• La Terreur dans le Saumurois (2)....

     

    La Terreur dans le Saumurois

    2ème partie…

     

     

    1ère partie ici :

     

    Déposition de Sophie Babin, veuve Phelippeau, de Saumur, âgée de 22 ans : « Il y a dix ou onze mois, Jean Bouju, ex-Fontévriste, détenu dans la maison d’arrêt de Saumur, fut extrait avec une quantité d’autres détenus pour être transférés dans l’intérieur de la République. Je crois que c’est à Bourges que Lepetit était chargé de conduite les prisonniers. Ma mère a reçu une lettre de Jean Bouju, mon oncle, datée de Tours, et depuis ce temps je n’en ai pas entendu parler, malgré les recherches que j’ai pu faire. J’ai été instruite par le bruit public que Jean Bouju a été fusillé à Blois avec plusieurs autres prêtres. Jusqu’à ce jour je n’ai osé réclamer au Comité révolutionnaire de Saumur, dans la crainte qu’il ne me soit fait un mauvais parti. Lors du départ de Jean Bouju de Saumur, j’affirme qu’il avait 17 louis en or, 12 livres en argent, 200 livres en assignats, 2 douzaines de chemises, 2 douzaines de mouchoirs de poche bleus, 1 douzaine de mouchoirs des Indes à carreau rouge, des boucles de soulier, jarretières, 1 agraffe, le tout en argent, 2 habits complets, 1 manteau brun, 1 matelas, 1 couverture, 2 oreillers, 6 paires de bas et 6 bonnets de coton. M’étant informée à plusieurs personnes de Saumur comment m’y prendre pour réclamer les effets de mon oncle, pour toute réponse on me dit de rester tranquille. »

    Déposition de Noël-Louis Peltier, défenseur officieux à Saumur : « Il y a neuf à dix mois, étant dans le cabinet de Maupassant, président du tribunal de commerce, Lepetit entra et donna à Maupassant des nouvelles de son épouse qu’il venait de conduire avec beaucoup d’autres citoyens et citoyennes dans le pays haut, par ordre du Comité révolutionnaire. Dans le cours de cette conversation qui ne fut pas longue, il dit qu’il avait fait fusiller en route le curé de Saumur et autres coquins de prêtres qui étaient avec lui, parce qu’il s’était aperçu qu’ils prêchaient et confessaient en route. Après ce récit, Lepetit se retira, s’apercevant sans doute à notre silence que nous n’étions pas partisans de ces assassinats. »

    Déposition d’Anne Baudry, de Richelieu, âgée de 38 ans : «  Il y a un an, je fus arrêtée à Marnay, près Richelieu, où j’étais attachée au citoyen Monnereau. Je fus conduite à Richelieu, de là à la maison d’arrêt de Chinon, et de suite à celle de Saumur, où je suis restée un mois. Ainsi que plus de 700 détenus des différentes maisons d’arrêt de Saumur, de différents sexes, je fus extraite de prison. La majeure partie fut conduite à pied jusqu’à Montsoreau. Les hommes étaient devant. Je m’aperçus que sept ou huit hommes furent fusillés depuis Saumur jusqu’à Montsoreau par ordre de Lepetit, qui était à la tête du convoi, à ce qu’on m’a assuré. Nous fûmes ensuite conduits à Chinon sur des voitures prises à Montsoreau, les femmes ne pouvant plus marcher à pied. Pendant cette route, il fut fusillé cinq à six hommes, qui ne pouvaient pas marcher : ils furent dépouillés et mis nus. – A Chinon, les hommes furent mis dans une église et les femmes dans des communautés. Le lendemain matin, lors du départ, je vis 300 hommes qui étaient liés et gardés sous les halles avec plusieurs enfants de 12 à 13 ans. L’un de ces enfants se jeta aux pieds de Lepetit en lui disant de le laisser partir avec les autres, qu’il n’avait commis aucun mal : il lui dit d’aller avec les autres qui partaient. Le surplus fut fusillé, à ce qu’on m’a dit ; et j’affirme que les 300 hommes retenus à Chinon n’ont pas paru depuis dans le convoi. Un pauvre malheureux qui ne pouvait marcher, demanda à monter dans la charrette où j’étais ; je lui avais fait une place : on ne voulut point le laisser monter, et il fut fusillé ; on ne le déshabilla pas, parce qu’il était mis très pauvrement. – A Tours, un citoyen de la ville ayant été pris pour un homme du convoi, traversant une voiture, fut tiré d’un coup de fusil et jeté dans la Loire. A Blois, les curés de Saumur et de Dampierre et autres furent mis à part, par ordre de Lepetit, dans une écurie, et le lendemain fusillés ; j’entendis les coups de fusil, et je vis les habits de ces malheureux portés au bout des piques. – A Beaugency, il en fut encore fusillé d’autres. J’entendis Lepetit faire des reproches aux volontaires qui les avaient mal ajustés, puisque quelques-uns reçurent trois coups de fusil. J’entendis plusieurs volontaires dire que Lepetit prenait les portefeuilles et les montres de ceux qui paraissaient à leur aise, et ils en parurent très mécontents. Lors  du passage de la Loire, un homme fut jeté à l’eau ; comme cet homme voulait rentrer dans le bateau, on lui donna des coups de crosse de fusil sur la tête et sur les mains. – Nous continuâmes notre route par Orléans jusqu’à Bourges. Etant près d’arriver, je vis auprès d’un bois plusieurs volontaires qui chargeaient leurs fusils Ainsi que bien d’autres, je craigais qu’il ne fût fait encore des fusillades. Mais beaucoup de citoyens de Bourges étant survenus, il n’y en eut pas. Ils avaient été instruits qu’il devait en être fusillé dans cette forêt. Il n’est pas arrivé à Bourges la moitié du convoi, malgré qu’aucune femme n’ait été fusillée (1).

