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Palluau-sur-Indre, 1796 (1ère partie)....
Palluau-sur-Indre, 1796 (1ère partie)…
Après avoir parlé brièvement de notre Palluau de Vendée, j’ai pensé qu’il était bon de citer l’histoire de son village jumeau dans le centre de la France, qui lui aussi, s’insurgea contre la république, certes, un peu plus tard et avec moins de succès, mais dont l’histoire mérite d’être connue. Les « petites Vendées » sont aussi nombreuses que méconnues, souvent oubliées, voire méprisées par les historiens, je me crois en devoir d’en parler, ne serait-ce que pour paraphraser le pourtant robespierriste Jean-Clément Martin qui reconnaissait, il y a quelques années, qu’en 1793, moins de la moitié de la population française était favorable au régime républicain. A noter pour ceux qui appartiennent à ces régions : ma femme a publié l’histoire de la révolte de Palluau-sur Indre ici.
Place aux archives à présent avec les liasses des archives militaires, afin que chacun puisse se faire une idée des faits.
RL
Mai 2018
Archives militaires de Vincennes : SHD B 5/36-50.
Blois le 16 mars 1796. Lettre du citoyen Ravaut à un destinataire inconnu. je reprend ici la partie de la missive qui parle des événements qui nous intéressent :
« Blois ce 26 ventose an 4 de la République
.../...
Il se porte en ce moment sur St Aignan un rassemblement de chouans, faisant partie d’un rassemblement plus considérable formé à Palluau, département de l’Indre qui nous a forcé à faire partir hier matin le peu de forces que nous avions ici. Aujourd’hui nous envoyons aux ministres de la police générale, de l’intérieur et de la guerre, une expédition de l’arrêté que nous avons pris pour dissiper cette sédition : nous réclamons des hommes et des munitions ; vous concevrez que tout ce qu’en (illisible) demandons est (illisible) ; et combien et dans cette circonstance, il est important de conserver la gendarmerie que nous avons chez nous ; aussi réclamons nous auprès du ministre de la guerre sur le départ des huit gendarmes que nous avons reçu sur la proposition du général Boussard, et que celui-ci veut faire partir demain malgré nos instances pour les conserver parce qu’il faut habiller, équiper et monter. L’administration persuadée de votre zèle et de votre activité me charge de vous prier, ainsi que le citoyen Arnoul de faire sur le champ les démarches nécessaires auprès des ministres chargés spécialement d’examiner nos réclamations. Le rassemblement à Palluau paroit considérable ; la portion qui en est sortie s’est portée à Ecueillay (Ecueillé) et y a commis des horreurs : un garde chasse, dit on, a été tué et plusieurs citoyens blessés. Tachez de voir dans les bureaux les copies de procès verbaux que nous faisons passer par la poste et ci-joint et ne négligez aucun moyen pour obtenir les hommes et les munitions qui nous sont nécessaires pour repousser des brigands (papier déchiré)... féroces qu’ils sont guidés par le fanatisme, ayant à leur tête (papier déchiré)... Fleuré, ci-devant curé lequel n’a pas eu honte, après les horreurs commises à Ecueillay, d’entamer un Te Deum.
Si comme je n’en doute pas, vous obtenez ce que nous réclamons, hâtez vous de partir. L’administration a besoin de votre secours. Elle vous... (illisible)... plaisir parce qu’elle ne craindra plus de vous perdre.
Salut, amitié et fraternité
Ravaut
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Département de Loir et Cher
Bureau de la police administrative
Blois le 26 ventoise an 4ème de la République française, une et indivisible
Les membres composant l’Administration départementale de Loir et Cher,
Au Ministre de la Guerre
Citoyen Ministre,
Nous vous adressons les pièces que nous vous avons annoncées par notre lettre d’hier portant envoy de l’arrêté que nous avons pris pour nous opposer a l’invasion de plusieurs communes de ce département menacées par le rassemblement de rebelles stationné dans le département de l’Indre.
