• La Flocellière, 19 octobre 1795....

     

    La Flocellière et le général Willot, 19 octobre 1795…

     

     

    Les historiens, du moins ceux qui consultent les archives, connaissent bien le problème : on part souvent avec une idée en tête pour trouver tel ou tel document. On termine la journée sans avoir trouvé, ou si peu, de ce que l’on cherchait, mais on repart avec un plein dossier de choses imprévues. Il en va de même avec la consultation numérique et c’est ainsi que je vous présente ce soir une sortie totalement méconnue du général Willot sur la Flocellière. Le général Amédée Willot (1755 - 1823), aux ordres de Lazare Hoche tente de poursuivre les Vendéens dans le cadre d’une politique plus conciliante envers les populations tout en visant essentiellement les chefs Vendéens. Le culte et les prêtres sont censés être respectés avant que les agités extrémistes ne reviennent avec le coup d’état du 18 fructidor de l’an V (4 septembre 1797), qui verra à nouveau la persécution antireligieuse réapparaître. Comme vous allez le voir, Willot n’a déjà plus grand-chose à combattre tant les Vendéens qui ont repris les armes malgré les accords de paix se font rares et Hoche poursuit essentiellement des fantômes. Ceci dit, la peur inspirée par la Vendée est encore puissante chez les républicains et le tristement célèbre Caffin, n’hésitera pas à tuer des femmes et des enfants, comme il en avait l’habitude sous le généralat de Turreau.

     

    RL

    Mai 2018

     

     

    Le 17 octobre 1795, Willot écrit au chef d’état-major Grouchy (1) :

     

     

    « Chatillon le 25 vendémiaire 4ème année.

    Au général de division chef de l’état major général Grouchy.

    Je reçois, mon cher général, une lettre du général Caffin qui m’annonce qu’ayant été assuré d’un rassemblement à Beaurepaire, il n’occupera pas les points dont nous étions convenus et qu’il se restreint à prendre les positions de Mallièvre et celles du Puy du Fou de manière qu’après avoir arrangé mon plan en comptant sur lui aux Herbiers et aux Epaisses, les deux retraites resteront ouvertes aux ennemis. Ce n’étoit cependant qu’après longue discussion que nous étions convenus de nos faits, les craintes prudents ne sont pas des excuses admissibles et les raports d’espions ne prouvent pas l’impossibilité de tenir sa parole. Ce général qui m’a paru un homme fort estimable a cependant onze bataillons à Cholet ; j’ai visité tous leurs cantonnements, la plus part sont foibles il est vrai : mais il n’est jamais dangereux d’occuper cependant 12 lieues de positions ou l’on arrive pendant la nuit surtout lorsque l’ennemy est inquiété par des marches de différents points dont il ne peut deviner le but ; j’yrai toujours et ferai pour le mieux.

    Le général Mouter qui m’annonce 250 hommes de Bressuire ne m’a envoyé que 200 hommes mal armés commandés par 3 officiers dont un seul capitaine. Lorsque des généraux marchent avec moins de 800 hommes, un chef de bataillon trouve qu’il est au dessous de lui d’aller à l’ennemy avec 240. Ce n’est pas là mon cher général la bonne manière de servir vous en conviendrez mais il faudrait en changer dans la division que je commende.

    Le pain et la viande surtout manquent icy et je l’attends encore aujourd’huy ; je ne transige pas avec les administrateurs et je mettrai au conseil de guerre les chefs des sections qui n’auront pas fait leur devoir. Il me semble que l’autorité militaire est tombée en quenouille dans les cantonnement que j’ai vû ; je lui rendrai les droits que la loy donne et saurai les quels. Le bien du service ne peut dépérir.

    Le général Mouter m’écrit qu’il est inquiet sur Partenay et Thouars, qu’il y a des rassemblements dans les communes de Vernoux, l’Absie, Largeasse et qu’ils ont pris un guide de Partenai venant de Secondigny et qu’un chef de brigands a écrit au commandant de lui rendre cinq chefs qui sont mis en jugement et qui lui rendroit le guide. La garde nationale de Thouars s’est reffusée à faire le service alléguant qu’elle n’avoir ni pain ni soulliers.

    Je ne sçais pas faire ( ?) des hommes et je ne puis en ordonner à tous ceux qui en demendent. Il y a à Bressuire 460 hommes : j’ai écrit au général Mouter qu’après nôtre expédition il s’arrangeroit pour répartir les troupes, où il les jugeroit le plus nécessaire.

    J’ai de la peine à croire que sur mes derrières, il existe de grands dangers sans doute la peur des habitans les grossit.

    J’éprouve dans ce moment, ce qui arrive toujours quand on est obligé pour agir des restes des lambeaux de troupes de plusieurs points (de) tout le pays. Dès que nous allons attaquer la Flocelière, je vais répondre par une ruse de guerre en donnant l’ordre essentiel de se tenir prêt à évacuer le pays. Des rapports m’ont grossi les forces de ce poste, et surtout le nombre des chevaux que l’on porte à 800 ; tant mieux nous ne prendrons d’avantage, s’ils ne se sauvent pas je vous en rendrai bon compte.

