• Lettres de Hentz et Francastel....

    Lettres de Hentz et Francastel...

     

    Les missives que nous publions ce soir sont connues et ont été reprises récemment par Alain Gérard dans son livre "Vendée, les archives de l'extermination", p. 364 et sq. Elles ont le mérite d'être sans équivoque sur ce que la soi-disant représentation nationale de l'époque attend sur le territoire de la Vendée insurgée.

     

    La première lettre, adressée au Comité de Salut Public est datée du 9 mars 1794 depuis Saumur. Elle décrit l'état du pays sillonné par les colonnes infernales.

     

          " Nous profitons du premier moment de relâche, pour vous instruire de ce que c'est que la Vendée actuelle, car elle change de face chaque jour. Mais soyez tranquilles sur les résultats : ils ne peuvent qu'être rassurants.

     

    Nos collègues Garreau et Prieur n'ont pas longtemps soutenu l'horrible spectacle de ce pays affreux, où l'on ne voit que des ruines et des morts, où règne le silence le plus lugubre. Ils sont revenus à Nantes. Nous leur avons laissé la place, en reprenant la leur, et nous venons de parcourir la Vendée depuis Nantes jusqu'à Saumur, en passant par Mortagne, Tiffauges, Cholet, Coron, Vihiers, Doué.

     

    Les dispositions militaires adoptées sont celles-ci : deux fortes colonnes aux ordres, l'une de Cordellier, l'autre d'Haxo, sont vers le Bocage aux trousses de Charette, qui a le plus fort rassemblement. Deux autres colonnes, que nous venons de faire organiser avec la garnison de Cholet et partie de celle de Doué, sont aux ordres, l'une de Grignon, l'autre du général en chef. La première poursuit Stofflet, qui a environ 1.500 brigands réfugiés dans la forêt de Vezins, d'où ils se portent sur tout ce qu'ils peuvent rencontrer et forcent tout le monde à les suivre. La dernière colonne va balayer quelques rassemblements qui se forment dans le canton du Loroux et vers Saint-Florent. Saumur est couvert par 600 hommes d'infanterie et 300 hommes de cavalerie, qui sont placés à Doué, pays de plaine très dégagé. [...]

     

    Les rebelles n'ont d'autre but, en ce moment, que de surprendre des postes pour les égorger, s'emparer de leurs armes et de leurs munitions. [...] Les mesures que nous avons prires les chagrinent beaucoup. Comme nous avons fait évacuer de Cholet et de l'intérieur plus de six mille femmes et enfants qui étaient leurs espions, ils ne savent plus nos affaires, et ils sont désorientés à chaque point. [...]

     

    Nous pouvons vous assurer que c'est la plus méprisable canaille. Elle va comme un troupeau de cochons. Il est vrai qu'elle prend facilement et promptement tous les mouvements, qu'elle attaque avec furie. Mais si leur première fusillade n'a pas eu d'effet, ils sont perdus. Au reste, ils perdent peu de monde dans les combats, parce qu'ils se sauvent comme des lapins. Mais nous les tuons en détail, en faisant périr tout ce qui se trouve dans le pays. Et puis ils périront de misère : plus de fours, plus de moulins, plus de villages. On les chasse, il faudra qu'ils succombent. [...]

     

    La bonne preuve que la Vendée ne sera jamais redoutable, c'est qu'elle ne contient plus d'habitants, qu'une quinzaine ou une vingtaine de mille habitants de l'ancienne population, qui devait être de plus de 160.000 habitants. Nous sommes sûrs d'avoir fait évacuer tout ce qui n'est point criminel dans ce pays : tous les jours on en tue et, à la fin, leur destruction est inévitable, mais ce sont les plus scélérats et les plus cruels des hommes. [...]

     

    Il résulte de tout ce que nous venons de vous dire que, quand la guerre de la Vendée sera complètement terminée, il n'y restera point d'habitants, puisqu'on y aura tout détruit. Aussi, il est impossible que vous vous occupiez d'aucune loi sur son gouvernement. Il faudra déclarer tout le pays confisqué à la République, sauf l'indemnité aux réfugiés, et le nombre de ces réfugiés est très faible, relativement au reste qui est coupable, qui a péri et qui périra. Ces réfugiés ne valent rien : ce sont des lâches en général. Il n'y a de réfugiés dignes d'intérêt, que ceux qui se sont mis dans nos bataillons. Consultez là-dessus Bourbotte, Turreau, Carrier et ceux qui ont vu la Vendée sans prévention et sans intérêt particulier.

    Le général Turreau est le meilleur de son armée, mais il est dur ; ce n'est pas Rossignol. Au reste, il faut avoir bien du caractère et bien de la force pour résister, dans le pays le plus affreux. Il faut faire tuer des scélérats, que l'on rencontre espionnant dans les campagnes ou cachés dans les genêts.