    Déposition d’Abel Aubert, de Turquant, âgé de 26 ans : « Je fus transféré de Saumur à Orléans avec un convoi de 600 détenus des différentes maisons d’arrêt, le 2 décembre 1793. De Saumur à Montsoreai, il fut tué trois individus du convoi, par des volontaires escortant le convoi, et ce à coups de baïonnettes. J’ignore par quels ordres, mais le convoi était sous la surveillance de Lepetit. De Montsoreau à Chinon, j’en vis tuer quatre autres, toujours de la même manière et à coups de fusils, sous prétexte qu’ils ne pouvaient pas marcher. En entrant à Chinon, il en fut jeté un à l’eau pardessus le pont. A Chinon, il nous fûmes mis dans différentes maisons ; le lendemain au moment du départ et sur la route d’Azay-le-Rideau, je m’aperçus que le voncoi était dominué de plus de moitié. On me dit que les manquants avaient été fusillés en sortant de Chinon : je vis leurs vêtements aux soldats de l’escorte. A Tours, je vis encore fusiller un homme. Le surlendemain, faisant route pour Amboise, un homme du convoi n’ayant pu se tenir sur la charrette faute de forces en tomba et fut fusillé. En arrivant à Amboise, un autre individu n’étant pas entré assez promptement dans le bateau, fut de même fusillé et jeté à l’eau. A mon départ de Blois, j’entendus Lepetit donner l’ordre aux prêtres de rester dans l’écurie ; à la borne, en sortant de Blois, on fit halte au convoi : furent fusillés derrière à ma vue le curé du ci-devant Saint-Pierre de Saumur, le prieur-curé de Dampierre, Bouju, ci-devant Fontévriste, et un Oratorien ; un instant après, les volontaires revinrent avec les vêtements. Depuis Blois jusqu’à Orléans, je ne me suis aperçu d’aucun autre événement remarquable. »

    La Loire près d’Amboise au matin du 5 décembre 2019. Crédit photo : Marie-Charlotte Hardy :

    La Terreur dans le Saumurois (2)....

    La Terreur dans le Saumurois (2)....

     

