de Montmorin avec votre délibération concernant les excès auxquels les habitants de la paroisse de St Aubin se sont portés envers le Directoire du District de Châtillon. Sa Mté (Majesté) a approuvé les mesures que vous avez prises pour arrêter des désordres aussi dangereux et pour en faire poursuivre les auteurs. Elle attend les avis ultérieurs que serés dans le cas de me donner. Vous savés que la plus grande partie des troupes de ligne étant repartie sur les frontières. Sa Mté ne sauroit dans le moment actuel en disposer comme elle le désireroit pour les départements de l’intérieur. Elle vous exhorte à employer tous les moyens d’y (remédier – mot rayé) supplée en excitant le zèle des gardes nationales et des bons citoyens et en éclairant le peuple sur ses véritables intérêts. Si cependant les circonstances éxigent absolument que vous obtenés de nouvelles forces, vous aurés soin de m’expliquer en quoi elle (doivent –mot rayé dans le texte) devront consister et dans quel endroit précisément il faudra les poster.

    Il paroit au surplus que les habitans de St Aubin demandoient que leur curé fut payé, je ne puis m’empêcher de vous observer que cet objet mérite tout votre attention et qu’il est très important et de ne laisser sur cela aucune plainte fondées. Je vais néanmoins faire part de votre demande a M Duportail, afin qu’il vous fasse passer de nouvelles troupes s’il en à  à sa disposition. J’ajouteroi personnellement que je ne peux trop applaudir a la conduite ferme et régulière que vous avés tenuë, c’est en réprimant ainsi la sienne au nom de la loi qu’on affermira la constitution et qu’on jouir le (gribouillis) peuple de tous les avantages qu’elle leur procure. »

     

    Lettre non signée. AN F7 3690/1-1.

     

    RL

    Octobre 2017

     

    1791 : Châtillon et Saint-Aubin (2° partie)....

     

     

     


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