    C'est une chose bien terrible que de faire la guerre dans un désert, que de marcher sur des cadavres, que de ne pas trouver un asile. Ne faites des reproches aux généraux qui sont dans la Vendée. A coup sûr ils ne s'amollissent pas. Au reste, ce qui encourage le soldat, c'est qu'il nous voit couchés près de lui, partageant ses privations et sa misère. "

     

    Archives nationales, AA/42.

     

    La seconde lettre n'est ni plus ni moins qu'une lourde menace sur la tête de Turreau s'il ne parvient pas à réussir sa mission dans les plus brefs délais. Pourtant, ce plan était l'initiative personnelle de Turreau... Elle est datée du 10 mars 1794 :

     

    "Tu sais, citoyen général, que les intentions du Comité de salut public sont que la Vendée soit promptement délivrée des ennemis de la République. Il y a vingt jours, il t'a fait parvenir un arrêté, par lequel il envoya deux représentants chargés de prendre les mesures nécessaires pour que cette malheureuse guerre finit en quinze jours. Ces représentants t'ont secondé de tout leur pouvoir et suivant tes désirs, et la guerre de la Vendée existe, Stofflet et Charette sont paisibles ! Tu as plus de 80.000 hommes sous tes ordres. Nous sommes sûrs que plus de 40.000 sont en état de se battre. Charette n'en a qu'environ 5.000 mal armés. Tu as vu, avec nous, Stofflet avec sa misérable et fugitive canaille. Et Charette et Stofflet se promènent à l'aise dans la Vendée, et tout cela se fait sous tes yeux !

     

    Cholet a été évacué, ainsi que tu l'as demandé. Les subsistances, les hommes, tout est sous ta main. Nous avons vu que tu sais te faire obéir quand tu veux. Tu sais que, quand on nous dénonce un coupable, nous en faisons bonne et prompte justice. Tu peux disposer de tous les officiers de ton armée, conférer le commandement des colonnes à ceux que tu juges convenables. Et cependant la guerre de la Vendée existe !

     

    Tu as rencontré Stofflet et, au lieu de le poursuivre, tu as ramené la moitié de ton armée à Doué. Nous ne savons ce que font les colonnes commandées par Haxo et Cordellier, ni les autres troupes. Tu ne dois pas organiser toi-même tes colonnes, tu as des agents. Ton état-major n'est pas bien, à Nantes, la Capoue de la Vendée. Tu ne peux ni quitter l'armée, ni dormir, ni t'atterrer, tant qu'il y aura un rassemblement de rebelles dans la Vendée.

     

    Nous partons pour Angers, lieu central, où tu nous écriras, jour par jour, ce que fait ton armée pour la destruction des rebelles. Nous avons vu nous-mêmes la Vendée ; nous nous sommes convaincus qu'il n'y a pas d'excuse valable pour celui qui, avec tes moyens, n' as rendu ce pays libre depuis deux mois. Tu n'as pas d'autre réponse à faire à notre lettre que de nous dire, à l'instant, que tu peux dissiper, en huit jours au plus, tout rassemblement dans la Vendée, ou de partir de suite mettre tout en mouvement et de nous apprendre, dans huit jours, que Charette ou Stofflet ou tout autre n'a plus d'armée en Vendée.

     

    Songe que, quelque parti que tu prennes, tout, hormis la victoire, t'expose à une responsabilité qui ne sera pas illusoire, et à des dangers dont tu peux prévoir les suites. Nous laissons près de toi le citoyen Simon. Il a notre confiance. Tu n'as aucun ordre à lui donner ni à en recevoir. Il est sous ta sauvegarde. "

     

     

    Cette lettre est citée par Chassin, La Vendée patriote ..., t. IV, p. 363-364 et signalée en cote B5/8 des archives du Fort de Vincennes. Alain Gérard signale ne pas avoir découvert l'original. Après vérification de notre part, via le site des archives de Vendée, permettant un accès aux archives du SHD, on ne trouve effectivement pas le document. On conçoit difficilement que Chassin ait pu l'inventer de toutes pièces...

     

    On comprend aussi pourquoi Francastel, avait été accusé le 25 novembre 1794 par le citoyen Cordier, ancien membre du Comité révolutionnaire, devant la société populaire d'Angers en ces termes :

     

    " Francastel avait donné l'ordre au Comité révolutionnaire de ne pas porter sur les registres les brigands, en leur recommandant de ne laisser subsister aucun écrit : Point d'écrits, mes amis ! Surtout point d'écrits ! "

     

    AD49, 1J4105

     

    RL

    Juin 2015

     

    Signatures de Hentz et de Francastel provenant d'un document conservé aux archives du SHD :

     

    Lettres de Hentz et Francastel....

     

     


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