    Déposition de Marthe Pelteau, de Saumur, âgée de 26 ans : « Je fus arrêtée par ordre du général Grignon dans la maison Larivière, où j’étais attachée à Bouillé-Loret (Deux-Sèvres), le 14 novembre 1793. Je fus conduite au Puy-Notre-Dame, et de là dans la maison d’arrêt de la Tour à Saumur. J’en partis le 2 décembre 1793 avec un convoi de 600 personnes, sous l’escorte de Simon et de Lepetit. Dans la route de Saulur à Montsoreau, j’ai vu deux cadavres sur le chemin, qui avaient été tués et étaient encore saignants. De Montsoreau à Chinon, je vis fusiller huit hommes du convoi, par l’ordre de Lepetit, sous le prétexte qu’ils ne pouvaient marcher ; aussitôt que ces gens s’arrêtaient pour des besoins naturels, on les faisait fusiller par ordre de Lepetit. Un des officiers du convoi, nommé Marié, en sauva de la fusillade autant qu’il put, ainsi que plusieurs volontaires qui l’accompagnaient ; pour leur éviter ce sort, ils les portaient quelquefois sur leurs bras ; Marié donna plusieurs fois son cheval à plusieurs individus du convoi qui ne pouvaient marcher quoiqu’il fût blessé au pied par la fatigue. – A chinon, une partie du convoi fut déposée dans une ci-devant église et l’autre dans une communauté. Le convoi partir le jour suivant. Sur la route d’Azay-le-Rideau, le convoi étant considérablement diminué, je m’informai auprès des volontaires de ce qu’était devenue la partie manquante. Ceux-ci me dirent qu’ils avaient été fusillés à Chinon, au nombre de 360. – En arrivant à Tours, Marié, officier des volontaires du convoi, fit faire halte à l’escorte, l’engagea à protéger les détenus et leur dit : « Plusieurs d’entre ces gens-là peuvent être coupables, d’autres aussi peuvent être innocents, tous doivent être jugés suivant les lois, je vous engage à les protéger contre toute insulte. » Malgré cette recommandation, plusieurs individus crièrent de les jeter à l’eau ou de les conduire à la guillotine. Après avoir réittéré les raisons qu’il avait données aux soldats du convoi, Marié les sauva du sort qu’on leur préparait. Ayant eu connaissance de ces exhortations, Lepetit le menaça de le faire fusiller lui-même, en lui disant qu’il prneait le parti de tous ces brigands et qu’il était un foutu gueux. – En arrivant à Amboise, après avoir passé l’eau, je vis fusiller deux hommes. En repassant l’eau le lendemain, j’eus connaissance qu’une femme fort âgée (je la crois ci-devant religieuse) ne pouvant monter sur le quai, Lepetit donna ordre de la fusiller. Plusieurs volontaires escortant le convoi s’y opposèrent. Mérié la prit sur son dos et la porta dans une voiture. – A Blois, le convoi fut déposé dans une auberge, partie dans les chambres, partie dans les écruries. Au moment du départ pour Orléans, une partie du convoi monta en charrette et les prêtres et autres restèrent derrière, où on les fit fusiller et jeter à l’eau ; c’est ce que j’ai appris par les volontaires qui l’avaient fait et entre les mains de qui je vis les vêtements. Pendant la route, les détenus perdirent des effets ; à Orléans, ils s’en plaignirent à Marié, qui sur-le-champ fit assembler les volontaires de l’escorte : il fit faire la visite de leurs sacs et fit restituer une partie des effets qui avaient été volés aux détenus. Sans le secrous de Marié, les trois quarts de ceux qui sont resté du convoi auraient péri. »

    Déposition d’André Pironneau, conducteur de châines à Saumur : « La nuit que Saumur a été déclaré en état de siège, je partis de cette ville vers 10 à 11 heures du soir, pour conduire une partie des prisonniers à Orléans. Sur la route de Chinon, à la Chaussée, commune de Saint-Germain-sur-Vienne, il fut tué deux détenus. 200 environ de ces détenus furent fusillés à Chinon. A Tours, on tua un détenu qui voulait se sauver. A Amboise, en arrivant, on tua le ci-devant curé de Chênehutte et deux militaires impériaux. En passant la barque d’Amboise, on fusilla encore 3 ou 4 détenus. Le lendemain, en partant de Blois, on fusilla 5 prisonniers : Boujou (Bouju), le prieur-curé de Dampierre, le ci-devant curé de Saumur et 2 autres individus. L’escorte qui conduisait ces prisonniers était commandée par Lepetit et Simon, gendre de Hubert Boissier. Landeau, cellier, gendarme à Saumur, escorta le convoi jusqu’à Orléans : il pourra donner des renseignements sur cette expédition, ainsi que Mommousseau et Blondin, conducteurs de châines, demeurant à Tours, qui ont aussi conduit les prisonniers de Tours à Orléans. »

