• Les souvenirs de Louise Barbier, 4° partie....

     

    Les Souvenirs de Louise Barbier,

    4° partie…

     

     

    LE COMBAT DU BOIS-GROLLEAU 

    (18-19 AVRIL 1793). 

      

    « Cependant les Vendéens perdirent plusieurs batailles à Chemillé, à Saint-Florent. Les généraux républicains arrivèrent jusqu'à Vezins. Pendant ce temps, les chefs vendéens voulaient tuer leurs prisonniers qui étaient au château, mais ils eurent peur en voyant arriver les secours de la République. » 

    Cet événement est également rapporté dans le recueil de documents publiés par Savary, qui décrit le trouble des troupes vendéennes et insiste sur les épreuves que subirent les prisonniers de Cholet, le 10 avril, quand fut connue l'avancée de Leigonyer sur Coron et Vezins. 

    « Vers le milieu de la nuit » (du 10 au 11 avril), note Savary, « d'Elbée, accompagné de plusieurs officiers vendéens, arrive à Cholet. On y tient conseil ; il ne restait plus de munitions, l'armée était débandée, tout semblait désespéré. Chacun dépose ses décorations ; on va jusqu'à faire courir dans la ville le bruit de la mort de d'Elbée. 

    « Cette nouvelle effraie tout le monde. D'Elbée part avec sa suite vers cinq heures du matin et s'enfuit à Tiffauges. » 

    Les prisonniers du château, voyant l'inquiétude de leurs gardiens, profitèrent du trouble pour tenter de reprendre leur liberté et décidèrent de sortir de Cholet. 

    « Ces dispositions concertées, j'entrai au Comité dont les membres étaient encore effrayés du spectacle de la veille et de l'inutilité de leurs efforts. Je leur déclarai « raconte Savary », au nom de tous les prisonniers, que nous allions pourvoir à notre sûreté, en abandonnant nos foyers. Ils firent des vœux pour nous. 

    « La route de Vezins se trouva bientôt couverte d'hommes, de femmes et d'enfants, fuyant une terre de désolation. Quelques braves, armés de pistolets et de bâtons, formèrent l'arrière-garde. On aperçut au loin, sur les derrières, quelques cavaliers vendéens, et bientôt on vit paraître en avant une patrouille de cinq chasseurs à cheval, commandée par le brave Duchatel. Dès lors, tout le monde se crut en sûreté. » . 

    « Ce fut la première émigration de Cholet, car chacun se sauvait en entendant dire que ces Républicains allaient venir se battre avec les Chouans. C'était triste de voir tout le monde se cacher, se sauver sans savoir où ils allaient (sic). 

    « Quarante mille hommes de troupes républicaines entrèrent dans la ville, le 17 avril au soir (1). 

    « Comme la ville n'avait pas d'éclairage public, ils ordonnèrent de mettre des chandelles aux fenêtres pour éclairer les rues et le lendemain matin une bataille eut encore lieu au Bois-Grolieau où Charette (2) fît incendier le château. 

    « Ce furent encore les Vendéens qui remportèrent la bataille. C'est à ce combat que fut tué mon oncle Brion (du May). Un coup de fusil l'atteignit dans les charmilles du parc. Il laissait une jeune veuve et six enfants dont la plus jeune (la cousine Brejon), avait dix-huit mois (3). 

    « Les Chouans revinrent encore à Cholet. Ils allèrent élever un autel sur la place du château, autour duquel ils remercièrent Dieu de leur victoire. 

      

    (1) L'exagération est ici manifeste. Les troupes républicaines étaient loin d'être aussi nombreuses. 

    (2) Erreur  de  nom. Charette ne vint pas à Cholet à cette époque. 

    (3) Registres de M. Boisnaud, curé de Saint-Pierre : à la date du 20 avril 1793 : « Sépultures de Louis Gaufreton. mort la veille. 32 ans, et de Pierre Brion, du May, 36 ans. > 

    ________ 

      

    « L'armée vendéenne entière traversa Cholet. Le défilé dura six heures, une demi-journée, par la grand'route de Vihiers à Mortagne, précédé de vingt-neuf tambours. 