    Le général Caffin a fait faire de petites expéditions sur la Verrie et St Laurent qui ont eu un plein succès.

    Sans doute ils vous enverront des détails : j’en ai attendu hier le résultat à Chollet mais ce qu’il y a d’affreux c’est qu’on a tué des femmes et des enfants. Malheur à ceux de ma colonne qui se conduiroient ainsi. Les laches seuls sont cruels.

    Salut et amitié. »

     

    La Flocellière, 19 octobre 1795....

     

    Deux jours plus tard, le 19 octobre 1795, Willot fait son rapport à Hoche (2) :

     

    La Flocellière, 19 octobre 1795....

     

    « Au Quartier-Général à Cerisai le 27 vendémaire l’an 4e de la République Française.

     

    Willot, Général de Division, commandant la 3ème

    Au citoyen Hoche général en chef de l’armée.

     

    En marge : reçu le 4 brumaire

     

    Mon général,

     

    Votre ordre que m’a transmis le chef de l’état major général d’enlever les postes de Château Mur et de la Flocelière occupés par les rebelles a été exécuté le 26 ; voici les dispositions que j’ai prises et le résultat de l’opération.

    Trop foible pour fournir à l’attaque et garnir les Herbiers et les Epaisses, poistions essentielles pour couper l’ennemi dans la fuitte ou dans la retraite, je m’étois concerté avec le général Caffin, et il étoit convenu entre nous qu’après disuction que les positions des Herbiers et des Epaisses seroient occupées par des troupes de la division, je comptois là-dessus. Le 25 sur le tard il me parvint à Chatillon une de ses lettres par la quelle il me mandoit qu’il croyoit prudent de se raprocher de nos vû le peu de ses forces disponibles et qu’il avoit pris le parti de se porter sur le Puid du Fou et sur Malièvre, je vis avec peine des points importants dégarnis, mais il étoit trop tard pour changer les dispositions et j’augurai alors que l’ennemy nous échaperoit.

    L’attaque étoit fixée pour quatre heures du matin. J’ordonne au général Merle de marcher avec les troupes qu’il pourroit avoir de la Chateigneraye pour se rendre sur la droite de la Flocelière en lui recommandant d’envoyer une partie de ses forces s’emparer du Mont St Michel (3) ; au général Burac de partir de Cerisay avec deux bataillons de la 4ème demi brigade d’infanterie légère et 120 hommes venus de Moncoutant pour se rendre sur deux colonnes, dont l’une devoit passer par St Memin à la gauche de la Flocelière ; je pars de Chatillon avec une partie des troupes de cette place, 250 hommes venus de Bressuire et un détachement du 7ème régiment des chasseurs pour attaquer de frond ; je passe par Château Mur, le château n’étoit point occupé, le village étoit désert. A l’heure indiquée les colonnes entrent à la Flocelière, le poste se trouve évacué, l’ennemy avoit battu la générale à deux heures du matin, c’étoit sans doute pour l’abandonner, averti de nos mouvements difficiles à ténier dans le mistère surtout quand ils sont multipliés.

    Il ne restoit à la Flocelière que quelques vieillards, quelques femmes et enfants. J’ai trouvé des magazins de vin, d’eau de vie, de cuir, de farins et de fourrages, j’ai fait chercher dans les environs par des guides et des officiers des charretes pour emporter les objets. L’on a pu en trouver et j’ai été obligé de faire porter les fourrages des magasins dans les cours du château et d’y faire mettre le feu, de distribuer une partie des farines aux soldats et jetter le reste pour enlever ces ressources à l’ennemi. L’eau de vie et le cuir ont été distribués à la troupe.

    Nous avons pris nos positions, j’ai ordonné quelques découvertes par des bataillons d’infanterie légère, l’ennemy ne paroissoit pas.

    La colonne commandée par le général Merle avoit trouvé un avant poste, quelques brigands avoient été tués et quelques mauvais chevaux pris. La 3ème demi-brigade d’infanterie légère avoit fait un prisonnier, on lui a conservé la vie, il sera envoyé demain à Fontenai pour être livré aux tribunaux compétants.

    N’ayant pas ordre de tenir poste à la Flocelière qui effectivement ne peut être occupé qu’avec ceux de Pouzauges et des Herbiers, je renvoyai les troupes dans leurs cantonnements respectifs qui étoient restés dégarnis.

    Je désirerai pouvoir rendre aussi bon compte de la conduite des troupes quand au respect des propriétés que j’ai d’éloges à faire de leur ardeur et de leur courage ; plusieurs militaires sont arr^tés et seront jugés par les conseils militaires.

    Salut et fraternité

    Willot »

     

    Le château de la Flocellière :

    La Flocellière, 19 octobre 1795....

     

    Notes :

    (1)  Archives Nationales : archives privées, 220 AP 1, v. 9/86 et sq. Correspondance active du général Willot.

    (2)  Archives de Vincennes : SHD B 5/12-74, v. 10 et 11/11.

    (3) Il s’agit bien entendu du bien nommé Saint-Michel-Mont-Mercure, point culminant du Bocage et du même coup du département de la Vendée.

     

     

     


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