    Déposition du général Carpentier, ci-devant employé à l’Armée de l’Ouest : « Etant adjudant-général chef d’état-major du général de division Commaire, commandant les ville, place et forts de Saumur et postes environnants, Lepetit, membre du Comité révolutionnaire de Saumur, et Simon, capitaine de hussards, ont conduit de Saumur à Chinon les personnes détenus comme suspectes. D’après les bruits publics, j’ai appris que tous deux avaient fait fusiller beaucoup de ces personnes qui étaient confiées à leur garde, entre Chinon et Azay-le-Rideau. »

    Déposition d’André Marin, de Saumur, âgé de 23 ans : « Le 2 décembre 1793, je fus nommé par le général Commaire lieutenant pour escorter le convoi de prisonniers qu’on transférait de Saumur à Orléans, sous l’escorte d’un dépôt qui y était en subsistance. Ce dépôt eut pour commandant Simon, gendre de Hubert, nommé le même jour que moi par le général Commaire. Tout ce convoi était sous la surveillance de Lepetit, membre du Comité révolutionnaire de Saumur. Lors du dpéart du convoi, le 2 décembre, Lepetit donna ordre de fusiller tous ceux qui ne pourraient pas marcher. Cet ordre fut donné faubourg de Fenet. Dans la route de Saumur à Montsoreau, deux hommes furent fusillés à ma connaissance pour cette raison. De Montsoreau à Chinon, il y en eut plusieurs de tués sur la route et je les vis morts, mais j’ignore pour quelle raison. – En arrivant à Chinon, des militaires jetèrent un homme dans l’eau pardessus le pont, j’ignore par quel ordre nin pourquoi ; j’étais alors avec le restant du convoi, derrière à une portée de fusil. Une partie du convoi fut déposée en deça des ponts, et l’autre partie dans les communautés de la ville au delaà du pont. Le lendemain matin, Lepetit dit au détachement : « Vous êtes libres de faire fusiller tous ceux qu’il vous fera plaisir ! » Lepetit donnar ordred de séparer tous ceux qui n’avaient point de papier ; ensuite il les fit fusiller au-dessus du château de Chinon sur la route. – De Chinon à Tours, il ne se passa rien de déplacé. A Tours, un prisonnier étant entré dans l’auberge par une porte différente de celle désignée par Lepetit et qui communiquait de même avec la cour où le convoi fut déposé, Lepetit le prit au collet, le jeta sur le pavé et le fit fusiller devant lui et jeter à l’eau. – Le surlendemain, à Amboise, Lepetit fit appeler le ci-devant curé Péan, qui était alors en charrette, le fit passer derrière et me donna l’ordre de le faire fusiller. Sur l’observation que je lui fis que ce citoyen n’était pas jugé, Lepetit me répondit : « J’ai l’ordre, il faut qu’il périsse ! » et il fut fusillé. Le lendemain, nous conduisîmes le convoi à Blois, sans que rien ne se passât. Le surlendemain matin, je fus à l’écurie où étaient tous les détnus, pour les faire monter en charrette, suivant l’ordre que j’en avais reçu de Lepetit. Alors un des officiers de garde, me dit : « Tu peux prendre tous ceux-là, maix ceux-ci (les prêtres) ne peuvent partie, j’ai reçu l’ordre de Lepetit de les garder pour les faire fusiller ! » En effet, je fis monter en charrette tous les autres et les fis partir ; les prêtres furent amenés sur le quai, où on les fusilla. Le restant de la route jusqu’à Orléans, il ne se passa aucune chose à ma connaissance, si ce n’est que je fis remettre les effets qui avaient été pris à différents personnes du convoi par les militaires qui les leur avaient ôtés. Les effets appartenant aux prêtres fusillés et qui étaient déposé sur les charrettes dans des malles et ballots, Lepetit les fit transporter dans sa chambre à Beaugency ; les militaires les ayant réclamés, Lepeti leur promit de les faire rendre et de leur distribuer le montant : j’ignore s’il a tenu sa promesse. A différentes reprises sur la route, je dis à Lepetit qu’il avait tort de faire tuer des gens qui n’étaient pas jugés, et que cette conduite me répugnait beaucoup ; Lepetit me répondit à chaque fois, « Si tu n’exécutes pas mes ordres je te fais fusiller toi-même, et si tu parles à quelqu’un du convoi, je te faire conduite en prison ! »

     

    A suivre ici.

     

     

    Note :

     

    (1)  Aux Archives de Maine-et-Loire (District de Saumur, 209), se trouve la liste des soixante-quinze personnes détenues dans la maison de Saint-François, à Bourges, venues de Saumur.

     

     


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