    Chaque paroisse portait son drapeau en tête 

    « Tout l'été les chouans furent les maîtrës. 

    « Il y avait de temps en temps des petites batailles où ils gagnaient toujours. » 

      

    L'EXPIATION 

    LA BATAILLE DE CHOLET 

    (17 OCTOBRE 1793). 

      

    « Au mois d'octobre, eut lieu le fameux combat de la lande de la Papinière. C'est là que fut blessé Bonchamps qu'on emporta sur un brancard jusqu'à Saint-Florent, où il mourut en arrivant après avoir demandé : « Grâce aux prisonniers ! » 

    « Le combat dura six heures ; jamais on ne vit tant de cadavres. Les Vendéens perdirent la bataille. 

    « Les Républicains et leurs généraux, Kléber, Lechelle, Carrier, Merlin (1) rentrèrent à Cholet qui était presque désert, car tout le monde s'était caché pendant le combat. 

    « Le lendemain matin, on ordonna aux habitants d'aller relever les cadavres. J'étais enfant. Je courus avec tout le monde. Ah ! mon Dieu ! que c'était triste de voir, — et je vois comme si j'y étais encore, — le plateau de Bégrolles où les cadavres étaient entassés dans des mares de sang, les blessés qui criaient et demandaient secours et qu'on emportait sur des brancards de branches (sic). 

    « Pendant ce temps, les soldats entraient dans les maisons et prenaient tout ce qu'ils pouvaient trouver. 

    Le général Kléber parcourait la ville sur un beau cheval blanc, en tête de l'état-major, rassurant tout le monde et punissant les soldats qui voulaient s'emparer de tout. » 

      

    (1) Kléber commandait l'armée dite « de Mayence » envoyée en renfort à l'armée de l'Ouest pour combattre les Vendéens, après la reddition de cette place. 

    Lechelle commandait nominativement l'armée chargée de soumettre l'insurrection vendéenne. En réalité les ordres étaient donnés par Kléber. 

    Carrier et Merlin (de Thîonville) étaient deux conventionnels envoyés en mission auprès de l'armée et dans les départements insurgés ; Carrier s'acquit quelques mois plus lard, à Nantes, une abominable réputation. 

    ________ 

      

    Ainsi, Louise Barbier ne nous donne sur la bataille de Cholet que les quelques détails, vécus et vivants, qui frappèrent sa jeune imagination. Elle n'indique pas les combats qui eurent lieu, l'avant-veille, entre La Tremblaye et Saint-Christophe. Elle note seulement ce fait, unanimement rapporté par tous ceux qui vécurent ces tristes journées, de l'abandon par nos concitoyens de leur ville et de leurs demeures, à l'entrée des troupes républicaines. 

    Notre mémorialiste ne semble pas avoir conservé souvenance de l'émigration vers la Loire, de la « tournée de galerne », à laquelle elle n'assista pas, d'ailleurs : Le séjour des républicains à Cholet, pendant les mois de novembre et de décembre 1793, les recherches du premier Comité Révolutionnaire et les arrestations qu'il fit opérer n'ont pas laissé de traces dans ses souvenirs. Les terribles angoisses des premiers mois de 1794, de l’« hiver rouge » et les douleurs de l'exil se sont gravées si profondément dans sa mémoire, qu'aucune place n'y est demeurée précise pour le cours moins mouvementée de la vie en cette fin d'année. 

    Pour y suppléer, nous avons heureusement la relation d'une de ses sœurs. Victoire Barbier, de cinq ans plus âgée que Louise, et qui fut entrainée dans la folle équipée d'outre-Loire. 

      

    LE PASSAGE DE LA LOIRE 

    (18 OCTOBRE 1793). 

      

    « Je fus recueillie par ma tante Brion, qui habitait le May. Son mari était allé se joindre aux Vendéens, laissant sa femme et ses six enfants. Il fut tué le 20 avril 1793, à la bataille du Bois-Grolleau, près de Cholet. 