Parmi ces pièces est une lettre de l’administration municipale de St Aignan et un procès verbal de l’agent municipal de la commune d’Ecuillé, qui nous sont parvenus depuis notre arrêté, et qui nous confirment la vérité du rassemblement dont est question, et le procès verbal indique qu’un détachement de l’armée de Palluau s’est porté a Ecueillé, ce qui prouveroit qu’il y a réellement un rassemblement considérable audit lieu de Palluau.
Cette position, citoyen ministre, nous fait craindre une nouvelle Vendée dans les cidevant provinces du Berry et de la Touraine, en conséquence, de la force, des armes des munitions de guerre et toutes les dispositions convenables dans les départements de l’Indre ; d’Indre et Loir et de Loir et Cher.
Nous vous parlerons encore du magasin de grains qui est est à Valançay département de l’Indre, nous apprenons indirectement qu’il est assez conséquent pour nourrir les rebelles pendant plusieurs mois et qu’il est fortement menacé ; notre observation ne pourrai que fortifier celle qui vous aura été faite à ce sujet par le département de l’Indre.
Nous ne vous laisserons rien ignorer, citoyen ministre, des renseignements qui nous parviendront au sujet des rassemblements dont il s’agit, et nous vous les transmettrons avec la plus grand célérité.
Salut et fraternité »
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« Carismont (nom révolutionnaire de Saint-Aignan) le 24 ventose l’an 4e de la république française une et indivisible
Les membres composants l’administration municipale du canton de Saint Aignan aux administrateurs du département de Loir et Cher.
Nous ne mettrons de bornes à nos réclamations que lorsque l’objet en sera remply. On ne transige pas avec des dangers aussy iminens que ceux qui nous menacent : vous en serez convaincus par la relation suivante. Quatre citoyens de notre commune partis ce matin pour aller à la découverte, arrivés à Nouan (les-Fontaines), y ont trouvé à l’auberge l’agent municipal d’Ecueillé et vu (un) autre citoyen nommé Cires desquels ils ont recueilly les renseignements suivants. Hier trois à quatre cents hommes des insurgés de Palluau, se sont portés sur Ecueillé en force. Les habitans de cette commune se sont mis en mesure pour se défendre soutenus par trente cinq militaires qui étoient arrivés de Loches à leur secours. Les citoyens n’étant pas en force suffisante avec l’inégalité du nombre, se sont repliés après une demie heure de combat. Un nommé Bedoin garde des bois de Luçay (le-Mâle) a été tué pour n’avoir pas voulu crier, Vive le Roy. Le citoyen Ciret a couru les plus grands dangers ayant eu plusieurs fois le sabre sous la gorge, et n’a été préservé que par la réclamation d’un des brigands dont il étoit connu. Le citoyens Lacaille aussi d’Ecueillé survenu à la même auberge a déclaré que sa maison a été pillée, qu’il luy a été pris dix louis, et la poudre et le plomb de sa boutique ; que dix a douze des brigands les mieux montés se sont portés sur Luçay ; cet article est confirmé par le rapport d’une femme qui vient de nous déclarer qu’au moment où elle est partie ce matin de Luçay on parloit de l’arrivée de cent dix hommes. Cet esprit de révolte est soutenu par un prêtre fanatique nommé Fleuré qui a dit ce matin la messe sous la halle d’Ecuillé, a fait un discours analogue et chanté le Te Deum et fait crier vive le Roy.
Absolument, de tout, nous vous demandons des hommes, armes et munitions. Faites que les secours arrivent sur le champ, autrement, nous ne pouvons répondre de préserver notre contrée qui ne se trouve en ce moment qu’à quatre lieues de ces endroits où ces horribles scènes se passent. Salut et fraternité, signé Peau commissaire et Juchereau secrétaire.
P.S. nous joignons copie du rapport qui vient de nous être transmis par les gens d’armes de notre commune. »
A suivre...
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