• Les Mémoires de l'abbé Remaud, 7° partie....

     

    Les Mémoires de l’abbé Remaud, 7° partie…

     

     

    La Vendée Historique, 20 octobre 1899.

     

    Je songeai à former un établissement à la campagne ; mais il faillait encore, malgré la précaution que j’avais prise de changer de nom, que quelqu’un garantit la ferme que je voulais prendre. Mlle M… et ses parents me rendirent ce service. Une maison de campagne fort agréable dans la commune de Saint-Herblain, située à une lieue, de Nantes, fut mise dans les affiches : on afferma fort cher cette campagne, parce qu’elle était entourée de murs fort élevés, qui semblaient mettre à l’abri d’une surprise. On y fit pratiquer une cache ; je me rendis l’habiter avec mes amies.

    J’eu le bonheur de rencontrer dans cette commune un maire qui était un parfait honnête homme. Je le demandai ; je lui fis part de mon affligeante position. Il y fit sensible ; il me promit sûreté et protection. J’ai passé effectivement trois années fort paisiblement dans cette maison de campagne, me livrant aux innocents plaisirs de l’agriculture dans un jardin délicieux. J’y aurais volontiers passé le reste de ma vie ; mais je faisais sur cette ferme des pertes si énormes chaque année, que je ne pouvais la conserver sans déranger sensiblement la fortune de ma bienfaitrice.

    Pendant que je demeurais dans la commune de Saint-herblain, il s’éleva de nouveaux troubles dans la Vendée, et même dans le département de Loire-Inférieure. Les chefs des royalistes crurent pouvoir relever avantageusement leur parti. Je fus informé de ce projet et des mesures qu’on devait prendre. On me notifia les ordres de M. le lieutenant-général du royaume, pour reprendre les rênes de l’administration dans le pays insurgé. Je refusai formellement de me réunir à eux. Je me fis plusieurs ennemis dans le parti. La ville de Nantes fut attaquée par les insurgés, je demeurai tranquille dans ma solitude.

    Je ne fus pas longtemps à me féliciter sur ma résolution. Ce parti des insurgés fut anéanti ; Bonaparte s’empara du gouvernement dans le journée du 18 brumaire. Un des premiers actes du Consulat de Bonaparte prononça ma mise en liberté. Je reçus du département de Nantes un sauf-conduit. Je me rendis devant l’administration ; on me délivra acte de mise en liberté. Je respirai enfin. Il y avait près de cinq ans que j’étais obligé de me cacher, depuis la fin des premiers troubles de la Vendée.

    Quel ne dût pas être mon étonnement, quand je reçus, à cette même époque, une lettre de M. Voyneau, se disant représentant de Mgr l’Evêque de Luçon, qui m’annonçait que le Supérieur m’avait censuré pour avoir écrit une relation de la guerre civile en Vendée ! Je croyais avoir assez fait pour mériter quelques droits à son estime ; je répondis à cette lettre ; j’annonçai ma ferme résolution de demeurer désormais tranquille et de ne plus me mêler des affaires de l’Eglise et de l’Etat.

    Dans ces sentiments, je pris mes mesures pour revenir dans la Vendée finir paisiblement mes jours dans mes propriétés. Au moment où je formais ce projet, ma vie fut encore abreuvée d’une nouvelle amertume. Je perdis un frère que j’aimais tendrement et dont j’étais également aimé. Il mourut à Chavagnes, au milieu de son troupeau, la dixième année de la persécution. Cet évènement a répandu dans mon âme une tristesse qui n’en sortira jamais.

    L’époque de la fin de la ferme où j’étais allait expirer : je préparai mon départ, et je revins à Maché le 13 mars pour finir mes jours au sein de quelques amis fidèles, dans cette même maison où j’avais été sauvé du temps de la terreur, dix années auparavant.

    C’est là où j’ai cédé au désir de mes amis de mettre par écrit les principaux évènements d’une vie qui semblait devoir être heureuse, et qui a été partagée par toutes sortes de malheurs. Je les résume en disant que j’ai souffert, comme prêtre une double persécution. Après que j’ai eu échappé au fer de mes ennemis, le clergé m’a persécuté lui-même, sa conduite a été aussi remplie d’injustice que de contradiction (Ces faits se prouvent par la lettre du vicaire-général Voyneay et la correspondance de M. de Mercy.).

    Comme français, j’ai éprouvé d’autres tourments. Je me suis trouvé, par l’effet de la révolution, dans la nécessité d’occuper une des premières places dans l’administration civile qui a désolé ma patrie. Cette place m’a exposé à des fatigues inouïes et à des dangers qu’il est impossible de calculer. En outre de la haine de parti, elle m’a nécessairement procuré celle des patriotes, dont j’administrais les biens au nom du roi.

    A la suite de cette guerre, pendant laquelle ma vie était exposée nuit et jour, j’ai fait un long et pénible voyage, dans lequel j’ai éprouvé tous les dangers de la terre et de la mer. Ce voyage, que j’ai fait pour la cause de la religion et de l’honneur, a été suivi, pour moi, de nouvelles mesures de rigueur de la part du gouvernement.

    Enfin, un homme extraordinaire a paru….. Bonaparte m’a rendu a liberté. Je suis revenu dans la Vendée pour y vivre en simple particulier, au milieu de quelques amis toujours et partout fidèles.

    J’ai besoin de tous les moments qui me restent à passer sur la terre pour remercier la Providence de la protection spéciale qu’elle n’a cessé de m’accorder, surtout pendant les orages qui ont si souvent grondé sur ma tête depuis la révolution.

    Je déclare au petit nombre de mes amis, destinés à lire ce petit ouvrage, qu’il ne contient pas un seul fait dont je ne puisse donner la preuve la plus authentique. On y trouvera, peut-être, quelques répétitions, mais elles sont devenues presque inévitables, dans le récit que j’ai fait d’actions qui ont souvent été elles-mêmes une répétition de malheurs qui se ressemblaient plus ou moins.

    Pendant mon voyage, j’ai reçu l’ordre de faire des mémoires sur la guerre civile de la Vendée. J’ai employé six mois entiers à ce travail ; je l’ai soumis à plusieurs personnes éclairées, qui ont eu la bonté de me dire qu’elles en étaient satisfaites. Je l’ai consigné dans des mains sûres ; il était sous cachet. J’ai fait des tentatives pour me procurer cet ouvrage ; jusqu’à ce moment, elles ont été infructueuses. J’attendrai, dans le calme où je vis maintenant, que quelques voyageurs sûrs et fidèles puissent s’en charger. Quand il me sera parvenu, je le réunirai à cette petite brochure, que j’engage mes amis à lire avec l’indulgence et la bonté qui caractérisent leur attachement pour moi.

     

    A Maché, le 25 avril 1803.

     

    P.-F. REMAUD.

     

     

     

    FIN

     

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