    « Il y avait environ deux mois que j'étais chez ma tante ; je l'aidais à soigner ses enfants dont la plus jeune, qui fut la cousine Bréjeon, avait environ deux ans. 

    Comme j'étais forte, je lui rendais quelques services, car elle était à peu près sans ressources, quoique ayant des propriétés sur la place du May. Son argent était caché, et elle vivait du produit de son jardin. 

      

    « C'était au mois d'octobre (1793), je me souviens. Tout à coup on entendit battre la générale et sonner le tocsin. 

    On disait que les bleus avaient battu les chouans à Cholet, que ce qui restait de la ville brûlait et qu'ils poursuivaient les malheureux vaincus. Ma tante nous fit ramasser quelques effets et nous suivîmes la foule des émigrés qui se dirigeaient sur Saint-Florent pour y passer la Loire (1), 

     « Soldats, femmes, enfants, vieillards et blessés, tous étaient pêle-mêle, fuyant le meurtre et l'incendie. Ils se sauvaient, laissant leurs villages que brûlaient les républicains sur leur passage. On n'entendait que des pleurs, des gémissements, des cris, et dans cette foule confuse, chacun cherchait à retrouver ses parents, ses amis ou des appuis et des défenseurs, car on ne savait pas quel sort on allait rencontrer sur l'autre rive. 

    « Il fallait voir pourtant comme chacun s'empressait pour y passer, comme si, au delà du fleuve, on avait dû trouver la fin de tous ces maux. 

    « Une vingtaine de mauvaises barques portaient successivement les fugitifs qui s'y entassaient. D'autres cherchaient à traverser sur des chevaux ; tous suppliaient qu'on vînt les chercher, en regardant derrière soi si l'ennemi n'arrivait pas. C'était navrant de voir cette foule égarée avec cette terrible incertitude de l'avenir. 

    « L'armée vendéenne arriva, amenant M. de Bonchamps qui avait été blessé près de Cholet, avec cinq mille prisonniers républicains conduits par M. Cesbron (2), commandant de Cholet. A chaque instant on en fusillait, malgré les supplications de M. de Bonchamps. Ce dernier, couché sur un matelas et mourant, criait : 

    « Grâce aux prisonniers ! » Il fut enterré sur les bords de la Loire. 

      

    (1) « La tante Brion ondoya un enfant de Mme de la Bouere venu au monde dans un champ de genêts, près Saint-Florent. » (Note de M. J. Chaillou.) 

    (2) Cesbron d'Argonnes, né le 15 octobre 1733, commandait la place de Cholçt pour les Vendéens. Préposé à la garde des prisonniers, il passait pour être dur envers eux. Il signa avec Stofflet la pacification du 2 mai 1795. 

    ________ 

      

    « Je me souviens que nous fûmes traversées sur la Loire (sic) par un prêtre déguisé en paysan. Il était exténué de fatigue, car depuis deux jours il n'avait cessé de passer les Vendéens. 

    « Une fois arrivé à l'autre rive, chacun attendait sur l'herbe ses parents, ses connaissances pour se rallier à eux. Je me mis à la recherche de ma tante, que je trouvai avec ses enfants, dans un petit hameau tout brûlé. 

    Elle arrachait des pommes de terre dans le jardin pour se procurer un peu de nourriture et calmer notre faim. 

    Nous nous jetâmes dessus avec avidité ; nous n'avions rien autre, car, bien qu'elle avait conservé de l'argent, on ne pouvait rien acheter. 

    « Nous nous mîmes en marche pour suivre l'armée vendéenne. J'étais accablée par la fatigue. Mes sabots étaient cassés et me blessaient les pieds. Ma tante Brion avait hissé sa petite fille derrière un cavalier, mis trois ou quatre autres enfants dans une ambulance et traînait un autre par la main, après m'en avoir mis un sur le dos, me menaçant à chaque instant de m'abandonner seule, si je n'allais pas plus vite. »

     

       A suivre…

     

     

       La Déroute de Cholet, Jules Girardet :

    Les souvenirs de Louise Barbier....

     


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